[E3] Dernier conseil avant le départ (flash-back Camila)

[Sapiens Inspectoris]

Ah, si les murs pouvaient parler, ils en raconteraient des histoires et dévoileraient les secrets les plus inavouables. Ces derniers viennent depuis peu d'être les témoins d'une conversation entre une élève et son maître. Une discussion chargées d'émotions différentes et explosives, mais surtout une crainte, une douloureuse appréhension.

La nuit s'était annoncée comme les plus fraîche depuis ce début de mois. Au dessus de Rome la voie lactée arborait ses plus belles étoiles et la lune, tel un diadème dont elle s'était parée brillait avec un éclair fantômatique. De ses rayons elle baigne la ville dans son silence et son atmosphère glacée. Depuis longtemps déjà les enfants avaient rejoint le pays des songes et les adultes un à un s'en retournaient chez eux le corps fatigué par une journée de travail. De pauvre diable laissaient leur voix raisonner dans les rues à la sortie des tavernes. Des chants aux paroles que j'éviterais de vous narrer. Mais dans quelques heures tout cela volerait en éclat.

Bientôt les guerriers de Minerve s'accumuleraient devant les portes de la ville avec une seule idée en tête: les ouvrir pour braver les dangers du monde extérieur. Mais cela n'était que folie. Leurs esprits trop impétueux ne mesuraient pas l'importance d'une telle décision et bon nombres ne reviendrait pas vivant de cette expédition. Mais la voix du peuple avait parlé et personne ne pouvait l'empêcher de se faire entendre. Rome était devenu une prison dorée. Mais l'être humain est une créature fière et dominante. Elle veux toujours plus que ce qu'elle ne possède déjà et fonce trop facilement dans des batailles perdue d'avance. C'était paradoxalement brave et stupide en même temps.

Mais laissons là ces idées subjectives car un martèlement ponctuel revenait dans les rues de Rome accompagné par une marche rapide. Quelqu'un arpentait les rues sombres de la ville avec empressement. Que pouvait il bien craindre à une heure pareille pour avancer de la sorte? Lui seul en connaissait la réponse. Mais lorsque l'on sait de qui il s'agit on peut supposer que l'affaire et grave. Ce soir Atris était pressé et l'inquiétude de ne pas arriver à temps luisait dans son regard lorsque la lune s'y reflétait. Courir aurait été plus rapide mais il se devait de faire preuve de discretion. Amusant lorsque le bruit de sa canne résonnait à chacun de ses pas... Enfin bref. Toujours est il que si quelqu'un l'avait vu dans pleine rue à cette heure cela aurait forcément éveillé des soupçons.

Mais bientôt le lieu de son désir se dressa devant lui. Les lumières n'étaient pas encore éteinte confirmant l'idée que celle qu'il devait voir n'était pas encore couchée. Tant mieux. Entrant sans la moindre hésitation dans le domaine de la sénatrice, le jeune homme se présenta à la porte avant de frapper trois coups secs. L'attente lui paru éternelle jusqu'à ce qu'enfin le bruit du loquet à l'intérieur ne se fasse entendre. Une jeune femme, vêtu d'une tunique simple se présenta devant lui. Son regard trahissant la surprise d'un visite à pareille heure. Elle n'eut pas le temps de faire entendre sa voix que le jeune homme prit la parole.

- Bonsoir à vous, veuillez pardonnez cette arrivée tardive, mais pouvez vous dire à Dame Camila qu'Atris est à votre porte et que mon maître, le seigneur Sapiens m'a confié un message que je dois remettre en main propre...

La jeune femme semblant hésiter et voulu émettre une opinion, mais Atris n'avait pas de temps à perdre et coupa court.

- C'est extrêmement important !

Son regard s'était fait insistant au point que la demoiselle resta figée sur place quelques secondes avant de se reprendre. Lui demandant d'attendre, elle referma la porte au nez du visiteur le laissant dans le froid de la nuit. D'un geste mécanique, ce dernier replaça correctement sa cape, ses doigts trépignant sur le pommeau de sa canne. Mais alors qu'il se demandait si la jeune femme ne s'était pas perdue en chemin, le bruit du loquet retenti une nouvelle fois. Et enfin, après qu'on lui dise que Camila allait le recevoir, on le fît rentrer...

Remerciant la jeune personne, il l'a suivi dans la demeure faignant de connaître l'endroit. Pourtant ce n'était pas la première fois que ce dernier venait dans ces lieux. Mais cela faisait également plusieurs années qu'il ne s'était pas manifesté.

Enfin le passé c'est le passé comme on dit. La jeune femme s'arrêta alors devant une porte qu'elle lui présenta d'un signe de la main. Atris compris alors que c'était à lui de faire le reste. Saisissant la poignet, il ouvrit les portes en grand un regard amusé par tout ce qui se dressait autour de lui. Remerciant la jeune femme, cette dernière après une légère inclinaison referma sur lui avant de repartir.

C'est alors que son expression faciale changea à son tour. Depuis tout à l'heure il avait gardé une certaine jeunesse voir espièglerie dans sa façon d'agir. Ce qui expliquait sans doute la réticence de la jeune femme à lui ouvrir. Son comportement était digne d'un jeune homme ayant encore les réflexes d'un adolescent. Mais désormais son regard d'abord pétillant s'était totalement vidé de la moindre émotion. Seule résidant à la surface de ses pupilles les traces d'un âge avancée. Sa prestance s'était accrue et il se dégageait de lui une aura chargée de sagesse et mystérieuse à la fois. D'un mouvement lent, il se tourna en direction de la salle et après avoir réalisé quelques pas tourna son visage en direction de la maîtresse des lieux...

- Bonsoir Camila...Alors c'est pour demain...

Sa phrase avait sonné comme un glas dans la pièce, une fatalité que lui même ne pouvait empêcher. Et qu'en bien même il l'aurait voulu, sa position vis à vis des dieux l'en empêchait. Il se devait de rester l'éternel spectateur d'une pièce que l'on nomme encore et toujours: la vie...

Mais un détail ne pouvait le laisser indifférent. Un élément qui pesait dans la balance: Camila. Sa plus grande fierté, sa disciple préférée allait prendre part à l'expédition. Mais c'était dans la nature de la jeune femme de vivre l'action au première loge. Cela faisait partie intégrante de l'être qu'elle était...

- Pensez vous vraiment que vous êtes correctement préparé pour ce qui vous attend à l'extérieur des remparts?

