[E3] Agnus dei [Mettius] (terminé)

[Cassiopea]

Une fois n'est pas coutume en cette matinée ensoleillée je suis assise à mon bureau, occupée à rédiger quelques courriers. Bien qu'écrivant avec application je suis pressée d'en avoir terminé pour pouvoir m'adonner à ma musique. Giulia pénètre dans la pièce en souriant. Je connais ce sourire, il ne présage rien qui risque de me plaire.

Helva, un androïde envoyé par ton père est ici. Il te fait mander que tu es attendue à sa villa afin de rencontrer une personne importante qui souhaiterait te parler.

Je soupire longuement tenant à la main la plume blanche à la pointe maculée d'encre. Mon regard se pose sur la romaine.

Quand va-t-il finir par comprendre que je ne suis pas à sa disposition? Ne peut-il pas m'avertir au moins un jour avant plutôt que d'envoyer un de ses sous-fifres venir me chercher de force ? Il s'imagine que je n'ai rien de mieux à faire que de rencontrer un de ses énièmes ami ennuyeux et riche ?

Cassiopea Luna Alestra ! Est-ce une façon de parler de son père ?

Elle prend son air sévère, ses mains sur les hanches. Une posture que je connais bien. Elle m'a élevé depuis la mort de ma mère. Giulia est un peu pour moi comme une deuxième maman et je sais qu'elle m'aime comme sa fille. J'imagine que le fait qu'elle aie sacrifié sa vie pour veiller sur ma famille et moi y est pour beaucoup. Enfin quand elle emploie ce ton là je sais qu'il est inutile de lui tenir tête. Je soupire à nouveau.

Il s'agit certainement d'une personne importante qui pourra t'aider dans ta carrière.

Ma carrière se porte très bien je vous remercie. Enfin soit, je vais y aller de toute façon tu ne me laisseras pas en paix tant que je ne serais pas partie.

Je repose la plume délicatement, laissant là le courrier. Plus vite j'en aurais fini et mieux je me sentirais. Je me lève sans un mot de plus, n'écoutant qu'à moitié ma servante qui continue à me vanter la gentillesse de mon père si dévoué. Tu parles ! Je sais qu'il pense bien faire mais je ne suis plus une enfant et j'entends choisir moi-même pour qui je joue ou non. Je me dirige vers le vestibule et prends au passage mon châle que je passe sur mes épaules avant d'enfiler mes sandales. Je quitte la villa alors que Giulia poursuit son monologue sur le pas de la porte. L'androïde presse l'allure pour me suivre. Lui au moins a la sagesse de se taire. Même si je suis souvent mal à l'aise en compagnie de ces êtres d'apparence humaine, je reconnais que j'apprécie le silence. La demeure de mon père n'est pas très loin, dans un autre quartier.

En quelques minutes je suis arrivée. Je laisse passer l'androïde pour ne pas avoir à m'annoncer moi-même. Il me conduit au salon. La pièce comme le reste de la bâtisse est très richement décorée. Le marchand a de l'argent et il aime l'afficher autant qu'il apprécie le luxe. Je me demande parfois ce que j'ai hérité de mon père puisque nous sommes lui et moi si différents. Je suis médisante je le confesse. Il a toujours été là pour moi même si c'est à sa manière bien particulière qui a souvent le don de me taper sur les nerfs. Ipazzio m'offre son plus grand sourire. Il est installé confortablement sur son siège et de là où je suis je ne distingue pas bien son hôte. J'approche à son invitation alors qu'il se lève pour venir m'embrasser.

Mon enfant te voilà enfin. Tu connais j'en suis certaine Mettius Aurelius Aguila ?

Et en effet alors que je me tiens aux côtés de mon père je vois parfaitement le visage du politicien. Encore plus merveilleux que je ne l'aurais pensé. Voilà un homme incarnant selon la rumeur tout ce que je déteste : hypocrisie, manipulation, arrivisme. Sa réputation est des plus terrifiantes et je me sens soudain comme un petit agneau entre les griffes du grand méchant loup. Je n'ai croisé le romain qu'à de rares reprises et je ne le connais pas personnellement. On dirait que je vais avoir le droit de me faire ma propre appréciation à son sujet. Je lui souris aimablement.

Nous avons déjà été présenté oui, mais l'entrevue avait été très brève. Vous êtes un homme très demandé. Ravie de vous revoir.

Petit mensonge je le confesse, il en a sans doute proféré des plus terribles. Voilà pourquoi je déteste tant être mêlée à ces gens, je suis obligée de jouer selon les mêmes règles qu'eux. Je n'aime pas être fausse.

Je vous laisse discuter.

