[E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

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[E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Tacitus Alestra le 25 Septembre 2012, 15:21

Dernièrement, Rome est en ébullition. Le corps expéditionnaire est sur toutes les lèvres, dans toutes les conversations, au détour de chaque rue et de chaque étal. dès que je pointe le nez dehors, il m'assaille. Nombreux sont ceux qui craignent pour la vie de ceux qui vont partir, hélas, ils sont plus nombreux encore à féliciter et envier ceux qui ont été choisis.
Heureusement, en tant qu'androïde n'étant pas adepte de Minerve, je n'ai pas à avoir d'opinion sur le sujet, et je peux taire ce que j'en pense réellement.


Faites l'amour, pas la guerre ?

A peu de choses près. Cette avidité pour les nouveautés et l'expansion a tendance à m'effrayer quelque peu. Quel besoin avons-nous d'étendre nos murs ? Heureusement, il me suffit de m'éloigner des artères de la ville et de la vie qu'elles charrient, et de passer le pas de la villa de ma maîtresse pour entrer dans un monde où toutes ces considérations n'ont pas leur place.

Havre de paix en-dehors du temps, la touche et la douceur innée de ma Domina a su imprégner dans son antre une aura de bien-être tranquille. Ici, tout le monde sourit et vaque à ses activités sans précipitation inutile. Naturellement, j'adopte le mouvement commun et accomplis mes tâches avec sérénité, bercé par quelques notes qui, si elles me semblent d'abord imaginaire, se révèlent bientôt échappées d'une harpe qu'on caresse délicatement. Jetant un oeil aux alentours afin de ne pas me faire prendre - que dirait-on d'un androïde absorbé par de la musique ? - je m'approche de la pièce où s'exerce la maîtresse de maison. La porte entrebâillée me laisse tout le loisir de me laisser bercer par sa voix pure qui charrie les sons des Divins, et je ferme les yeux un instant, succombant aux images parfaites qui se créent par je ne sais quel artifice ou programme défaillant derrière mes iris artificiels.

Le plateau sur mes bras finit pourtant par se faire lourd et, avec mille précautions, je pousse la porte dans le silence que j'espère le plus total pour déposer théière et biscuits sur une petite table toute proche. Je devrais ressortir et pourtant, je reste planté là, le regard rivé sur le spectacle enchanteur.
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Cassiopea le 30 Septembre 2012, 15:38

Chaque jour se suivent les même rituels, depuis mon lever jusqu'à mon coucher. Semaine après semaine je reproduits les même gestes. Les mêmes occupations rythment mes heures. Et chaque jour comme celui-ci je prends place sur ce petit tabouret recouvert de velours blanc derrière mon instrument. Je lève les yeux vers le portrait de ma mère. Je détaille ses traits comme si je craignais que le temps ne les efface peu à peu de ma mémoire. Alors que mes doigts commencent à caresser les cordes je ferme un peu les yeux. J'essaie de faire revivre mes souvenirs d'enfants. Je ne produits pas encore une mélodie c'est plus une sorte d'échauffement. Parfois l'inspiration naît juste de cela, d'une suite de notes dont la musique retentit en moi si intensément que je n'aurais de cesse ensuite de la conjuguer, de la faire vibrer jusqu'à ce qu'elle compose un morceau unique auquel se rajoutera bientôt un chant. D'autres je pars de mots, d'un phrasé que j'ai écrit avant de m'endormir ou qui m'est venu alors que je me baladais dans le jardin ou bien les rues. Les mots appellent des notes, le texte se lie à la musique pour ne plus créer qu'un ensemble indissociable.

J'aime ces moments, ce sont parmi mes préférés. Que naisse la création sous ma plume ou sous mes doigts, que je donne vie à un morceau écrit par moi ou bien par d'autres. Tant que retentit la musique je me sens bien. Je suis en paix, en harmonie. Les notes coulent de mes doigts le long des quarante sept cordes de ma harpe. Je connais chacune par cœur, un peu comme s'il s'agissait d'une personne unique, je sais le son qu'elle produit. Après cet échauffement je répète les morceaux que je dois jouer bientôt ou alors je m'exerce sur mes nouvelles compositions. Je suis assez perfectionniste lorsqu'il s'agit de musique. Je peux jouer la même mélodie jusqu'à parvenir à la passer sans une seule fausse note.

