par Sibylla Atilius le 21 Novembre 2012, 13:11
Le pire à penser était bien que nous étions tous deux des êtres synthétiques, faits pour servir des maîtres faits de chairs et d'os, il ne savait pas que j'étais son identique et non seulement je ne lui dirais pas, mais je me refusais à me comparer à lui. Il n'avait pas le choix, comme je n'avais pas eu le choix. J'étais désormais bien plus libre que lui, j'étais considérée dans la civilisation humaine, appartenant à la race qui était supposée nous posséder, nous commander, de gré ou de force. J'étais libre, car je n'avais aucune chaine, mais j'étais enfermée dans ce mensonge qui pesait sur mes épaules. Et ce que je lui demandais, c'était simplement de me faire oublier tout cela. Un peu de temps où je ne serais qu'une femme, simple, qui ne demandait pas plus que de se sentir femme. Mais ce que j'avais rejeté si longtemps revenait à la charge, comme le galop d'un cheval lancé à pleine course. Les programmes furent lancés, les fichiers réouverts, les composants sensitifs sortirent de leurs torpeurs et je n'avais aucune volonté de les arrêter, cela faisait trop longtemps, cela, en fin de compte, était moi, cela me représentait, cela me définissait et pour quelques temps, juste un peu, je n'avais pas envie de me mentir, je voulais être cette poupée de satin que l'on manipule à sa guise, oublier les convenances, les droits de propriété, les titres pompeux. Il était un homme, j'étais une femme, quoi de plus normal.
Adam et Eve. Il avait réussi à faire glisser le reste de robe et cette dernière trainait par terre, au pied de la couche du triclinium. La cordelette m'agaçait et il l'arracha presque. Celle-ci aussi termina ad patres, sur le sol, comme une feuille morte que l'on balayera plus tard. Sa toge aussi, gracieusement payée au marchand d'esclaves, termina dieu savait où. Il me redressa et ce fut sans difficulté aucune qu'il nous remis debout, mes mains se posèrent sur son torse, les anneaux à mes bras tintant, comme un prélude d'ode à la condition physique humaine. La perfection se tenait au bout de mes doigts, il avait été sculpté avec l’œil d'un connaisseur et je ne pouvais qu'acclamer ce travail exceptionnel. Inconsciemment, je me mordis la lèvre inférieure, l'étincelle de l'envie dans mon regard. En quelques secondes, je sentis sa main gravir mon dos, longeant la colonne vertébrale et ce fut tout naturellement que je me cambrais, cherchant avidement ce contact délicat et pourtant franc. Ses doigts se perdirent dans ma chevelure et je me laissais faire, mon visage frisant avec les cieux, mes paupières se fermant afin de ressentir le moindre frisson, la plus délicate aventure de ses lèvres. Je ne lui avais pas demandé de violence et il ne l'étais pas. Il y avait une large différence entre la violence et la force, je sentis sa force d'homme alors que ses bras s'enroulèrent autour de ma taille et une larme passa mes paupières closes. Quelques doigts vinrent la chasser, mais un sourire traversa mes lèvres. Oui, c'était cela que je désirais, de la force sans violence et c'était ce qu'il m'offrait.
Il me laissa quelques secondes contre le pilier heureusement glacé. J’eus soudainement un sentiment de gêne ou de pudeur, mais je ne cherchais pas à me cacher pour autant, bien au contraire. Il me regardait comme un homme regarde une femme, sans voyeurisme, sans perversion dans le regard. A nouveau je pinçais ma lèvre inférieure, l'impatience me guettait, mes veilles s'agitèrent, elles voulaient de l'action, mais je restais encore immobile, n'ayant que pour tout mouvement, celui, artificiel qui soulevait ma poitrine à intervalles réguliers, comme la respiration calme d'une humaine. Et puis il revint tout contre moi, mes sens se firent plus sensibles, son bras serra ma taille, m'emprisonnèrent de force et je laissais brusquement échapper un souffle, mêlé à une légère plainte, il serrait fortement, mais toujours sans violence, aussi le sourire qui avait pris possession de mes lèvres resta figé. Le bruit fut rapidement estompé par ses lèvres sur les miennes et je me laissais totalement couler dans ses bras, appréciant plus que de raison sa force brute. Mes mains se mirent à parcourir son dos musclé, ses fesses galbées, ses flancs secs. Ma poitrine enfermée contre la sienne, fit connaître son envie alors que la pointe de mes seins glissait sur sa peau parfaite. Sa virilité se faisait connaître tout contre moi et j'avais hâte, étrangement hâte.
Qu'est-ce qui était le mieux? L'emmener dans ma chambre, dans ce lit immense où nous pourrions nous perdre dans les méandres des draps impersonnels? Ou bien demeurer ici, sans pudeur aucune, sans tabou et sans froufrou? Que m'importait. Tout ce que je voulais, c'était du temps, juste un peu, pendant lequel je pourrais oublier le tatouage camouflé sous une couche de maquillage, enveloppé sous les dizaines de bracelets. Mes doigts jouaient avec les formes, les courbes de son corps d'Apollon. Qu'il mène la danse, j'en avais assez de toujours tout contrôler, j'avais demandé la force d'un homme, il savait donc probablement comment faire plaisir à sa maitresse, vu sa condition première et j'avais appris à me laisser faire, dès les premiers instants de ma vie artificielle, nous nous complétions bien.