Mon père s’éclipse tout sourire, sans doute à la demande de son invité. Je me sens un peu plus mal à l'aise mais je sais porter le masque de la bienséance. Je suis comme en représentation telle que l'on attend que je sois.

Que puis-je pour vous ?

[Mettius Aurelius]

En prévision des festivités, la question s'était posée au palais du prélat, combien de musiciens et qui engager ? C'était toujours la même rengaine car il fallait non seulement prendre des valeurs sûres, mais aussi proposer des choses nouvelles, originales, qui feraient de cette soirée une pure merveille qui sortirait du lot. Oh, certes une soirée au palais, un banquet, sortait toujours du lot grâce au faste et au liuxe présent sur place, les grandes tentures, les tenues brodées d'or et d'argent, les objets précieux, les musiciens hors de prix les mets savoureux, voilà de quoi en épater plus d'un ! C'était en même temps le but, écraser les autres par l'opulence, la richesse ! Voilà le principal intérêt de ce genre d'événements !

Toujours est-il qu'il y avait un peu de difficulté, ayant d'autres activités à Rome, plusieurs musiciens avaient osé décliner la proposition du couple Aurélius, au grand dam des deux époux. Et comme un sauveur, un marchand de passage u palais pour affaires était venu proposer quelqu'un, il était venu voir l'un de ses meilleurs cliets, comme à l'accoutumée, pour présenter de nouvelles étoffes, et il avait surpris cette conversation concernant les musiciens. Sur le coup, Mettius fut ravi de savoir qu'il n'avait entendu que cela, devoir cesser tout commerce et toute relations avec un aussi bon marchad à la si bonne marchandise lui aurait vraiment donné des aigreurs d'estomac.

Mais il leur avait semblait-il, trouvé une solution, Il leur avait parlé d'une personne qui pourrait faire l'affaire. Intrigué, le prélat avait fait passer le marchand dans son étude privée pour s'entretenir plus au calme, lui proposant même une petite collation et un vin aux épices particulièrement réputé. Il lui avait parlé de sa fille et lui avait proposé même de l'acompagner jusque chez lui en attendant que sa fille y arrive. Oui, il s'agissait de sa fille cette perle dont il parlait.

Il avait commencé par prendre ses propos avec des pincettes, chaque père est particulièrement fier de sa fille – excepté lui – donc il ne fallait pas forcément prendre pour argent comptant ses paroles. Il avait simplement proposé au marchand de le rejoindre un peu plus tard, quelques affaires urgentes à régler auparavant, mais il se ferait déposer bien plus vite en palanquin quand il aurait fini. Cela laissit le temps au marchand de finir d'expédier ses affaires les plus courantres et les plus urgentes ainsi, comme lui, et accessoirement, de mettre au courant sa fille..

Maintenant qu'il y réfléchissait, il lui semblait que la fille du marchand ne lui était pas inconnue, Alestra était leur nom de famille et la fille,Cassiopea, n'était pas inconnue, de nom du moins, mais alors qui était-elle exactement ? Gros doute ! Mais au fond, cela lui importait peu, si elle était un joyau aussi rare que ce que lui avait assuré son père, alors elle serait la bienvenue partout ! Et il pourrait même peut être lui simplifier la tâche !

Deux bonnes heures plus tard il se présentait chez le marchand. Un androïde lui ouvrit et conduit le prélat dans une pièce richement décorée, mais piètrement exposée quand on avait sous les yeux tous les jours la magnificence du palais. Il n'y porta d'ailleurs aucune attention.

Ils n'eurent me pas le temps de finir la coll...euh les civilités que l'on annonçait la jeune femme, confortablement assis, il l'a vit arriver, ça y est il remettait un visage sur le nom. Et quel visage ! Il se sentait bête de ne pas s'en être rappelé, le dire aurait été insultant pour elle et pour la beauté même, mais bref !

Une fois les présentations faites – il s'était levé pour l'accueillir, un peu de civisme que diable ! - Il se rassit, ainsi, elle se souvenait de lui ? Normal, on oublie pas quelqu'un comme le prélat, un homme de pouvoir, un homme puissant et influent, l'oublier était une erreur grossière ! Oublier une muscienne, aussi mignonne soit-elle, n'avait rien de bien exceptionnel !

« Plaisir partagé, je vous assure ! »

Voilà tout ce qu'il répondit à ses aimables paroles de politesse mettant en avant un manque de savoir-vivre passé des plus grossiers ! Il inclina en même temps la tête, comme un signe de repsect, alors que d'un petit geste discret de la main, il congédia le marchand, sous son propre toit, oui, il pouvait se le permettre, mais il doutait que celui ci tolère un tel acte venant d'autres personnes.... Il s'excusa et les laissa seuls. Mais à peine étaient-ils seuls qu'elle entamma le vif du sujet, la raison de sa présence...fort bien !