Et ce jour là justement je travaille un nouveau chant qui m'a été commandé pour une représentation qui aura lieu dans trois jours. Je me coupe du monde, je suis dans ma musique, que dis-je je suis la musique. Mes doigts fins vont et viennent le long des cordes, mes pieds jouent sur les pédales afin d'obtenir les tonalités parfaites. Ma voix cristalline s'élève dans la pièce que je ne vois plus vraiment en rythme avec la mélodie. Je n'ai même pas vu arriver l'androïde. Comme tous les jours j'ai perdu la notion du temps. Ce n'est que lorsque la dernière des notes finit de vibrer dans l'air que je réalise qu'il est là non loin de moi. Mon regard un peu surpris se pose sur lui. Mes mains retombent sur mes cuisses et je finis par lui sourire. Je me relève doucement et fais un pas de côté pour contourner l'instrument.


Merci Tacitus. Vous êtes là depuis longtemps ? Que pensez-vous de ce nouveau morceau ?

J'ai souvent tendance à oublier qu'il est un androïde et ne doit donc pas avoir les facultés pour juger ou plutôt apprécier la musique. Néanmoins j'ai l'impression parfois qu'il est capable d'aimer certaines choses. Peut-être qu'il s'efforce juste de me le faire croire pour me satisfaire. J'avance vers la petite table où est posé le plateau et j'attends qu'il me serve une tasse.

Cela fait quelques jours maintenant que vous êtes ici. Vous vous plaisez parmi nous ?

Encore une question ridicule, décidément je les accumule avec lui. Il ne risque pas de me dire que non. Mais je me souviens encore de ces mots lorsqu'il m'a raconté son histoire. J'avais senti alors combien il était fière de son ancienne vie du moins jusqu'à la mort de son premier maître. J'ai besoin dirait-on de me persuader que ce n'est pas qu'un tas de circuits à l’apparence humaine.
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Tacitus Alestra le 10 Octobre 2012, 18:11

Et le monde émergea d'un rêve ...

Avec la dernière note s'envole l'atmosphère onirique qu'elle est parvenue à créer seulement à l'aide de ses mains et de sa voix. J'ai beau connaître toute la théorie qu'on m'a enseigné sur la musique, les tonalités, les harmonies et les accords parfaits, je sais bien qu'à sa place, je serais incapable de tirer une mélodie aussi ... vivante.

Ainsi parlent les Dieux.

Elle s'adresse à moi, et je prends conscience - si l'on peut dire que j'en ai une - que je la fixe depuis quelques instants déjà. Sans réfléchir, je hoche la tête. Oui, ça me plaît, évidemment, que ça me plaît, qui pourrait ne pas aimer une harmonie aussi subtile entre les notes et la voix ?


N'importe quel androïde au plot actif ?

Imperceptiblement, je me fige. J'ai beau m'efforcer, depuis que je suis ici, à afficher l'apparence d'un parfait outil, il y a toujours ces instants où son attitude, son sourire ou sa musique parviennent à m'hypnotiser. Comme arraché de moi-même, j'oublie toute prudence.

Tu ne fais pas assez attention. Elle va tout découvrir, Taci'.

J'ai beau me dire que, peut-être, elle ne trouvera rien à y redire, je ne peux me résoudre à jouer mon autonomie sur une supposition aussi légère.
Elle s'approche et je m'affaire à remplir sa tasse, évitant soigneusement de croiser ses yeux tandis que je m'attache à répondre aussi logiquement que le ferait n'importe quelle machine :


"Il est très harmonieux et les accords s'enchaînent de façon parfaitement ingénieuse. Nul doute qu'il aura beaucoup de succès."

