Je suis à l'endroit indiqué, une maison dans les bas-fonds de la cité, ma demeure dorénavant. Ainsi en a décidé mon maître dans sa grande sagesse. Je ne dispose pas des clés pour y entrer mais ce n'est pas un souci, je dois attendre dans le jardin. J'en profite pour faire le tour du mur d'enceinte, à la recherche de la moindre faille. Haut d'environ deux mètres, il est difficilement franchissable pour une personne non entraînée. Voilà qui est parfait. Mon sac me précède et au bruit qu'il fait en atterrissant de l'autre côté, je sais que de la pelouse m'attend. Après avoir soigneusement vérifié que nul ne peut me voir, je prends mon élan et il me faut à peine une minute pour me réceptionner en douceur, avec la grâce d'un félin. J'ai franchis des obstacles bien plus compliqués que celui-ci. Je me redresse avant de jeter un regard circulaire autour de moi. Environ une quarantaine de mètres carrés, voilà la taille du jardin. Une seule porte et une fenêtre donnent dessus. Donc une ou deux pièces. Bien assez pour poursuivre mon entraînement et attendre mes ordres. Je m'installe, assise en tailleur, en attente de SON arrivée.
Ma vie a basculé hier. Mon maître a fait un passage éclair chez mon précepteur pour me donner des ordres. SES ordres. « Rend toi à cette adresse et attend ma venue dans le jardin. Fais le ménage avant. ». Rien de compliqué en somme. Je me suis levée une fois certaine que mon précepteur dormait. Nettoyer ma chambre a été rapide. Une fois mes armes emballées, j'ai déposé mon sac à côté de la porte d'entrée. Mes armes... Hormis la première, offerte par mon maître, j'ai forgé toutes les autres. Je dispose ainsi de plusieurs lames de taille et de largeur différentes. Sept au total dont deux parfaitement adaptées à ma morphologie pour pouvoir les porter en toutes circonstances. Parfois dans leurs fourreaux respectifs, parfois non si mon maître le décide. Deux épées longues, trois courtes et deux petits poignards. Ajouter à cela des liens de cuir parfaits pour immobiliser un adversaire et ma panoplie est complète. Je dispose aussi d'une tenue de cuir ajustable à la robe courte que je porte habituellement, me fournissant une armure efficace.
Un dernier regard à ma chambre pour m'assurer que plus aucune trace de mon passage ne subsiste et je me dirige en silence vers celle de mon précepteur. J'ai appris à me déplacer sans faire le moindre bruit, y compris sur des graviers. Très utile dans certains quartiers de la cité. Dans ma main gauche, je tiens l'une de mes dagues. Je me faufile rapidement dans la chambre avant d'un éclair d'acier jaillisse. Le sang coule de la gorge ouverte de précepteur qui n'a pas eu le temps de souffrir. Je m'assure de sa mort avant d'essuyer ma lame sur le drap. Une fois dehors, je mets le feu à la maison. Ainsi, il sera aisé de faire croire à une agression des rebelles. Il faut bien qu'elles servent à quelque chose ces maudites machines. Je me mets en route sans traîner sans un regard derrière moi. Mon maître me veut au cœur de la ville pour agir plus rapidement. Je ne peux que reconnaître SA sagesse dans cette décision.
Les habitants dorment tous tandis que je progresse dans les rues de la cité. Je marche vite, attentive au moindre bruit qui m'entoure, les sens en alerte. Il me faut une heure de marche pour arriver à destination. Et comme vous avez pu vous en rendre compte, peu de temps pour me mettre en position d'attente. Il ne m'est pas interdit de dormir, la nuit est encore jeune, mais je reste assise, immobile, mes armes à portée de main. Le froid n'a pas d'emprise sur moi, il n'en a plus en fait. Je ne compte plus les nuits passées dehors à m'endurcir pour devenir toujours meilleure. Et ce n'est pas parce que je n'ai plus de précepteur que je vais cesser de m'entraîner tous les jours. Je dois entretenir tout ce que j'ai appris et faire en sorte que mon corps ne me trahisse pas.
Le soleil se lève et c'est le moment que je choisis pour me relever. Je pose mon sac à côté de la porte close avant de retirer ma tenue, ne gardant que mes sandales en cuir. Cette consigne permanente m'a été donnée par mon maître la nuit où il s'est servi de moi pour assouvir ses envies de sexe. Je m'y conforme depuis. De toute façon, je ne vois aucune raison pour ne pas le faire. Ma vie appartient à mon maître, je ne suis qu'un instrument entre ses mains et cela me convient parfaitement. Au garde-à-vous, tête baissée, au centre du jardin, je ne bouge plus, de nouveau immobile. Je peux rester ainsi durant des heures sans ressentir la moindre fatigue, ni la moindre crampe. Le bruit caractéristique d'une clé que l'on tourne pour ouvrir une porte se fait entendre. Aucune réaction de mon corps ne trahit le fait que j'ai perçu ce bruit. À bien m'observer, il serait aisé de me confondre avec une statue, voir une androïde en veille. IL fait son apparition. Je m’incline respectueusement devant lui.
Bonjour Maître.
Je me relève, reprenant ma position initiale sans rien ajouter.