Cette question pouvait facilement passer pour de la faiblesse, mais elle n'en était rien. Seulement un appréhension de la part d'un maître pour l'avenir de son élève...

[Camila]

Caeso n’avait cessé d’égayer la maison par des histoires qu’elle me contait de son ancienne vie avant de me servir, à ce qu’elle avait vécu, ce qu’elle avait appris du monde. Elle essayait de me faire penser à autre chose, à ce départ du corps expéditionnaire qui était prévu pour demain matin. Toutes mes affaires étaient prêtes comme ma monture. Mon paquetage était utile, pratique et convenable. Tout ce qu’un soldat devait emporter pour survivre dans l’immense désert. Bien sûr, les chariots transporteraient avec eux tout ce que l’on pourrait avoir besoin : comme les rations de nourriture, les tentes, et tout le matériel nécessaire à la mission. Mais chacun portait aussi ses propres affaires. Il fallait penser que le poids de l’armure, les armes plus le paquetage ne devaient pas freiner et alourdir le cheval. Tibérius pouvait me trouver moins expérimentée que ma demi-sœur, chose qu’il avait gentiment bien soulignée lors de notre tête-à-tête au Sénat. Je m’en foutais ! Il pouvait penser ce qu’il voulait d’aileurs ! Qu’il aille au Diable. Non en fait, c’était moi qui allais bientôt rencontrer l’Enfer.

On toqua à la porte d’entrée. Qui pouvait bien venir se présenter à cette heure-ci et surtout la veille du départ ? Je laissais Caeso s’occuper de cette personne. Je ne désirai recevoir, ni discuter avec personne sauf si cela été urgent. Mon amie me connaissait très bien pour savoir qui elle devrait inviter ou pas dans la demeure. Elle revint quelques instants après, intriguée :

- Dame Veturia, un dénommé Atris est là, il dit devoir vous remettre un message très important de la part de son maitre, et en mains propres.
Vous le connaissez ? Dois-je le faire entrer ?

J’étais sortie de mon bain, un long peignoir tout en satin et de couleur crème cintrait ma taille et enveloppait mon corps. Je me détournais du miroir pour détailler Caeso et ses questions. Atris était le nom de l’élève de l’un de mes mentors : Sapiens. Cela faisait de nombreuses années qu’il n’était venu ici. Je fis signe de la tête à mon androïde qu’elle pouvait le faire entrer dans le petit salon. Je sortis derrière elle, préparant de l’eau chaude pour une infusion. Des plantes que Caecilius me donnait très souvent. La porte s’ouvrit quelques instants après, et c’est avec étonnement que je vis Sapiens et non cet homme. Encore un tour de passe- passe que même Caeso n’avait su déjouer. J’entendis qu’elle nous laisse seuls tous les deux avant de lui répondre.

- C’est exact.
Bonsoir Sapiens, je suis très honorée par votre présence, chez moi.

Je m’approchais, le serrant dans mes bras respectueusement. Il m’avait vu grandir. Il m’avait appris beaucoup de choses, ces détails sur la vie qui vous aident à devenir la personne que vous allez devenir en grandissant. Je le libérai de ma tendresse, retournant près de la table pour faire couler l’eau chaude dans deux tasses.

- Que puis-je vous répondre à cela ?
C’est l’inconnu que nous allons affronter. Je n’ai jamais moi-même franchi les remparts. Comment peut-on être préparé à quelque chose que l’on ne connait pas vraiment ?
Bien sûr, nous savons l’existence des vers géants des sables, de créatures toutes aussi immenses que dangereuses.
J’espère que vous n’êtes pas venu me dire comme Tibérius que je n’avais aucune compétence de guerrière ? J’ai déjà eu sa remarque blessante …

Oui, j’avais toujours mal digéré les propos de Monsieur le Grand Prêtre. Je n’aurai pas été au Sénat, il se serait reçu deux jolies gifles dans lesquelles j’aurai mis tout mon amour ! S, si ! Je vous promets que je ne divague pas !
Je repris mon calme, l’invitant d’un geste de la main à s’asseoir sur la banquette, devant nous une table basse où je posais les deux tasses d’eau fumantes et un petit coffret en bois comportant plusieurs sachets d’infusions aux gouts variés.

- Il est un peu trop tard pour me poser une telle question. Le départ est dans quelques heures que je le veuille ou non.
Pourquoi êtes-vous là ? Ce n’est pas une simple visite de courtoisie, n’est-ce pas ? Votre temps est précieux, et venir la veille de mon départ vers l’Enfer est un signe qui vous tient à cœur.

[Sapiens Inspectoris]

Sapiens ne pu réfréner un sourire lorsque sur le visage de sa disciple se dessina sans peine la surprise. Marquant un temps d'arrêt elle s'était rapidement reprise en main. Mais les fais étaient là pour le plus grand plaisir du scribe. Après l'avoir salué comme le ferait une élève envers son maître, la sénatrice s'était rapproché de lui, offrant à ce dernier une marque d'affection plus personnelle et plus tendre allant bien au delà de ce qui aurait été permis pour quelqu'un d'autre. Cependant il n'y avait rien de surprenant à cela. Camila avait toujours reçu une place toute particulière dans le coeur de Sapiens. Jeune femme au fort tempérament il avait noté chez elle une véritable envie de faire ses preuves. Des montrer ce qu'elle valait dans ce monde. C'était tout à son honneur et ça, l'homme devait lui reconnaître.

Puis une fois cet échange de tendresse terminé, la jeune femme repris de plus belle. Lui parlant de l'inconnu et des dangers qu'ils pourraient rencontrer une fois les portes de la ville franchis. Ah, la témérité de la jeunesse était vraiment remarquable. Et pourtant d'une grande stupidité par moment. Toutefois qu'aurait pu dire Sapiens dans pareille situation? On dit bien qu'il faut que jeunesse se passe, mais cela en valait il vraiment la peine?

- Mais peut être que si certaine chose sont inconnu à l'Homme c'est qu'il y a une bonne raison à cela. La curiosité peut être une très mauvaise conseillère. N'oublies pas que dans les temps les plus ancien, Pandore par curiosité n'a pu résister à ouvrir la boîte offerte par les dieux, répandant le malheur sur la Terre. Sache cependant que les vers géants des sables ne sont rien par rapport à ce qui vous attend... Si les dieux vous laissent passer les murs de la ville, vous devrez forcément y mettre le prix... Rappels toi ce que je t'ai toujours dis, rien ne vient sans contrepartie. Demander quelque chose équivaut à devoir offrir quelque chose de même importance en retour.