« A vrai dire, je crois que vos paroles m'ont semblées assez claires, je crois que je vous dois des excuses pour mon comporteent antérieur à votre égard, mais même quand je suis à un banquet j, je travaille, ce n'est pas le lieu pour me détendre à bavarder agréablement avec des personnes de bonne compagnie, vous, votre travail c'est de divertir les gens par la musique, moi c'est de palabrer avec les personnes les plus ennuyeuses de Rome ! Mais sachez que si je suis là aujourd'hui, c'est pour vous ! »

Il sourit avant d'enchaîner.

« Je dirai bien que je ne suis là que pour la beauté des saphirs qui ornent vos yeux, mais vous ne me croiriez pas, et vous auriez raison. Il n'en restent pas moins magnifiques, entendons nous bien là dessus, c'est indéniable ! Mais en fait je pensais plutôt à la pureté de vos mélodies... Je suis à la recherche de quelques musiciens et musiciennes supplémentaires pour un banquet, et votre père a eu l'extrème amabilité de vous recommander. Qu'en pensez vous ? »

Tout reposait dans le bon dosage de flatterie. C'était la leçon une de la manipulation pour les gogos !

[Cassiopea]

Je l'écoute avec attention. Si j'ai directement demandé ce qui me vaut d'être ainsi convoquée chez mon père c'est parce que j'espère bien ne pas m'attarder plus que de raison. Il ne peut s'empêcher de me répondre sans quelques courbettes, ce serait un bien mauvais politicien dans le cas contraire. Je pose un regard sur le siège tout proche, hésitant un instant à m'y installer. Ce serait plus poli bien que cela risque d'amener une discussion plus longue. Je vais m'en abstenir surtout s'il choisit de rester debout. Je souris à ses paroles, plus par amusement.

Ce n' était pas le moins du monde un reproche, je ne raffole pas des mondanités même si un peu comme pour vous elles font partie de ma vie. On dit que le vrai pouvoir est de ne jamais avoir à s'excuser. Je n'ai probablement pas de conseils à vous donner vu mon humble position à côté de votre grande carrière néanmoins dites-vous que tous ceux qui vous connaissent, ne serait-ce que de réputation, savent combien vous êtes occupé. A moins d'être un Dieu vous ne pouvez pas être partout à la fois.

Je souris un peu plus largement.

Même si je suis certaine que vous aimeriez. Pour vous répondre je n'envie pas votre place justement parce que j'ai horreur de parler avec des gens ennuyeux.

Je n'ose rajouter que les êtres imbus d'eux-même le sont presque toujours. Comprendrait-il à demi-mots que j'ai tendance à vouloir le mettre dans le même lot ? Pour l'instant en tous cas il ne me fait pas mauvaise impression. Mon instinct à moins que ce ne soit mon intuition me chante néanmoins de rester sur mes gardes. Le voilà à présent qui flatte la beauté de mes yeux. Est-ce que cela me surprend ? Pas vraiment, non pas que je les pense si magnifiques que l'on ne peut que le souligner. Simplement la flatterie fait partie de l'attirail des orateurs surtout quand ils veulent obtenir quelque chose. Beaucoup sont sensibles aux compliments. Je me garderai bien de dire qu'ils sont désagréables mais ils ne me rendent pas plus faciles à amadouer.

Il m'explique ensuite qu'il cherche des musiciens pour jouer lors d'une soirée qu'il organise. Comme je m'en doutais mon père lui a vanté mes talents et le voici donc à me solliciter. Je ne peux pas en vouloir à Ipazzio je dois même reconnaître que c'est beaucoup grâce à lui que je peux vivre de ma musique. L'appât du gain n'est pas réellement ce qui me motive bien que j'ai grandi dans un certain confort et que j'y sois habituée. Si la proposition du prélat est alléchante à mes yeux ce n'est pas tant par le cacher qu'elle me promet que par la notoriété que j'en retirerais. Les contrats pleuvront d'avantage après cela c'est indéniable. Il serait donc malvenu de refuser.

C'est probablement la voix du père qui parle à travers sa bouche plus que l'amateur de musique. Je ne peux pas me vanter d'avoir du talent mes dons je les dois à ma Déesse.

J'incline élégamment la tête.

J'ai eu l'occasion de jouer pour quelques sénateurs et ce serait un honneur de le faire à votre banquet si mes mélodies et mes chants vous plaisent. Puis-je savoir à quelle occasion cet événement aura lieu et quel type de musique vous aimeriez entendre jouer ?