J'attends qu'elle s'installe confortablement, et voilà qu'elle pose une nouvelle question qui provoque un frisson d'angoisse. Se pourrait-il qu'elle sache ? Qu'elle se doute, seulement ? Ce serait catastrophique. Même si je n'arrive pas à me convaincre qu'elle en viendrait à me revendre ou à me faire réparer, je ne veux pas prendre le risque de voir changer quoi que ce soit à ma vie actuelle. Peu importe qu'elle me prenne pour une machine dotée de subtils programme. Peu importe, pourvu qu'elle me garde tout près d'elle.

"Je suis tout à fait à l'aise dans mes fonctions, si c'est le sens de votre question."

Je voudrais lui dire que je suis fier, tellement fier de la servir, surtout quand elle m'emmène à ces concerts qu'elle donne où tous viennent l'admirer. Je les regarde, posté dans l'ombre, et je souris, car je sais qu'elle repartira sous ma bonne garde, et qu'ils ne peuvent que la contempler de loin. C'est comme veiller sur une étoile depuis les cieux.

"Y a-t-il quoi que ce soit que vous aimeriez que je change ?"

C'est la question logique. Même si je voudrais demander pourquoi, même si je voudrais m'assurer qu'elle ne cherche pas à me faire avouer l'inavouable et qu'elle questionne en toute innocence, même si je voudrais qu'elle me dise qu'elle me gardera, malgré tout et malgré mes défaillances. C'est une position impossible dans laquelle je me trouve, forcé de fuir son regard qui perce trop bien le trouble qui agite parfois le doré de mes yeux.
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Cassiopea le 11 Octobre 2012, 12:30

Je pose mes mains sur mes cuisses, bras le long du corps en attendant toujours qu'il me serve. Il semble que mes questions le troublent un peu à moins que ce ne soit encore un effet de mon imagination. Ses réponses d'ailleurs tendent à prouver que je ne dois pas m'obstiner de la sorte. Il est sans doute temps que j'apprenne à surmonter ma phobie des androïdes. J'ignore pourquoi mais si je les craints tous en général, j'ai envie d'avoir confiance en Tactius. D'ailleurs si ce n'était pas le cas je ne le laisserais pas vivre si près de moi au risque de...Et c'est encore ce visage qui me revient, cette brune à l'air dur, ses yeux qui se posent sur moi. Je suis terrifiée mais je ne dois pas me souvenir. C'est étrange, j'ai une mémoire parfaite. Je me souviens de n'importe quel détail, j'enregistre tout ce que je vois ou entends et pourtant de cela je ne dois pas me rappeler. Ou je ne le veux pas. Je me sens mal soudain, prise de vertige et mon cœur bat trop rapidement dans ma poitrine. J'ai du mal à respirer et je tremble comme une feuille.

C'est l'inquiétude de l'androïde qui m'incite à reprendre le dessus. Je prends une grande inspiration et souffle très lentement pour calmer les battements désordonnés de mon cœur. Je me concentre sur la dernière des mélodies que je travaillais. La paix revient doucement et je me sens moins oppressée. Je souris d'un air rassurant, sans doute encore un peu pâle.


Ce n'est rien, ne vous inquiétez pas. Une petite crise d'angoisse. J'en faisais souvent enfant après la mort de ma mère. Cela s'est calmé en grandissant. Vous voulez bien verser le thé ?

J'attends à nouveau qu'il procède et après avoir soufflé sur la tasse je la porte à mes lèvres. Je les trempe à peine dans le liquide trop brûlant avant de la reposer. Je me sens un peu mal à l'aise maintenant qu'il m'a vu dans cet état. Je sais que je ne devrais pas, il ne ressent certainement aucune peine pour moi. Et son inquiétude alors ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Quelque chose en moi me crie que les androïdes sont capables d'émotions, je le sais. Je ne me souviens juste plus d'où me vient cette certitude.

De la femme aux cheveux bruns celle qui a...

