par Tacitus Alestra le 21 Octobre 2012, 19:35
C'est là. Maintenant. Cet instant, très précis. Le moment où, plus que tout au monde, j'aurais voulu avoir été un androïde répondant parfaitement à une suite de programmes prévus pour générer des réactions pré-enregistrées. Le moment où je ne voulais pas, surtout pas, être livré à moi-même. J'aurais eu un programme qui aurait détecté le trouble de ma maîtresse. Il aurait envoyé l'information en central, et là, l'information aurait été confrontée avec la liste des réactions confrontées. Compilée avec les circonstances que mes capteurs peuvent comprendre. Analysée, en somme, décortiquée mécaniquement.
Elle aurait été trouvée, et il y aurait ensuite eu des propositions de réactions appropriées, à confronter avec les circonstances. Et si l'information n'avait pas été trouvée, et s'il n'y avait pas de réaction appropriée qui puisse s'exprimer dans ces circonstances particulières, un autre programme se serait déclenché, avec des réactions de secours.
Le tout, en moins d'une milliseconde.
Mais je suis livré à moi-même, à mon savoir, mes souvenirs. Ma compassion, ma peur, mon incompréhension. Sa mère, assassinée par ...
Un androïde, oui.
Probablement programmé pour le faire, celui-là. Mais comment faire, alors ? Je ne peux pas rester froid, impassible, planté là comme un guéridon un peu trop grand et un peu trop stable étant donnée la situation présente. Mes poings se serrent et se desserrent, chaque mouvement amorcé est stoppé aussitôt. Et puis enfin, je m'agenouille.
Crétin.
Elle fuit mon regard, mais moi, je veux lui laisser voir qu'elle n'a rien à craindre. Alors je me penche en-dessous de ses cheveux clairs, je cherche ses yeux.
"Vous n'avez rien à craindre de moi. Je ne vous ferai pas de mal."
Je voudrais la toucher, et sécher ses larmes. mes doigts s'élèvent, même, mais je les retiens aussitôt. Je me contente de reposer ma main sur mon genoux, ma voix se fait douce, encore plus douce.
"Jamais, je vous le jure. Jamais."
L'idée qu'elle n'ait pas confiance, ou pire, qu'elle ait peur, me répugne. L'idée qu'elle se confie à moi, prise d'un moment de faiblesse, me grise. Oscillant entre ces deux sentiments étrangers mon corps tout entier se balance près du sien. Entre envie de la toucher et souci de respecter cette distance qu'elle nous impose.
"S'il-vous-plaît ... S'il-vous-plaît, ne soyez pas triste."
Et ne me revendez pas non plus, parce que je suis un mauvais androïde.