Sapiens termina sa phrase en gratifiant la jeune femme d'un regard soutenu mais bienveillant. Sa mise en garde ne devait pas être prise à la légère mais il savait que Camila n'était pas du genre à écouter ses paroles par dessus la jambe comme on dit. Depuis le temps que l'ancêtre vivait dans cette ville, il avait lui même laissé sa curiosité prendre le pas sur sa raison. Par d'astucieux subterfuge il était parvenu à voir le monde extérieur. Tout étant notifié dans les plus secrets de ses écrits.

Très vite la gravité fît place à un nouveau sourire lorsque la sénatrice lui fît part de la remarque que le grand prêtre de Vénus lui avait dite. Comme une enfant à qui on venait de dire une remarque désagréable Sapiens pu sentir la colère de Camila envers Tibérius. De la colère avec un je ne sais quoi en plus. A la voir dans cet état, le sourire fût remplacé par un rire sincère et généreux. Vraiment Camila n'avait pas changé depuis tout ce temps. Voilà quelques années que leur chemin ne s'était pas croisé mais elle était toujours ce petit bout de femme pleine d'énergie n'aimant pas que l'on remette en doute ses capacités et son potentiel.

- Voyons Camila, je suis surpris que pareil remarque puisse encore t'atteindre à ton âge. Toi qui d'habitude sais maîtriser tes émotions, je suis agréablement surpris de voir que Tibérius ait pu te remonter de la sorte. Cependant je ne doute pas de tes capacités en tant que guerrière. Car après tout...

Commençant sa phrase, il fît un rapide mouvement avec ses mains pointant une épée sortie de nulle part.

- C'est moi qui t'ai formé...

La malice glissait dans le regard de l'homme. Lui qui pourtant était toujours de marbre et dénué du moindre sentiment, retrouvait un peu de joie de vivre à la vue de la sénatrice. Sapiens aimait à se poser de nombreuses questions mais l'une d'elle ne lui avait jamais traversé l'esprit: Camila avait elle l'étoffe d'une guerrière? Cette pensée était tout à fait risible. Après un échange de regard complice, la jeune femme d'un geste naturel de la main l'invita à prendre place. "L'enfant du peuple" rangea tranquillement son épée dans son fourreau ou devrais je dire, sa canne. Faisant pivoter la paume de cette dernière, le cliquetis sec d'un mécanisme verrouilla les deux parties de sa fidèle canne.

- Je compte sur toi pour fermer le clapé de se jeune blanc-bec. Montres lui qui tu es vraiment. Car prétendre que tu n'es pas une guerrière reviendrait à dire que je n'ai pas été un bon professeur.

Cette remarque bien qu'amicale et légère possédait qu'en même un fond de vérité dans le coeur de l'homme. Insulter sa disciple revenait à l'insulter également. Chose que Sapiens ne pouvait tolérer. Bien que très calme il avait, comme toute personne, sa fierté. S'asseyant, il vît les deux tasses d'ou s'élevait la fumée de l'eau nouvellement préparée et prête à l'emploi. A côté d'elles trônait une boîte dans laquelle un large choix d' infusions s'offraient à eux. Accoudant sa canne sur la banquette, le maître écouta une nouvelle fois les propos tenues par sa disciple. Comme toujours elle faisait preuve d'une grande vivacité d'esprit.

- De toute manière, ce qui doit arriver arrivera, c'est inéluctable. Je t'ai toujours dit que le hasard n'existait pas en ce bas monde, que tout n'était que fatalité. Aussi oui, tu as deviné à moitié la raison de ma venue ici ce soir. Notre monde s'apprête à connaître de violents changements. Il y a plusieurs raison qui m'ont poussées à sortir de mon silence. J'attendais que certains signes se mettent en place, mais je ne peux t'en dire plus pour le moment.

Le temps n'était pas au longue explication car Camila se devait de rester concentrer sur les dangers qu'elle rencontrerait dès demain. Cependant Sapiens se doutait bien que dans l'esprit de sa disciple, le fait qu'il montre son visage à découvert alors que part le passé il portait constamment un masque et qu'il se fasse appeler Atris avait une raison. Lui faisant un clin d'oeil il poursuivit

- Et puis ca te forcera à tout faire pour revenir vivante à Rome... Cependant ce soir la principale raison pour laquelle je suis venu te voir et toute simple: C'est toi !

Lentement, l'homme tendit sa main en direction de Camila. Son regard portait le poids de la sagesse et ses yeux fixait calmement sa disciple.

- Donnes moi ta main Camila, n'ai crainte...

[Camila]

Dernière soirée. Dernière nuit avant mon départ, demain matin avec les soldats pour une mission qui n’avait pour but que de supprimer des âmes au profit d’une politique immonde. J’aurai pu rester au chaud chez moi, demeurer tranquillement la sénatrice à Rome mais je m’étais opposée jusqu’au bout contre les votes du Sénat et je ne pouvais pas me dissimuler derrière un titre. J’étais avant tout une guerrière de Minerve. La Déesse qui guiderait nos pas et nous aiderait à sortir vainqueur de ce piège. J’avais aussi en ma possession les plans et les cartes que Tibérius m’avait remises lors de notre dernière rencontre. Découvrir que mon ancien mentor était venu me voir, découvrir son visage qu’il avait dissimulé grâce à ses dons me fit sourire. J’attendis que Caeso nous laisse seuls pour enfin le serrer tendrement dans mes bras. Ses premiers mots me firent penser soudainement à a conversation avec le grand prêtre de Vénus au sujet de mes compétences de guerrière. Il n’allait tout de même pas s’y mettre lui aussi ? Ce n’était pas de ça dont j’avais le plus besoin ce soir. Je reculais de lui pour nous servir l’eau chaude dans laquelle j’allais faire infuser des plantes que mon ami Caecilius me donnait très souvent.

- Sapiens… J’ai voté contre l’envoi de ce corps expéditionnaire ! Je me suis opposée toute seule à ce suicide collectif. Je ne peux rien faire d’autre. Donc, non ce n’est pas la curiosité qui m’envoie sur les traces de la mort. Je m’en passerai. Mais parfois, il faut aussi assumer les conséquences de ses actes. J’ai été sauvée in extremis par Tibérius lors des derniers votes et de plus je m’oppose au Prélat et à sa politique. Je ne pouvais pas rester à Rome. C’était comme me fourvoyer. Situation que n’a pas semblé réaliser Tibérius …
Il est si borné !!!!