[Mettius Aurelius]

Elle était vraiment d’une très grande beauté et Mettius devait reconnaitre qu’il était difficile de ne pas la dévisager, ne serait-ce que pour éviter de la gêner, s’il la gênait , elle risquait de refuser son offre, une offre qu’elle ne pouvait pas refuser dans des conditions ordinaires, c’était avec ce genre de propale qu’on faisait décoller une carrière, mais qu’en même temps la moindre erreur était fatale ! Ce n’était pas la bonne occasion pour d’une corde casse, sur une harpe par exemple ! Oui, quand ça arrivait en général, une carrière prenait fin assez brutalement, ramenant l’artiste sur la terre ferme avec une vie misérable….t il ne se privait pas pour ruiner les vies de ceux qui ruinaient ses fêtes….combien de personnes étaient devenues catin à cause de lui pour cette raison ? Beaucoup trop sans doute ! Il avait beau être un très bon hôte, quand il engageait du personnel, il voulait que tout soit impeccable ! Il ne tolérait pas la moindre erreur, et sa femme non plus, elle qui n’aimait pas les surprises…ouais, mieux valait que ça file droit sous leur toit !

Elle le surprit un peu par sa réponse…hum, il devait être un peu paranoïaque sur les bords sans doute…l’exercice du pouvoir corrompt l’homme à ce que l’on dit, mais plus encore, ça pervertissait davantage l’esprit au point de trouver cela normal. De plus un homme dans sa position, nommé à vie devait être prudent, et malheureusement parfois, ce n’était plus de de la prudence mais de la paranoïa, notamment cette fois ci, alors qu’en fait elle n’avait pas cherché apparemment à le moucher dès le départ, fausse alerte…

La suite le fit sourire, oui, être Dieu ce pourrait être amusant et une belle promotion, mais il s’y lasserait vite sans doute. C’est long l’immortalité ! Il savait qu’il s’en lasserait hélas bien trop vite, même si il s’imaginait fort bien à jouer les monsieur crache-la-foudre à la place de Jupiter dans les temples….hum, non, peut-être n’était-ce pas une bonne idée… il chassa cette pensée de son esprit.

Et puis ni vu ni connu, une petite référence à un ego surdimensionné qu’il était censé, non, qu’il avait. Il le reconnaissait bien volontiers, ou du moins, en privé ! Il tentait de paraitre humble en discutant avec le peuple. Et elle se rabaissait presque mettant en avant une différence des plus flagrantes, peut-être était-ce pour enfoncer un hypothétique couteau dans la plaie ! Rien à faire ! Allons donc ! Elle était d’une telle modestie que ça semblait complètement faux en fait, elle était bien, réputée, elle avait joué pour des sénateurs, mais non, elle n’avait aucun talent !

Toutefois, elle accepta, posant quelques questions sur les circonstances et autres, des questions légitimes pour qu’elle s’organise comme il se devait ! Bon et bien allons-y, développons l’idée qu’il avait mis au point !

« Oh rudement bien, ce sera vraiment un plaisir de vous avoir avec nous ! j’en suis enchanté ! Bien évidemment, vous serez payée selon vos honoraires avec une majoration de disons….vingt pourcents ! Pour le reste et bien je pensais en fait à une prestation musicale pendant le repas, un petit fond sonore pour accompagner le repas, et un petit récital juste après avant d’attaquer les grandes conversations endiablées sur la politique. C’est à vous de voir ce que vous voulez jouer pour nous en mettre plein les oreilles ! »

Le prélat se plaça confortablement dans son fauteuil.

« Vous ne seriez pas mieux assise pour discuter ? »

Il sourit, oui, il savait très bien pourquoi elle restait debout ! Elle ne voulait pas s’éterniser. Oui te bien il était prélat ; tant pis pour elle, elle allait un peu attendre, les affaires du prélat primait !

« Allez, asseyez-vous je vous prie. »

Une lourde insistance qui semblait indiquer comme une forte recommandation….

« Vous savez, vous aurez beau dire ce que vous voulez, ça ne change rien, vous êtes douée, que ce soit un don de votre déesse ou pas, ce n’est pas à vitre déesse que l’on demande de jouer, non, c’est à vous, pour un banquet afin de réunir des partisans en prévisions d’une proposition de loi ! Vous êtes très douée à ce que l’on m’a dit, et votre père sait peut être comme je suis exigeant, il n’aurait pas proposé sa fille s’il ne la savait pas à la hauteur ! »

[Cassiopea]

J'ai la chance de gagner ma vie en faisant ce que j'aime. C'est une raison de plus pour le faire avec sérieux. Quand je parle affaires je prends toujours les choses à cœur et en grande perfectionniste je travaille dur pour que tout soit parfait lorsque je suis en représentation. Avoir l'occasion de jouer chez le prélat peut, je le sais, grandement me servir et je ne compte pas me saboter. Je confesse par contre n'être pas douée pour marchander, une qualité que possède mon père et qui me fait amplement défaut. Il faut dire que contrairement à lui je n'y trouve aucun plaisir. Dès lors que je pense le prix juste pourquoi vouloir parlementer des heures ? Non aucun intérêt à mes yeux. J'avoue que je suis assez surprise par la somme proposée par le romain. Je me remets assez vite de mon étonnement. Il a largement les moyens de se payer les meilleurs musiciens de la cité. Je ne peux pas dire que je n'aime pas l'argent ce n'est juste pas lui qui régit ma vie. Je tiens à mon confort c'est certain et j'ai la chance d'avoir toujours évolué dans un milieu aisé.