Non !

J'ai parlé à voix haute, j'ai presque crié même. Je me mords la lèvre et triture nerveusement ma stola. Je m'étonne de ne pas voir accourir Giuilia, elle ne doit pas avoir entendu. Je n'ose pas relever les yeux vers Tactitus.


Navrée, ce n'était pas contre vous mais contre moi. Cela vous est déjà arrivé de... Non suis-je idiote. Bien sûr que non. Je ne sais même pas si vous pourrez comprendre ce que je raconte.

Je lève enfin la tête et pose sur lui mon regard un peu trop brillant. J'espère... je ne sais pas, lire un peu de compassion à défaut de compréhension. Je me sens fragile soudain un peu comme... une enfant. Cette petite fille qui n'aurait pas dû se trouver là, agenouillée près du corps de sa mère qui ne répond pas à ses appels.

Non je ne veux pas penser à tout cela, je ne veux pas me rappeler.
Mais peut-être qu'il est temps.


Et dans ma tête cette dernière pensée résonne avec la voix de Luna ma maman.

J'ai enfoui en moi un souvenir douloureux. Je soupire, baissant les yeux sur mes mains qui serrent toujours le tissu d'un blanc immaculé. Le jour où ma mère est morte. Elle a été tué par... quelqu'un comme vous.

Les mots sont lâchés, ils me sont venus sans même que j'ai à y penser et je suis surprise moi-même par ce que je viens de dire. Oui si j'ai si peur des androïdes c'est parce que je sais qu'ils peuvent apporter la mort et surtout qu'ils m'ont arraché celle qui m'a donné la vie.
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Tacitus Alestra le 21 Octobre 2012, 19:35

C'est là. Maintenant. Cet instant, très précis. Le moment où, plus que tout au monde, j'aurais voulu avoir été un androïde répondant parfaitement à une suite de programmes prévus pour générer des réactions pré-enregistrées. Le moment où je ne voulais pas, surtout pas, être livré à moi-même. J'aurais eu un programme qui aurait détecté le trouble de ma maîtresse. Il aurait envoyé l'information en central, et là, l'information aurait été confrontée avec la liste des réactions confrontées. Compilée avec les circonstances que mes capteurs peuvent comprendre. Analysée, en somme, décortiquée mécaniquement.
Elle aurait été trouvée, et il y aurait ensuite eu des propositions de réactions appropriées, à confronter avec les circonstances. Et si l'information n'avait pas été trouvée, et s'il n'y avait pas de réaction appropriée qui puisse s'exprimer dans ces circonstances particulières, un autre programme se serait déclenché, avec des réactions de secours.

Le tout, en moins d'une milliseconde.

Mais je suis livré à moi-même, à mon savoir, mes souvenirs. Ma compassion, ma peur, mon incompréhension. Sa mère, assassinée par ...


Un androïde, oui.

Probablement programmé pour le faire, celui-là. Mais comment faire, alors ? Je ne peux pas rester froid, impassible, planté là comme un guéridon un peu trop grand et un peu trop stable étant donnée la situation présente. Mes poings se serrent et se desserrent, chaque mouvement amorcé est stoppé aussitôt. Et puis enfin, je m'agenouille.

Crétin.

Elle fuit mon regard, mais moi, je veux lui laisser voir qu'elle n'a rien à craindre. Alors je me penche en-dessous de ses cheveux clairs, je cherche ses yeux.

"Vous n'avez rien à craindre de moi. Je ne vous ferai pas de mal."

Je voudrais la toucher, et sécher ses larmes. mes doigts s'élèvent, même, mais je les retiens aussitôt. Je me contente de reposer ma main sur mon genoux, ma voix se fait douce, encore plus douce.

"Jamais, je vous le jure. Jamais."

L'idée qu'elle n'ait pas confiance, ou pire, qu'elle ait peur, me répugne. L'idée qu'elle se confie à moi, prise d'un moment de faiblesse, me grise. Oscillant entre ces deux sentiments étrangers mon corps tout entier se balance près du sien. Entre envie de la toucher et souci de respecter cette distance qu'elle nous impose.