Je soupirai nerveusement. J’aurai aimé le revoir. Apaiser les choses entre nous. Peut-être lui parler plus. Mais, nous ne pouvions revenir en arrière. Ce qui était fait, était fait.

- Tibérius a toujours eu le don de me faire sortir de mes gongs aussi loin que je m’en souvienne !
A croire que j’aime les emmerdeurs … comme lui et que …

Je ne continuerai pas ma phrase. Elle ne servait plus rien aujourd’hui. Je posais les deux tasses sur un petit plateau que je disposais sur une table basse près d’un coffret à bois. J’invitais Sapiens à prendre place sur la banquette.

- Je ne suis pas naïve. Je sais ce qui nous attend une fois hors des remparts de la ville. Le prix a payé ce n’est pas à nous de le porter sur nos épaules ! Pas à nous soldats ! C’est à cet homme sur son trône ! Si je dois donner mon âme pour en sauver d’autres. Alors, je le ferai. Vous m’avez appris à me battre et d’ailleurs, je vais vous montrer ce que j’ai demandé comme arme. Je l’ai faite forgée par un armurier.

Je me déplaçais vers un buffet, ouvrant le premier tiroir d’où je pris une étoffe blanche que je ramenais sur la table basse, prenant place à côtés de Sapiens. Délicatement, je dépliais les pans pour lui présenter un anneau de combat

- Il est accompagné de petits gants en émail pour me protéger de sa lame. Il y a toutes sortes de créatures à l’extérieur, autant être parée pour les affronter.

Je lui laissais le soin d’observer cet anneau, ouvrant le coffret en bois dans lequel je prenais un sachet à infusion au gout de framboises. Il m’expliqua enfin le but de sa visite qui n’était pas anodine en cette veille de départ. Comme à chaque fois, il resta mystérieux, ne me dévoilant pas tout. Sapiens avait toujours été ainsi, et j’en avais pris l’habitude à le voir agir de la sorte.

- Notre monde s'apprête à connaître de violents changements – répétant ses mots – en sacrifiant des innocents qui croient que l’avenir se trouve dehors les fortifications…

Ses paroles me firent sourire. Il n’était pas le seul à vouloir me revoir vivante et cela me faisait chaud au cœur. Je pouvais être une grande gueule, cela ne m’empêchait pas d’avoir un cœur, de ressentir des sentiments. Je tournais mon visage vers lui, plongeant mes yeux ambrés dans les siens. Qu’allait-il me révéler. Il me tendit sa main pour que j’en fasse autant, ouvrant ma paume. Il l’attrapa doucement, attentive à tous ses gestes. Non, je n’avais pas peur de lui bien que ses pouvoirs étaient immenses j’avais toujours eu confiance en cet homme.

[Sapiens Inspectoris]

C'est avec attention que le professeur avait écouté l'élève. Pendant les quelques minutes précédent sa demande, Sapiens s'était tu, inversant les rôles, ne perdant pas la moindre miette des propos que Camila lui adressait. Elle avait commencé par sa prise de position dans le vote pour l'expédition, expliquant à son mentor si désaccord vis à vis de cet envoi prématuré. Mais qu'aurait pu faire la voix d'une seule sénatrice dans l'océan de sénateur tous plus désireux les uns que les autres de pouvoir sortir de cette ville qu'ils devaient probablement percevoir comme une prison. Sa voix fût donc perdu dans l'immensité de la curiosité humaine.

Femme d'action et de caractère, Sapiens n'ignorait pas le feu qui bouillonnait en elle, mais aussi que son franc parlé, même enroulé dans la plus mielleuse des diplomaties pouvaient déranger et énerver certaines personnes. De toutes façon il en avait toujours été ainsi. Lorsque l'on ne rentre pas dans le moule on nous met très rapidement à l'écart. Aussi le choix de partir était tout à fait logique bien que dangereux. Espérons que son choix ne viendrait pas avec un pris trop élevé. Le passage qui attira d'avantage l'ouïe de l'ancien fût lorsque la jeune femme lui parla de sa désapprobation de la politique du Prélat. Souriant avec bienveillance devant sa remarque, "l'enfant du peuple" se dit que peut être Camila serait un atout dans les évènements qui se produirait par la suite. Chaque pièce étaient dorénavant en place, la partie n'allait pas tardé à commencer.

La discussion tourna rapidement sur un sujet qui ennuyait plus qu'elle ne voulait le dire. Tibérius, un jeune homme que Sapiens connaissait bien et qui lui aussi ne gardait pas sa langue dans sa poche. Grand prêtre de la Déesse Vénus, il vivait sous la protection de sa déesse et lui rendait grâce à sa façon. Jeune homme peut être un peu turbulent mais dont les propos faisaient preuve très souvent d'une profonde réflexion. Le fait qu'elle ne pu terminer sa phrase confirma l'idée que dans le coeur de la jeune femme, Tibérius avait une place de choix. Une fois de plus amusé, Sapiens se garda pourtant de sourire cette fois.

Mais l'approche de la bataille fît prendre une nouvelle tournure à leur conversation. Lui confirmant qu'elle était prête à donner sa vie pour en sauver d'autre rendit Sapiens fier de sa disciple. Et comme pour lui prouver qu'elle ne plaisantait pas, Camila lui présenta l'arme qui lui permettrait de combattre une fois les murailles franchies.
Il s'agissait d'une anneau de combat de toute beauté. Finement travailler et dont le tranchant semblait capable de fendre n'importe quels matériaux. Une arme magnifique digne de la guerrière qu'elle était. Ce dernier était accompagné d'un gant en émail qui lui permettrait de se saisir de l'arme une fois qu'elle l'aurait lancée. Sage décision montrant que Camila savait parfaitement ce qu'elle faisait et ne laissait rien au hasard.

- Cette arme est digne de toi Camila. A ton image, elle est à la fois belle mais redoutable, capable de réaliser des choses extraordinaires à n'en pas douter. Puisse t elle t'aider dans votre expédition.

Puis comme clôturant ses dires, la jeune femme repris une phrase que Sapiens avait précédemment prononcée. Car c'était vrai, fou étaient ceux qui pensaient que l'avenir se trouvait hors des fortifications. Il n'y aurait trouvé que malheur et désolation. Mais si s'était le prix à payer pour que ces jeunes présomptueux apprennent la leçon, alors qu'il en soit ainsi.