A son invitation je prends place sur le siège. Mettius n'est pas homme à aimer les refus. Je ne suis pas pour ma part du genre à plier devant quiconque néanmoins je ne relève que les combats qui en valent la peine. Je croise les jambes, arrangeant par coquetterie le tombé de ma toge et lui souris aimablement avant de poursuivre la discussion.

Je vois un peu mieux ce que vous attendez oui. Je vous propose dans ce cas quelques mélodies pour le repas. Les morceaux chantés seront joués après. Vous avez parlé d'autres musiciens puis-je savoir qui d'autre sera présent ? Il faudra que je m'organise avec eux pour déterminer qui jouera à quel moment.

Je ne m'avance pas en parlant d'un morceau joué de concert. Cela demande souvent bien du travail non pas que cela m'effraie mais si je peux me porter garant de ma volonté de bien faire certains collègues ont la fâcheuse tendance à être plus laxistes. J'imagine cependant que le prélat ne ferait pas appel à n'importe qui. Au moins il me laisse la liberté de choix de mes musiques. J'avoue que c'est ce que j'aime le mieux. Il est plus facile ainsi d'aller vers une certaine harmonie. Les clients ne sont pas toujours les meilleurs juges de ce qui plaira au plus grand nombre bien que leur avis soit des plus importants. Cela me surprend malgré tout que Mettius ne soit pas du genre à vouloir décider jusqu'aux moindres détails concernant de si grand événement. Sans doute se figure-t-il, et à juste titre, qu'étant donné l'influence que ce style de représentation peut avoir sur une carrière les artistes se donneront la peine de fournir une prestation impeccable. A sa place je choisirais moi même et je demanderais un droit de regard sur ce qui se jouera puisqu'il en va tout de même de son image. Certains êtres malintentionnés pourraient fort bien profiter de l'aubaine pour tenter de saboter sa fête. Ce n'est évidemment pas mon cas.

Il a juste en tous cas au sujet de mon père. Bien que son amour paternel et sa fierté ne soient pas extérieurs à ma présence ici, il est certain qu'il ne vanterait pas mes talents à un homme si puissant en pensant que je ne suis pas à la hauteur.

Vous vous ferez votre appréciation en m'entendant jouer alors. Avez-vous des demandes particulières pour cette soirée ? Une couleur pour la tenue qui sera portée, je ne sais pas. Si j'ai bien compris le thème est libre ?

[Mettius Aurelius]

Il sourit en l’écoutant, elle savait mieux que lui de quoi elle parlait ! Alors il lui faisait confiance. En théorie du moins car elle n’avait entendu qu’une partie des propos, en fait il y avait quelque chose de bien particulier, mais il le lui expliquerait en temps et en heures… Ah non, ce n’est pas du tout ce que vous pensez, elle était ravissante certes, mais non, c’était hors sujet, hors propos et tout !

Elle parla des autres musiciens, oui, ils seraient en la comptant une bonne dizaine, donc il valait mieux se coordonner ! Il lui donnerait les noms et les adresses avant de partir bien évidemment. Cela faisait plaisir d’avoir l’impression d’être écouté par une professionnelle ! Elle saurait agir au mieux, il lui faisait parfaitement confiance. La soirée devait être réussie ! Et bien évidemment, une erreur de la part des musiciens mettraient inéluctablement fin à leur carrière... il y veillerait personnellement ! Et bon courage pour s’en relever !