"S'il-vous-plaît ... S'il-vous-plaît, ne soyez pas triste."

Et ne me revendez pas non plus, parce que je suis un mauvais androïde.
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Cassiopea le 30 Octobre 2012, 12:23

Comment ai-je pu enfouir dans ma mémoire un si pesant secret ? Dire que je vis avec depuis des années, que je l'emmène partout, qu'il imprègne chaque pas que je fais. D'un coup c'est comme si les pièces du puzzle se mettaient en place, pièces que j'ai moi même caché un peu partout pour ne jamais les rassembler. Des larmes silencieuses roulent sur mes joues, je revis en pensées la scène que je voulais tant oublier. Je me souviens de la peur, des larmes, de la douleur aussi. Je me souviens du sang, du corps de ma mère que j'avais beau secouer sans qu'elle ne se réveille plus jamais. Et je la revois elle, l'androïde brune aux yeux déments, le jouet de mon père qu'il s'est acharné à protéger des années malgré ces femmes à qui elle a ôté la vie. J'ignore ce qu'il a fait d'elle, elle a disparu. L'a-t-il fait détruire ? Je l'ignore, je n'en suis même pas certaine. Il semblait exister un lien si complexe entre eux deux que je ne pourrais l'assurer. C'est pour cela qu'à travers toutes ces années j'en ai voulu à mon père, pour ça qu'il y aura à jamais cette distance entre nous. Ce froid qui bien que ne nous empêchant pas d'avoir des relations tout à fait cordiales m'interdira à jamais d'être aussi proche de lui que je le devrais.

Je secoue la tête, revenant à aujourd'hui alors que la voix de Tacitus me semble si lointaine. Jamais... Je relève les yeux sur lui en essuyant rapidement les larmes qui mouillaient mes joues. Jamais ? Je plonge dans son regard si particulier comme si je pouvais y lire dans l'avenir cette certitude. Ce sont ses prunelles et ce qu'elles expriment qui m'ont amené à le choisir, à lui accorder ma confiance. Il apparaît vraiment affecté par ce qu'il m'arrive. Un programme androïde ? Je l'ignore, cette brune qui a assassiné ma mère avait parfois l'expression d'émotions si humaines surtout dans ses colères effrayantes.


Ne vous en faites pas, tout ira bien. Je ne sais pas quelles connaissances de l'esprit et du cœur humain vous possédez mais ils sont aussi perplexes que tourmentés quelques fois. J'ignore si je pourrais parvenir à vous faire comprendre ce que je ressens en cet instant mais le passé est le passé. Il a juste déterminé en bonne partie ce que je suis devenue et notamment ma grande méfiance envers les androïdes.

Ma main vient chercher la sienne sans même que j'y réfléchisse. Je me sens si vulnérable en cet instant, si fragile. Nos vies sur cette terre ne sont pas éternelles on a parfois tendance à oublier comme elles peuvent être arrachées si facilement. Moi je ne l'ai jamais oublié depuis que j'ai appris cette leçon. Je crois que j'ai besoin de son contact comme pour me rassurer, me consoler. Pourtant il n'est sans doute pas le plus à même de m'aider en cet instant. Que sait-il des sentiments, de l'amour d'une enfant pour sa mère ? Peut-être connaît-il le chagrin de la perte d'un être cher, apprise lorsque son précédent maître est mort.


Je crois qu'au-delà des tâches dont vous vous acquittez pour moi j'ai besoin de vous pour apprendre à vivre avec un androïde, à savoir comment je peux leur faire confiance. Et surtout à qui je peux faire confiance. Vous croyez que vous saurez faire ça ?