***

Sans hésiter, Camila avait offert sa main à Sapiens comme il le lui avait demandé. Il lui adressa un sourire avant de s'en saisir. Tirant légèrement sur cette dernière, l'ancien posa son doigt sur le poignet de la jeune femme et après un court instant de concentration se mit à écrire d'un geste précis et sûr un talisman à même la peau de la jeune femme. Ce dernier une fois écrit s'enfonça dans l'épiderme de Camila tout en entourant son poignet à l'image d'un bracelet ou d'un tatouage. Désormais il était possible de lire "Protectione". Une fois la tâche accomplie, Sapiens sera la main de sa disciple dans la sienne.

- Il n'est pas difficile de s'imaginer que bon nombres de personnes, de guerriers ne reviendront pas de cette expédition. Je ne fais qu'émettre une évidence que toi aussi tu sais parfaitement. Cependant je t'offre l'occasion de pouvoir en sauver si d'aventure cela devait se produire. Ecoute moi attentivement car la suite ne dépendra que de toi.

Son regard était toujours bienveillant mais dans ses pupilles on pouvait apercevoir le sérieux d'un homme de son âge. Camila se devait de l'écouter. Sa pression sur la main de son élève se fît plus ferme mais sans brutalité.

-"Protectione" est un talisman très puissant qui te permettra d'ériger autour de toi une barrière de protection. Elle prendra la forme que toi seule décidera. Tu pourras ainsi te protéger mais également protéger les personnes près de toi. Ecrit à même la chair, le talisman n'en est que plus fort. Lui et toi ne formez désormais plus qu'un. Aussi tu te doute que contre un tel bouclier il existe une contre partie. Ayant fusionné avec toi, le talisman puisera dans tes forces personnelles à chaque fois que tu l'utiliseras. Aussi fais en bonne usage et tâche de te reposer afin de toujours être en mesure de pouvoir l'utiliser.

Oui, il était évident que son talisman serait en mesure de protéger les soldats de l'expédition et Sapiens connaissait les capacités physique de sa disciple. Cependant il savait pertinemment que c'était avant tout pour elle qu'il avait créé ce talisman. Pour qu'elle puisse revenir à Rome que l'expédition soit un succès ou non. Il tenait à la sénatrice comme s'il s'agissait de sa fille. Mais à ce moment précis, ce n'était pas le "père" qui devait prendre le dessus, mais le mentor, le maître. Lâchant la main de la jeune femme, "l'enfant du peuple" laissa traîner ses doigts dans la boîte contenant les infusions et en pris une à la menthe. Déposant le sachet dans sa tasse il reprit.

- En tant qu'observateur et scribe des dieux, je ne peux rien faire de plus pour te venir en aide. Par mon geste j'ai déjà outrepasser mes fonctions. Ce que je viens de faire n'est normalement pas du domaine des hommes mais de celui des dieux, car je ne peux interférer dans la vie d'un être humain. Mais je suis prêt à en subir les conséquences.

Sapiens avait joué avec le destin d'un être humain et peut être modifié sa trame de fond. Les parques en seraient fort contrariées mais pour Camila, Sapiens était prêt à défier le destin lui même. Le seul but de ce dernier étant de permettre à sa disciple de vivre un peu plus longtemps. Et qui sais, peut être que le destin de Camila n'était pas de mourir lors de l'expédition. Aussi se serait il simplement contenté d'offrir à cette dernière un petit coup de pousse lors de son aventure. Mais seul les dieux savent si oui ou non son acte aurait des conséquence de le destin d'autre personne. Car souvent, le prix pour sauver une vie reviens à en offrir une autre....

- Il faut également que tu saches que le talisman s'activera une fois que tu auras franchis les remparts et disparaîtra de ton poignet une fois que tu auras de nouveau passé les portes de la ville à ton retour. Car il est évident que je ne doute pas de ton retour parmi nous.

[Camila]

Tout change, tout se bouleverse, tout évolue. Tel est le monde d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Je n’ai ni colère, ni haine envers les miens. Tous ces hommes et femmes politiques qui ont fait entendre leurs voix pour porter le corps expéditionnaire à son succès. Je les plains tout simplement car ils ne voient pas comment ils sont manipuler, comment certains ne pensent qu’à leurs carrière capables d’envoyer des innocents, des frères, des pères de famille à la mort juste pour asseoir leurs visions politiques et leurs prestiges. Comme c’est pathétique tout cela ! Peu de sénateurs et de sénatrices vont prendre place parmi les soldats. Ils ne savent que diriger, bien assis confortablement sur leur banc. Le reste. Ils ne savent pas faire.

La discussion de mon mentor tourna pas seulement autour de ma position et de mes idéaux. Comme dû au hasard, le nom de Tibérius se glissa dans notre échange ce qui eut le don de me faire hausser le ton et de me faire réfléchir. Mais tout cela n’avait plus aucune importance. Demain matin je partirai. Servant l’eau chaude dans les deux tasses, j’ouvris un joli coffret en bois où étaient disposés des sachets à infusions de mon ami Caecilius. Etrange demande. Voilà ce que je ressentais devant les mots de Sapiens. Je lui tendis ma paume ouverte qu’il prit entre ses doigts. Comme lorsque j’étais une adolescente, son élève, je l’écoutais avec autant d’attention que de curiosité dans le regard. J’observais son geste. De son doigt il dessinait, gravait quelque chose à même ma peau. Aucune douleur ne s’en dégageait. J’étais seulement figée devant son pouvoir. Son œuvre prit forme se tatouant autour de mon poignet et de ma main. Me penchant légèrement, je pouvais y lire « Protectione ». Il serra ma main dans la sienne avant de poursuivre.

Me protéger. Moi et les autres. Arriver à sauver des âmes. Il m’offrait tout cela. Silencieuse, je m’abreuvais à ses paroles. Ce talisman gravé dans ma propre chair m’était indissociable. Personne ne pourrait me le retirer ni bloquer son pouvoir. Il me donnait là, une arme pour dérouter nos ennemis et les obstacles que je pourrai rencontrer, aussi bien moi que les soldats. Ainsi après le cadeau de Tibérius et les cartes qu’il m’avait remis. Sapiens me donnait un second cadeau pour me garder en vie. Sa faiblesse étant ma propre énergie. A chaque fois, je puiserai dans mes ressources et je m’affaiblirai. Chaque chose, objet à son Ying et son Yang, sa lumière et ses ténèbres.