Ensuite le changea de sujet pour aborder le thème et les tenues ! Voilà qui était intéressant. En effet, il n’y avait pas de tenue type, mais il avait longuement réfléchis à la question ? Il avait décidé de faire « plaisir » à sa femme, en proposant que tout le personnel et les musiciens soient dans les tons parme et mauves…. Non, en fait sa femme il s’en fichait ! Il trouvait les tons parme plutôt intéressant et avait longuement parlé de cela avec un vendeur qui lui avait donné la bonne solution. Une simple tunique blanche recouverte de voiles peu opaques parme, ce serait parfait pour le personnel et les musiciens. Même si quand elle posa la question, le prélat du refréner une très forte envie de lancer que toute nue, sa tenue serait parfaite !n Mais au lieu de ça :

« Oui, en fait tout a été pensé pour les tenues, elle sera proposée sur place et déduite des honoraires, plus simple. Un couturier passe dans trois jours au palais, il y reste toute l’après-midi pour prendre des mesures et faire des retouches. Il est très doué, tous les musiciens engagés se retrouveront ce jour là pour faire les essayages, ^peut être pourriez-vous passer, vous les rencontreriez et pourrez faire quelques répétitions, qu’en pensez-vous ? Il s’agira de tenue simple, une tunique blanche avec des tissus parme et lavande qui orneront celle-ci. »

Il sourit alors qu’il continuait :

« Concernant votre coordination avec vos pairs, j’avoue que j’ai une demande. Vous conviendrez qu’elle est légitime ! Mon épouse et moi-même aimerions assister aux répétitions, elle ou moi, sans doute elle, d’ailleurs, mais ce n’est qu’une manière pour nous de contrôler ce qui se passer le jour même, de ne pas être pris au dépourvu. De même si vous avez besoin de quoique ce soit pour le jour J, nous aimerions bien volontiers avoir cette « liste d’exigence le plus tôt possible pour voir ce qui est faisable. Quant aux frais, comme la révision de votre instrument avant cet événement, ce sera bien évidemment à nos frais ! »

Il sourit et comme frappé par quelque chose il lança :

« Ah et j’oubliais, inutile de préciser ce que cela risquerait de produire comme résultats pour vous comme pour nous si cette soirée était un fiasco à cause de la musique, n’est-ce pas ? »

Ce n'était ni une menace, ni un avertissement, juste un rappel d'une triste possibilité...

[Cassiopea]

Alors que nous discutons de l'organisation et des préparatifs, j'enregistre chacun des détails qu'il évoque. Je n'ai pas besoin de prendre des notes, ma mémoire eidétique est parfaite. Je retiens tout ce que j'entends et vois sans avoir besoin d'y penser ou de faire d'efforts. C'est un énorme atout surtout pour une musicienne. Un coup d’œil à une partition et déjà je l'ai retenu. Il me suffit également d'une seule écoute pour apprendre une mélodie inconnue. Il ne me reste ensuite plus qu'à travailler l’enchaînement des notes et la cadence. Pour mes rendez-vous c'est pareil, je n'ai pas besoin d'un pense-bête. Tout mon planning est dans ma tête. Le fonctionnement est assez singulier. A la date j'associe une image. Par exemple pour dans trois jours je visualise une stola de couleur parme qui me fait de suite penser aux essayages pour la soirée chez le prélat.

Peut-être ? Je souris. Je viendrai bien sûr cela fait partie de mon engagement puisque je vais jouer pour vous. Et j'imagine que peut-être dans votre bouche signifie qu'il est impératif que je sois présente. Je m'étonne d'ailleurs que vous preniez des pincettes avec moi. Je vous imaginais plus... direct.

J'ai mon franc-parler. Je ne cherche pas le moins du monde à le provoquer je suis juste quelqu'un de sincère sauf quand par nécessité je joue le rôle qu'on attend que j'incarne. Je me faisais une image bien différente de ce romain. Enfin il est bien trop tôt pour prétendre déjà le cerner. Il se montre probablement attentif et poli juste parce qu'il ne me connaît pas et a besoin de mes services. J'imaginais qu'avec une position comme la sienne il serait plus enclin à imposer ses envies, ses attentes comme des ordres plus que comme des demandes. D'un autre côté j'ai toujours eu horreur qu'on me donne des ordres je ne vais pas m'en plaindre. Je sais d'expérience néanmoins que les clients sont rois. On doit se plier à leur demande même si à nos yeux cela n'a rien de pertinent, de juste ou d'harmonieux. Soyons lucides, chacun a son domaine. Je ne m'aviserai pas de donner des conseils sur la politique à Mettius par exemple, il serait malvenu que lui me dise comment je dois jouer alors qu'il ne doit pas entendre grand chose à la musique. Malheureusement certaines personnes ne peuvent pas s'empêcher de prétendre tout savoir et tout connaître mieux que quiconque. J'ai cessé depuis longtemps de vouloir chercher à convaincre ces gens là. Le plus habile est de leur soumettre une bonne idée en les amenant à penser qu'elle vient d'eux pour éviter d'avoir à faire n'importe quoi pour les contenter.

Fort heureusement le problème ne se pose pas, du moins pas encore, avec le prélat. Il a dit qu'il me laissait libre du choix de mon répertoire pour cette occasion. Je vais juste devoir me coordonner avec les autres musiciens. J'espère que nous parviendrons à nous entendre eux et moi. Certains artistes ont parfois un ego encore plus sur-dimensionné que les hommes de pouvoir.