Mon regard est rivé dans ses prunelles dorées. Je tiens toujours sa main serrée entre les miennes. Peut-être que je me trompe et que je devrais m'adresser à quelqu'un qui connaît bien les androïdes plutôt qu'à l'un d'entre eux. Ce que je sais en tous cas c'est que je suis prête à présent à avoir les réponses qui m'ont tant fait défaut.
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Tacitus Alestra le 13 Novembre 2012, 11:22

J'aurai pour mission de l'aider à avoir confiance, à nouveau ? Ne plus craindre les androïdes ? Je me demande bien comment y parvenir, alors que je n'ai moi-même confiance qu'en une partie très limitée d'entre eux. Et que je n'en connais pas la plupart. Je serre doucement sa main entre les miennes, étrangement touché qu'elle ait initié ce contact que je la suppliais en silence de pouvoir établir. Toujours agenouillé près d'elle, les yeux levés vers son visage bouleversé, je lui réponds bien bas.

"Nous sommes faits ainsi qu'on nous a créés. J'ai hérité du caractère que mon créateur a voulu pour moi ... Et si le caractère d'un androïde ne vous plaît pas, vous pouvez toujours l'envoyer en reconditionnement ... pour peu qu'il vous appartienne."

Je ne retiens pas un frisson à cette idée. J'ai la sensation qu'elle n'y pense plus, me concernant, que je suis à peu près sauf, mais ma loyauté m'oblige bien à lui en faire part.

Ton idiotie, plutôt. Tu tends le bâton pour te faire battre, Taci.

Sauf qu'elle ne s'en servira pas. Je ne sais pas pourquoi j'en ai une telle certitude, mais il me semble bien qu'elle ne fera pas ce genre de choses. Ses yeux, peut-être.

"Pour les autres, ceux qui ne sont pas à vous ... Je serai là, vous savez. Toujours, près de vous. Certains ne sont peut-être pas dignes de confiance, il faut bien l'admettre, créés par ceux qui s'adonnent depuis si longtemps aux jeux politiques ... Mais aucun n'aura l'occasion, en tout cas, de vous faire du mal."

Qu'elle remette entre mes mains sa sécurité, et qu'elle puisse voir que je la protégerai de tout. A voix plus basse encore, je chuchote :

"Puis-je me permettre une question ?"

J'ose à peine effleure à nouveau ce souvenir manifestement douloureux.

"Qu'est-il arrivé à l'androïde qui ... vous a pris votre mère ?"

J'aimerais qu'elle me dise qu'on l'a démantelée sur le champ, et brûlé chacune de ses pièces. Qu'elle sache, au moins, que celle-là ne nuira plus jamais et que la punition pour les actes malveillants est à ce point radicale. Mes mains enserrent toujours la sienne, si fine, si douce et si fragile.
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Cassiopea le 18 Novembre 2012, 14:33

Je me sens à fleur de peau après toutes ses émotions. Je n'aime pas beaucoup l'idée de me montrer vulnérable mais après tout Tacitus fait un peu désormais partie de la famille. Au moins même si c'est douloureux je pense que c'est une bonne chose d'avoir réussi à faire ressortir ce qui me hantait depuis tant d'années. Les questions pourront trouver des réponses. Il en est quelques unes tout de même que j'ignore si j'oserais poser. Il faudrait pour cela que j'affronte mon père et notre lien est à mes yeux trop fragiles. Je lui en ai voulu si longtemps de n'avoir pas protégé ma mère, de l'avoir mise en danger en nous imposant cette androïde si... terrifiante. Une part de moi voudrait comprendre, l'autre à peur de ne pas savoir pardonner. Il est ma seule famille ou peu s'en faut, le seul parent qui me reste. Malgré son caractère particulier je n'aimerais pas lui tourner le dos. Je hoche la tête en guise d'acquiescement et écoute la question de Tacitus. Mon regard s'assombrit de nouveau et je baisse les yeux.

Je l'ignore, j'aimerais savoir qu'elle ne peut plus nuire à personne. Je voudrais pouvoir l'affirmer mais je n'en sais rien. Je ne l'ai pas revu depuis alors peut-être que mon père a fait ce qu'il faut. Le croire me rassure mais j'avoue que parfois encore aujourd'hui je m'éveille avec la peur au ventre, comme si je sentais encore cette menace invisible peser sur moi.