- Merci pour ce trésor. J’en ferai bon usage, Sapiens.
Avec Tibérius, vous avez fondé une coalition ? Parce qu’il m’a remis des cartes. D’anciennes cartes qui dévoilent des routes, des chemins et tous autres lieux qui ne sont pas sur les plans de l’armée. Et vous, ce soir, vous m’offrez un moyen de me protéger…
C’est à la fois déstabilisant et très agréable de savoir qu’il y a des personnes qui pensent à moi.

L’épée de Damoclès. Outre passant ses fonctions, il venait de me donner le moyen de changer certains faits du destin. Je tournais lentement ma main pour admirer ce tatouage qui prendrait vie lorsque j’en ferai usage.

- Vous n’auriez pas dû Sapiens.
J’ai accepté de faire partie du corps expéditionnaire en sachant les risques, en sachant que cela pouvait me gouter la vie. Pas pour que la colère des Dieux s’abattent sur vous.

Une vie pour une autre. Un prix à payer.

- Vous êtes le fondateur de ce talisman. Je suis celle qui en fera usage, Sapiens. Que ma Déesse guide mes gestes. Que les Dieux jugent mes actes à chaque fois que je me servirai de ce talisman pour sauver la vie d’autrui ou la mienne. J’en payerai aussi les conséquences. Là non plus, je ne pourrai me défiler. Vous le savez.

Je pris un sachet à la mure, le laissant infuser dans l’eau encore chaude. Nous jouons sur un énorme échiquier géant. Nous en sommes les pièces, et nous nous déplaçons suivant une tactique. Mais nous pouvons tout aussi bien en devenir les joueurs.

- Je comprends très bien pour le talisman. Ne vous inquiétez pas. Je ferai très attention à comment m’en servir. Rien ne sera fait inutilement ou sur un coup de tête Je sais garder mon sang froid même dans une situation ultime. C’est vous qui avez appris à me battre, non ?

Je lui offris un petit sourire, récupérant le sachet pour le poser près de ma tasse.

- Sapiens, s’il vous plait, veillez sur Tibérius.
Je n’ai aucun doute sur ses compétences, sur ses pouvoirs. C’est surtout comme une mauvaise intuition qui ne cesse de m’habiter.
Je reviendrai vivante. Gardez-le Moi vivant.

J’avais insisté et appuyé sur le mot « moi » qui prenait tout son sens entre mes lèvres. Ironie du sort, Tibérius ne le saurait peut-être jamais.

[Sapiens Inspectoris]

Chacun avait son temps de parole. Le respect mutuel qui existait entre ces deux êtres n'en était que plus fort. Silencieux mais attentif Sapiens écoutait les propos de son élève. Elle le remerciait pour ce qu'il venait de faire et en même temps regrettait qu'il se soit mis dans une position aussi délicate avec les dieux. Mais cela ne posait aucun problème au vieux sage. Il avait agit en imaginant ce qui serait bon pour son élève. S'il devait en subir des conséquence et bien soit, il se dresserait devant ses juges divin et en assumerait l'entière responsabilité. Il ne craignait pas la colère divine, non pas par trop de confiance en lui et d'arrogance, mais parce qu'il savait que les dieux malgré leurs mutismes possédaient la sagesse ultime.

Camila se cessait de regarder son poignet, le tournant dans tous les sens pour lire les écrits du tatouage. Il s'agissait d'une très grand protection qu'il lui avait offerte et Sapiens ne doutait pas qu'elle en ferait un très bon usage. Dosant comme il se devait sa puissance et son utilisation. Cependant il ne pu se résoudre à lui dire que malheureusement elle ne pourrait sauver tous les soldats de l'expédition. Trop nombreux, Camila ne pourrait être sur tous les fronts si d'aventure ils rencontreraient un obstacle. Beaucoup pourraient y laisser la vie. Oh le maître se doutait bien que sa disciple s'en doutait probablement, mais parfois il vaut mieux garder le silence pour que la réalité ne puisse affecter la psychée. La jeune femme devait rester forte et concentrée lors de ce voyage. Lui avouer que son talisman ne pourrait tous les sauver l'aurait inévitablement perturbée et en cherchant à sauver le plus de soldats possible Camila risquait de n'en sauver aucun.

Ayant laissé infuser assez longtemps son sachet c'est d'une main assurée que l'homme le posa sur le rebord de sa soucoupe. Puis saisit sa tasse pour pris une gorgée de ce breuvage au couleur ambrée. Lui brûlant délicieusement la gorge, Sapiens en apprécia le parfum et le goût. Son élève avait chez elle des produits de choix à n'en pas douter.

Au court de la conversation, Sapiens apprit que Tibérius avait déjà pris les devant envers la jeune femme et lui avait offert des cartes anciennes retraçant des routes plus sure pour l'expédition. Par ce geste il montrait indubitablement son attachement pour Camila et "l'enfant du peuple" ne pu qu'en sourire, amusé.

- A ce que j'entend, derrière vos disputes se cachent de réels sentiments l'un envers l'autre. Deux têtes brûlées pour le prix d'une, voilà qui promet de passionnante confrontation entre vous. Afin comme pour dit, qui aime bien châtie bien.

Ce que Camila ignorait c'était que Tibérius et Sapiens avaient un passé commun également. Un passé plus obscure mais qui avait une bonne raison de l'être. Mais que le maître n'avait pas prévus c'est que son élève et le prêtre de la déesse de l'Amour se rapproche autant. L'amour peut faire faire des bêtises aussi devrait il surveiller tout cela de loin au cas où.

- Ceux sont des ces moments là que l'on reconnait les gens de confiance et de valeur. Tu es et sera toujours ma plus grande réussite et ma plus grande fierté Camila. Tu es la fille que je n'ai jamais eu aussi il est de mon devoir de te protéger comme je peux. Cela ne veut pas dire que je n'ai pas confiance en toi ou que je ne reconnais pas tes talents et tes capacités de guerrière et de stratèges. Bien au contraire.