Votre demande est des plus légitimes. Cela ne m'ennuie nullement. Concernant les besoins ils sont assez simples. Il me faudra juste un endroit où me changer sur place et me préparer. Puisque nous serons nombreux à jouer pour vous cela ne m'ennuie pas de partager mais de préférence avec une ou des femmes évidemment. Je ferai apporter mon instrument et mon siège un peu plus tôt dans la journée à une heure qui vous conviendra. J'aimerais juste pouvoir jouer un peu avant l'arrivée des convives pour m'assurer qu'il ne s'est pas désaccordé durant le transport. Ah et bien sûr j'aimerais avoir à disposition de l'eau pour avant, pendant et après la soirée. Sans quoi j'aurais bien du mal à chanter pour vous. Une dernière demande, j'interdis que quiconque que moi ou bien mes employés ne touchent à mon instrument.

Les choses sont claires des deux côtés à ce qu'il semble. Ce ne sera pas ma première représentation loin de là. Le prélat se charge de me rappeler l'enjeu pour moi. Je lui adresse un nouveau sourire.

Si vous songiez qu'il est inutile de me préciser quelque chose vous ne vous en donneriez pas la peine. Soyez assuré que je suis consciente de l'honneur et de la chance qui sont miens de jouer pour vous. Je ne vous décevrai pas. La musique n'est pas seulement mon travail ou ma passion, elle est ma vie. Y a-t-il autre chose que vous vouliez préciser ou savoir ? Je ne voudrais pas abuser de votre temps précieux.

[Mettius Aurelius]

Elle avait un magnifique sourire, et de jolies lèvres ! Il sourit, ses propos étaient amusant, non, son peut être voulait dire peut être et son ton conciliant était celui d’un politicien, il n’avait pas à lui donner d’ordres ! Il prenait des pincettes car même si elle avait signifié son accord. Cela ne voulait pas pour autant dire que tout était arrangé et tant que les papiers n’étaient pas signés pour un contrat en bonne et due forme, il était hors de question qu’il lui donne le moindre ordre !

Mais c’était amusant la ressemblance avec la chanteuse qu’il avait déjà croisé à plusieurs reprises, cette Livia. Ce même franc parler toutes les deux, comme si il s’agissait de l’apanage des artistes eux même, ni plus ni moins ! Les demandes qu’elle fit ensuite furent des plus légitimes ! Par contre, si elle ne semblait pas avoir besoin de noter quoique ce soit, lui, si, il en avait grand besoin. I était bien ennuyé sur le coup….

Il regarda à droite et à gauche. Rien pour noter…. Et dire qu’il allait avoir d’autres choses plus importantes que les consignes d’une petite musicienne plutôt jolie… c’était gênant…. Enfin, il trouverait bien un moyen de…. Ah ! Un androïde ! Il lui fit signe d’approcher alors qu’elle continuait à parler, rajoutant ainsi qu’elle comprenait parfaitement l’honneur qui lui était fait, et qu’elle ne ferai pas défaut étant donnée l’importance pour elle de sa musique… oui, c’était bien beau tout ça, mais tout de même !

Autre chose à préciser, oui, pour les à côtés sa chambre était au premier, il se garda bien de le dire à voix hautes, cela ne valait pas le coup, surtout qu’il risquait fort de regretter pareilles paroles…. Mais oui, il avait quelques petites choses à dire et à demander qui étaient plus intelligentes. Il commença de suite d’ailleurs, non sans avoir demandé à l’androïde de lui fournir de quoi écrire, ce qu’il lui apporta illico presto.

« Je suis désolé, avec ma masse de travail, je suis obligé de prendre en note vos exigences pour ne pas en oublier la moindre même si elles découlent toutes du bon sens plus qu’autre chose, personne ne touchera à votre instrument, tout comme vous n’iriez pas sortir le glaive d’un des gardes prétoriens de son fourreau pour jouer avec… normal… l’instrument sera rangé dans une pièce dont vous seule aurezla clé, cela vous convient ? »

Il souriait toujours, un sourire simple et passe partout.