Il a fallu de longues années pour que je cesse de faire ces cauchemars, des mois et des mois pour que j'enfouisse ce souvenir. J'imagine que j'en avais besoin pour savoir aller de l'avant et ne pas vivre sans cesse dans la terreur, dans la douleur. Aujourd'hui il est temps d'apprendre à vivre avec la vérité. Je songe à en parler à Giulia, je suis certaine qu'elle a aussi quelques réponses à me donner. Je soupire et prend une longue inspiration. Les idées, les questions se bousculent dans ma tête. Je chasse pour un temps les sombres pensées et la peur. Je veux croire en Tacitus, en ses mots. Je pense sincèrement oui qu'il fera de son mieux pour me protéger, veiller sur moi. Je médite un moment cette histoire de reconditionnement et je secoue la tête doucement.

Vous savez j'ai beaucoup de mal à vous voir comme une simple machine, un outil juste bon à me servir. Quand je vous regarde je vous trouve... si humain.

Mes yeux se sont reposés sur lui et je détaille son visage un moment avant de retourner chercher cette lueur dans ses prunelles. Non il n'a rien d'un automate qui ne s'articule que pour faire ce que l'on attend de lui. Ce serait si triste que les choses soient ainsi.

Pour cela je ne vous reconditionnerai car je ne crois pas en avoir le droit. Si vous êtes bel et bien tel que votre créateur vous a voulu, et connaissant votre loyauté envers lui, alors je ferai mon possible pour que personne ne vous change.. Mais je ne suis pas si certaine que les androïdes soient toujours tels qu'on les a souhaité. Celle qui a...J'ai la certitude qu'on ne l'a pas fabriqué ainsi, il y avait quelque chose de dément chez elle. Peut-être une défaillance comme dans certains cerveaux humains psychopathes je l'ignore.

Je me rends compte que j'ai toujours posé dans la sienne. Un peu gênée je la retire en lui souriant d'un air presque d'excuse. Je me redresse en le contemplant toujours.

Vous n'êtes pas n'importe quel androïde à mes yeux en tous cas.

C'est probablement ridicule de penser ainsi, de voir chez lui ce qui peut être n'existe pas juste parce que j'aimerais l'y trouver. Néanmoins je sens que j'ai raison, en partie seulement qui sait.
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Tacitus Alestra le 21 Novembre 2012, 17:03

Sa main m'échappe, glisse d'entre mes doigts et l'air froid s'engouffre là où je touchais la peau chaude. Tous mes capteurs s'affolent, calculent, stabilisent. Peine perdue : mon système s'affole, et mon souffle s'est accéléré pour une obscure raison.

Parce qu'elle a enlevé sa main.

Elle plonge ses yeux dans les miens et je m'applique à ne pas ciller. J'ignore ce qu'elle veut y voir, mais je ne vais certainement pas l'empêcher de trouver ce qu'elle cherche. Au bout de quelques instants d'un silence qui s'éternise d'agréable façon, pourtant, je laisse un filet de voix m'échapper.

"Je ne suis pas comme les autres androïdes ..."

Une bribe de confidence qui se glisse comme dans une rêverie. Mais aussitôt, je me reprends, mes yeux s'écarquillent, je rougirais presque. Je ne sais pas ce qui m'a pris, il ne faut pas qu'elle s'interroge, je ne sais pas ce qu'il pourrait arriver, même si elle vient de me dire qu'elle ne me ferait pas reconditionner ... Elle le dit parce qu'elle ne sait pas.

"... je suis le vôtre."

Lentement, je me redresse. Il devient inconvenant de rester à genoux devant elle.

"Vous ne me traitez pas comme une machine. Jamais. Rien que pour ça, vous pouvez être assurée de ma loyauté. C'est important, pour moi. Je ne prétends pas posséder toutes les richesses d'un humain, comme vous, je sais où est ma place, ce que je suis et qui m'a fait."