Sapiens ne doutait absolument pas des capacités de son élève. Il l'avait lui même entraînée et enseigné les bases qui l'aiderait à vivre dans ce monde. La jeune femme avait ensuite gravie les échelons de la société par elle même et non grâce à l'aide et au coup de pouce d'une tierce personne. Sa disciple était une femme déterminé sachant ce qu'elle voulait. Peut être d'une trop grande fierté par moment mais il de doutait pas qu'elle sache faire la part des choses en toute circonstance. D'ailleurs elle ne tarda pas à lui faire remarquer à détour d'un sourire et d'un phrase subtile que c'était lui qui l'avait appris à se battre. Elle venait de lui retourner les propos qu'il lui avait tenu précédemment ce qui ne manqua pas de la faire sourire à son tour. En guise de réponse, il se contenta d'un simple hochement de tête avant de reprendre une gorgée de son thé.

- Touchez ma chère.

Mais très rapidement la discussion tourna de nouveau sur la personne de Tibérius. Ce jeune homme hantait profondément l'esprit de Camila. Un peu inquiet que l'esprit de son élève se laisse perturbée par ses émotions en pareille situation, Sapiens passa ses doigts le long de ses lèvres, une expression fermée et concentrée sur le visage. Le "vieil homme" était resté trop longtemps dans sa retraite et avait raté certains évènements pouvant compromettre la suite de ses plans. Mais reprenant un visage chaleureux il lui adressa un nouveau sourire plein de bienveillance.

- S'il est aussi important pour toi, alors il le sera pour moi Camila. Pars tranquille et l'esprit en paix. Je me chargerais de veillez sur celui que tu Aimes pour toi.

A son tour il n'avait pas manqué d'appuyer sur le verbe "aimer" sachant désormais ce que Tibérius représentait pour son élève. Le prêtre était une part du coeur de Camila aussi prendrait il la peine d'accéder à sa requête pour le bonheur de cette dernière.

- En échange de se service veille à nous revenir seine et sauve le plus rapidement possible.

Sapiens lui adressa un clin d'oeil amusé et complice. Lui dire de rester prudente et de ne pas veillez à ce que son coeur ne lui dicte ses choix aurait été superflu car Camila le savait aussi. Mais entre savoir et faire la distance peut être catastrophique. Et malheureusement sur ce coup là, Sapiens ne pourrait rien faire de plus pour lui venir en aide...

[Camila]

Le tatouage s’inscrivit avec noblesse autour de mon poignet, œuvre offerte par mon mentor et ami. Un talisman secret et puissant pour me protéger, moi et les autres, de ce qui pourrait nous arriver de pire là-bas, par-delà les contrées inconnues. Mes yeux plongèrent dans ceux de Sapiens subitement. Je venais de lui révéler que Tibérius m’avait donnée d’anciennes cartes pour traverser le désert sans encombre, que je ne devais pas me méfier de celles que le Prélat avait remises aux soldats. Cependant, je ne m’attendais pas à ce genre de réflexions de sa part. Il venait de me prendre au dépourvu et il m’en fallait beaucoup pour être déstabilisée à ce point.

- Non, non …Vous vous trompez. Il n’y a pas de sentiments … Tu crois vraiment à ce que tu dis, Camilla ? C’est ta dernière nuit ici, à Rome, alors qu’est- ce que tu risques ? Ecoutez … Je ne suis pas dans sa tête. Et même si je l’étais, je suis certaine que je serai bien incapable de me dépatouiller avec toutes ses idées tordues. De toute façon, à quoi bon vouloir savoir maintenant ? Je pars demain matin, dans quelques heures. S’il tenait à moi, ne serait-il pas venu me voir sachant que je ne reviendrai pas ?
Ho d’accord, il est borné, têtu, gamin, ronchonneur, et j’en passe. Mais il aurait pu trouver le moyen de mettre sa fierté de côté. Du moins, c’est ce que je crois. Alors, ne vous emballez pas mon bon ami, il n’y a rien entre lui et moi. Et les Dieux et nos ennemis communs ont fait en sorte de séparer nos destinées.

Sapiens poursuivit la discussion et le sujet changea à mon soulagement. Je n’avais plus rien à rajouter sur le grand Prêtre de Vénus. Non. Tout avait été dit. Partir avec des regrets ne me servirait à rien.

- Je sais bien Sapiens. Et merci pour toutes vos attentions. J’essayerai de ne pas vous décevoir.

J’appréciais ce moment de partage avec lui, cet instant calme et de quiétude, dégustant un thé particulièrement délicieux grâce aux plantes de Caecilius. Je m’étais promis de ne pas revenir sur le sujet ayant pour nom « Tibérius ». Malgré cela, je ne pouvais m’empêcher d’y penser, et comme une mourante sur son lit de mort, j’avais ce besoin de me confier totalement à cet homme qui avait toujours su m’écouter, me comprendre et me guider. Je le sentis un peu déconcerté par mon aveu. Nous n’avions jamais eu ce genre de conversation ensemble. Je hochais la tête, un petit sourire amusé ourla mes lèvres. Il m’avait bien cernée comme il l’avait toujours fait. Comment lui mentir ou nier quoi que ce soit alors que la vérité était si palpable. Je soupirai nerveusement.

- Surtout ne lui dites jamais rien sur cette conversation entre nous deux. Je ne préfère pas. C’est un secret que je partage avec vous et avec mon androïde Caeso.
Je ferai tout mon possible pour revenir saine et sauve … Mais si ce jour arrive, je vais avoir besoin d’une de vos potions magiques pour affronter le courroux de Tibérius et ses tendres mots dès mon retour.

Ironique de me projeter ainsi alors que je ne savais absolument pas ce qui allait arriver par-delà les murailles de la cité de Rome. Je bus ma dernière gorgée de mon thé, reprenant la théière remplie d’eau encore chaude.

- Vous en voulez encore un peu ?
Et vous, qu’allez- vous faire durant tout ce temps ? Mettius a fait en sorte de gagner une énorme avance sur ses adversaires en envoyant une grande majorité sur le front. Une fois que nous serons hors de portée, il commencera, sans aucun doute, sa montée en puissance, balayant et écrasant les derniers obstacles qui peuvent lui barrer la route. Tibérius en est un lui aussi. Et ne me regardez pas ainsi, vous savez que j’ai raison. J’ai assez été le témoin de leurs frictions, et encore la dernière c’était lors des élections. J’étais présente et aux premières loges.
J’espère que cette expédition ne durera pas trop longtemps. Plus les mois s’écouleront, et plus le danger sera dès plus pernicieux à Rome.
Il faut avouer que Mettius est un bon stratège : affaiblir ses ennemis et les frapper au moment opportun !