« Après, j’aurai voulu que nous passerions à la signatures des papiers et des formulaires en vue d’établir un contrat en bonne et due forme au plus vite. Pouvez vous passer demain en début de matiné, ou préférez vous plutôt en fin d’après midi, ce sont mes deux seuls créneaux, hélas… »

Puis, doucement il pencha la tête sur le côté :

« Je dois avouer que vous m’intriguez, refuseriez vous de jouer sur scène avec des musiciens ? Que leur reprochez-vous ? De ne pa jouer avec la même douceur ou la même féminité que vous ? C’est dommage, ils me semblent pourtant excellents ! Excusez moi, c’est une question indiscrète vous n’êtes absolument pas forcé de répondre, je trouvais juste cela curieux, c’est tout…. »

[Cassiopea]

L'entrevue touche à sa fin à ce que je devine. Cela n'a pas été si déplaisant que je m'y serai attendue. Pour une fois que me présenter à un rendez-vous arrangé par mon père ne se transforme pas en calvaire je ne vais pas m'en plaindre. Je m'interroge sur cette soirée, son déroulement et ses conséquences. Un faux pas ne sera pas pardonné. Je ne compte pas trébucher de toute façon. Alors que nous échangeons au sujet des derniers détails, mon esprit lui est déjà en pleine élaboration du répertoire qui conviendrait pour cette réception. Il conviendra d'en faire une liste afin de voir ensuite avec les autres artistes ce qui pourra être joué ou non. J'ai déjà en tête quelques morceaux qui feraient parfaitement l'affaire. Dès que j'en aurais terminé ici je les retravaillerai et les listerai par écrit. Ce sera plus simple ensuite pour en discuter avec les autres musiciens. Je reviens à mon interlocuteur alors qu'il me parle du soin que je porte à ma harpe.

Ne vous donnez pas tout ce mal. Elle est précieuse à mes yeux plus encore qu'elle ne vaut chère. Voilà pourquoi je n'aimerais pas que des mains malhabiles l'endommagent. Et je m'inquiète évidemment du fait qu'en la touchant quiconque puisse la désaccorder voir pire faire rompre une corde avant que je n'entre en scène.

Une androïde apporte une coupe de fruits et en présente au prélat avant de la tendre vers moi. Elle doit être nouvelle au service de la villa car je ne l'avais jamais vu ici auparavant. Mon père aime bien trop ces êtres à mon goût, surtout les femmes. Je revois le visage de la brune et un frisson me parcourt l'échine que je dissimule derrière un sourire en refusant poliment la collation proposée. Comme mentionné déjà je ne veux pas m'attarder plus que de raison. Même si ce raisin blanc a l'air des plus appétissants. Alors que le plateau s'éloigne je me surprends à chiper rapidement un grain que je porte à mes lèvres. Hmmm oui délicieux ! J'adore ce fruit, c'est un de mes préférés. Je fronce les sourcils alors que mon regard revient vers Mettius. Je mets un peu de temps à réaliser mais surtout à comprendre à quoi il fait allusion. Il me semble pourtant avoir précisé que je ne refusais pas de jouer de concert avec d'autres s'il le souhaite. Peut-être fait-il juste allusion au fait que je sois soliste plutôt qu'appartenant à une formation harmonique. Dans tous les cas mon choix ne me paraît pas si étonnant que cela. Je m'interroge sur l'intérêt qu'il porte à ce sujet. Je décide néanmoins d'y répondre étant donné son caractère anodin.

Je ne vois pas bien ce que cela a de si étonnant et cela n'a rien à voir avec la féminité. Jouer seule me permet d'être libre d'interpréter les morceaux de mon choix. Puis même si un ensemble d'instruments peut bien souvent sublimer une mélodie je trouve que la harpe en solo à une sonorité merveilleuse qui se suffit à elle-même. Enfin veuillez m'excuser si je n'ai pas été assez claire en le précisant, bien que ma préférence aille à la musique en solo je n'ai rien contre l'idée de jouer de concert avec les autres musiciens que vous avez engagé. Je suis perfectionniste et jouer avec d'autres c'est dépendre un peu d'eux également quand à la réussite de sa prestation. Néanmoins je ne doute pas que vous sachiez vous entourer des meilleurs aussi je me repose sur votre choix et vos désirs.

Rapidement alors qu'il me demande si je suis disponible dès le lendemain je réfléchis à mes obligations. J'ai un rendez-vous pour un autre contrat l'après midi mais rien en matinée. Aussi hochant la tête je réponds :

Je peux passer bien sûr. J'ai une préférence pour la matinée, dites moi quelle heure vous conviendrait. Mon emploi du temps est certainement moins chargé que le vôtre.

Nous ne tardons pas à trouver un accord quand à l'heure du rendez-vous. Ne voulant pas abuser de son temps je me relève et incline gracieusement la tête avant de le saluer d'une formule de politesse. Je vais ensuite prendre congé de mon père qui dépose un baiser sur mon front. Je ne lui laisse pas le temps de m'assommer de ses bavardages, promettant en contre partie de l'inviter bientôt à dîner pour discuter. Mes pas pressés me reconduisent à la villa où je vais enfin pouvoir m'adonner à ma musique et chercher les morceaux qui conviendront le mieux pour la soirée du prélat.