Mes yeux glissent, plus loin. Ce qui suit, je ne peux lui dire alors qu'elle a son regard dans le mien. J'ai la sensation de me mettre à nu, j'ai la sensation, surtout, qu'il le faut. Elle a le droit de tout savoir, de tout voir et de tout prendre de moi.

"Et vous êtes si belle et si gracieuse ... que c'est comme être béni par un ange, quand vous m'acceptez."
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Re: [E3] Le chant des Dieux ~ Cassiopea

Messagepar Cassiopea le 30 Novembre 2012, 17:13

Pas n'importe quel androïde cela je peux le croire, je le devine même. Ce que je voudrais comprendre c'est en quoi ? Pourquoi ? Qu'est-ce qui le rend si particulier ? C'est étrange, un humain on peut tenter de découvrir qui il est mais qui voudrait faire de même pour un androïde ? Moi, oui j'ai envie de percer certains de leurs mystères et leurs secrets. Peut-être que cela fonctionne comme pour le cœur humain, il faut savoir gagner et mériter sa confiance pour qu'il se dévoile un peu. Je regarde Tacitus se relever. Puis instinctivement mes yeux glissent vers le voilage soulevé par la légère brise qui pénètre par la fenêtre ouverte. Je médite ses mots, cherchant à en déchiffrer le sens comme une carte mystérieuse menant à un trésor dont je n'aurais pas encore trouvé la clef. Ses paroles retentissent dans mes pensées longtemps encore après qu'il ait fini de les prononcer.

C'est très touchant.

Je ne suis pas particulièrement sensible aux compliments. Oh bien sûr j'apprécie je suppose comme tout le monde que l'on m'adresse de jolis mots. Dans sa bouche pourtant je veux bien les croire sincères. Néanmoins j'imagine que j'ai trop l'habitude de l'hypocrisie pour croire la moitié de ceux que l'on m'a adressé. Bien qu'il soit agréable de s'entendre qualifier de belle je n'y trouve aucun mérite. C'est une grâce que m'a accordé ma déesse au même titre que mon don pour la musique. Le plus beau des compliments restera à jamais pour moi l'émotion que je lis parfois dans les regards de ceux pour qui je jouent. Si les mots sont traîtres, les yeux miroirs de l'âme eux ne mentent jamais.

J'attrape l'anse de la tasse posant mon autre main sur la fine faïence et la porte à mes lèvres. Le thé au miel préparé par Giulia est un délice et ses vertus sont indéniables pour moi qui dois sans cesse préserver ma voix. Avec cette discussion il a eu le temps de refroidir juste assez. J'en prends une gorgée avant de reposer la tasse et de regarder de nouveau vers l'androïde.


Vous voulez bien me tenir un peu compagnie ? J'aimerais vous découvrir un peu mieux. Quand à votre place elle ne dépend que de vous et de moi. Je n'aime pas particulièrement cette manie qui consiste à chercher l'ordre et la rigueur dans chaque chose, d'enfermer chacun selon sa classe sociale, sa naissance, sa profession...


Je souris avec douceur, jouant de mon index le long du bord de la tasse.

Asseyez vous un peu et parlez moi de vos souvenirs de votre vie passée, de votre créateur, de ce que vous aimiez à ses côtés, comment vous vous rendiez utile... Cela ne vous manque-t-il pas trop ?

Je reprends le thé pour le porter à mes lèvres avant qu'il ne refroidisse d'avantage. Je grignote ensuite un des petits gâteaux au figues déposés dans une assiette par Giulia.

Ce doit être grisant de sentir que l'on peut aider les autres, accomplir quelque chose d'important en s'occupant de ceux qui en ont besoin, en les soignant. Je déplore parfois qu'avec la chance que j'ai de vivre une existence si confortable je ne pense pas d'avantage à ceux qui ne connaissent pas ce bonheur.
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Cassiopea
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