[Sapiens Inspectoris]

Sapiens avait fait mouche. Par de simples propos il avait mis le doigt sur les sentiments cachés de sa disciple envers le grand prêtre de Vénus. Tibérius avait donc trouvé sa place dans le coeur de Camila et ses balbutiements maladroit ne faisait que conforter l'ancien dans ses impressions. Qu'il était amusant de voir l'amour fleurir dans le coeur des êtres qui nous sont chers. Et plus drôle encore lorsqu'on les met sur le fait accomplie et que leur visage endosse le masque de la surprise et de la détresse. Il cherche alors à se justifier tant bien que mal en sachant pertinemment que cela ne les rendra que plus coupable. Mais il tente le coup et c'est tout à leur honneur de chercher à se défendre. Enfin, ce n'est sûrement pas à un vieillard de 400 ans qu'on pourrait faire ce coup là. Aussi, en réponse à cette veine tentative, Sapiens se contenta de sourire, ne disant mot et en prenant une nouvelle gorgée de thé. Ce n'était pas un silence plein de reproche mais plutôt un silence complice et taquin signifiant dans le jargon de maintenant " Mais bien sur" !

Une fois qu'une brèche se forme sur une carapace, cette dernière ne tarde pas à s'effriter et tomber,morceaux par morceaux. Désormais Camila avait le coeur à nu et comme pour partager ses craintes et libérer son coeur depuis trop longtemps dans le silence, c'est un flot de mot qu'elle offrit en explication. Cette fois ci, le silence de Sapiens n'était plus symbole d'amusement, mais de sérieux et d'attention. Camila avait besoin de se confier, de partager ses appréhensions, sa désillusion et tous les autres sentiments qui se bousculaient dans son esprit. Elle ne voulait rien laisser derrière elle, n'avoir aucun regret. Non ce n'est pas ses dernière volonté qu'elle exprimait à Sapiens, encore heureux. Seulement et simplement jouer carte sur table ce que le maître appréciait beaucoup.

- Mes lèvres sont scellées ma chère. Jamais vos propos ne seront répété à quiconque. Les secrets d'une femme sont des choses très précieuse. Une part d'elle même mise à nue dont il faut prendre grand soin et manier avec précaution. Alors n'est crainte Camila, je me ferais gardien de ton secret!

Et comme pour scellé cette promesse, Sapiens forma une croix sur son coeur, symbole d'une promesse qu'il ne trahirait jamais. Ainsi Camila pourrait partir le coeur aussi léger qu'il pourrait l'être à quelques heures d'un départ vers une destination qui ne promettait rien de glorieux. A cette pensée, Sapiens se laissa aller à serrer plus fermement sa tasse sous ses doigts. La chaleur du liquide chauffant sa paume. Une quête stupide et suicidaire que voilà. Tout ça pour qu'un homme, si c'est bien le mot que l'on pouvait employer pour qualifier Mettius, puisse asseoir un peu plus son pouvoir sur la ville.

- Oh non Camila, jamais tu ne me décevra. Je crois en toi et en tes capacités et je sais que tu nous reviendras seine et sauve. Et si je ne me trompe pas, c'est peut être la raison qui as poussé Tibérius à ne pas venir te voir ce soir. Les aurevoirs sont parfois très difficile à supporter. Aussi on préfère ne pas voir la personne cher à notre coeur pour ne garder en tête qu'une seule chose, qu'elle va revenir. Etre venu ce soir aurait peut être comme si c'était la dernière fois qu'il te voyait. Aussi a t il préféré ne pas se déplacer pour se persuader que tu reviendras près de lui. D'ailleurs te connaissant, il a peut être voulu jouer sur ta susceptibilité pour que tu sois déterminer à revenir à Rome et lui offrir la plus mémorable des soufflantes de sa vie de prêtre.

En imaginant la scène que cela pourrait donner, Sapiens ne pu s'empêcher de sourire. Le spectacle serait certainement très amusant à regarder. Camila ayant ton petit caractère il serait très surprenant qu'elle ne lui pourrisse pas la tête lors de son retour à Rome. Aussi Tibérius devait se préparer à la colère féminine.

- De plus, je te parie que lors de votre départ, Tibérius sera sur les murs d'enceinte à te regarder et te souhaiter bon courage, à sa façon. J'en ai plus que la certitude. Et promis, je mettrais quelques potions de côté pour ton retour.

Lorsque sa disciple lui proposa encore un peu d'eau pour son thé, Sapiens se contenta d'hocher la tête en guise d'approbation avant de tendre sa tasse en direction de son interlocutrice. Cette dernière qui tout en le servant poursuivie la conversation. Elle brossait un portrait tellement réaliste de la perfidie de Mettius que s'en était impressionnant. Mais il était difficile de ne pas se douter des projets de ce dernier. Lui même ne cachait pas ses desseins quant à sa soif de pouvoir. Diviser pour mieux régner. Le Prélat par cette "expédition" venait de mettre bon nombres de puissant sur la touche et devait surement les voir périr lors de ce voyage. C'était également l'un des raisons pour laquelle Sapiens s'était déplacé ce soir. Mais le dire à sa disciple aurait été comme lui dire qu'elle n'était qu'un pion et que "l'enfant du peuple" se servait d'elle, ce qui n'était pas le cas. D'autres fortes têtes, dont Tibérius aurait à craindre pour leurs vies.

- N'ai crainte pour Tibérius Camila, car Mettius ne peut avoir le dernier mot avec lui. N'oublies pas qu'en temps que grand prêtre de la déesse de l'amour, poser la main sur Tibérius reviendrait à poser la main sur la déesse elle même. Et bien que ses ambitions soient démesurées et quasiment folles, jamais Mettius ne prendrait le risque de lever la main sur un représentant d'une divinité sous peine d'encourir la colère divine. Un humain ne peut condamner un représentant divin. Par ailleurs Mettius à peut être de grand projet pour lui même, mais il n'est pas dit qu'il puisse les réaliser. Mettius est en effet un bon stratège et il possède une certaine avance sur ses adversaires, cependant il ignore encore que les personnes les plus dangereuses ne sont pas toutes encore apparues.

Les pièces se mettaient progressivement en place. Mettius devant le départ de certains de ses détracteurs se mettrait en chasse de ceux rester à Rome. Et cette concentration lui ferait inévitablement baisser sa garde provoquant inévitablement sa chute. Mais rien n'était encore joué et tous les protagonistes n'avaient pas encore abattus toutes leurs cartes. Désormais tout n'était plus qu'une question de patience...