[E3] Le cadavre de Tiberius [Thalie Lucretia]

[Le conteur]

Quel meilleur assassin qu’une femme pour en finir avec Tiberius Festus Scribonus. Le grand-prêtre avait la réputation de ne jamais résisté au sourire d’une femme. Mais les commanditaires de son assassinat ne le sous-estimait pas. Alors ils n’enverrait pas dans son lit une jeune recrue, mais une ancienne androïde. Elle avait fait son trou au sein du temple. Recruter pour prendre soin des jardins de Venus, elle gravit rapidement les échelons et fut même une des maîtresses de Tibérius. Et jamais personne n’aurait imaginé qu’elle serait sa meurtrière. Pas même elle d’ailleurs !

Elle courrait dans le temple, la vision brouillée par les larmes, les mains pleines de sang. Elle manqua de percuter un prêtre et glissa pour chuter de tout son long. Son épaule frappa très lourdement la dalle de marbre. Elle se blessa mais ne cilla pas. Elle se relevait immédiatement et continua sa course jusqu’à la porte d’Eoce. Elle l’ouvrit sans frapper et se jeta à genoux au pied du lit.

-- Pardon ! Pardon ! Pardon ! Je ne sais pas ce qui m’a prit, je ne comprends pas ! Pardonnez-moi prêtresse Thalie, pardonnez-moi prêtresse Lucrétia.

Lucrétia était assise sur le lit et Thalie y était allongée, lui confiant combien elle s’inquiétait pour Tibérius. Elle lui avait expliqué la présence de Roenna depuis quelques jours pour apprendre à Tibérius à se défendre, mais Tibérius semblait être un mauvais élève. Et ces heures de cours avaient été vaines...

-- Je, je, je ne comprends pas. J’ai pris cette lame …

Dans sa main, une lame était couverte de sang. L’androïde la laissa tomber sur le lit et les draps blancs furent maculés du sang du Grand Prêtre. Elle pleurait, ses larmes semblaient sincères.

-- Il dormait paisiblement et … oh pardon... pardon... pardon... Je ne sais pas pourquoi j’ai fait cela...

L’androïde s’effondra et se mit à sangloter à ne plus pouvoir parler.

[Lucretia Albinus]

Une fois n’est pas coutume, je passe la soirée au Temple. Thalie m’a demandé de venir pour parler d’un sujet qui la préoccupe. Plus qu’un sujet, c’est d’un homme dont il s’agit : le grand prêtre Tiberius. Il est connu de tous qu’en plus d’être un pervers, c’est surtout un homme beaucoup trop imbu de sa personne selon moi et inconscient que son arrogance nous met toutes en danger. Dans les appartements de Thalie, cela fait maintenant plusieurs heures que nous discutons. C’est ainsi que j’apprends que Roenna a été mandatée pour donner des cours de combat à Tiberius. Je doute que cela porte ses fruits connaissant le caractère de ce dernier. Réfractaire à toute obligation, il a pour habitude de n’en faire qu’à sa tête et est beaucoup trop obnubilé par Camila pour raisonner de façon censée. La porte s’ouvre brutalement et l’une des androïdes du Temple fait son entrée, complètement paniquée et… couverte de sang ! D’un bond, je me lève, prête à me battre si besoin. Je l’écoute tenter de nous expliquer ce qui vient de se passer mais une seule chose me préoccupe : avec qui se trouvait-elle ? Elle lâche son arme avant de s’écrouler. D’un geste vif, je m’en saisis avant de tirer Thalie à moi, l’éloignant de l’androïde. Je déclenche mon don, emprisonnant provisoirement l’androïde dans une illusion pour nous mettre hors de danger. Tout ce sang… Il faut que nous parvenions à savoir à qui il appartient et vite !

Avec qui te trouvais-tu ? Répond !

Ma voix est dure, autoritaire. Pas de réponse. Je réfléchis longuement, cherchant à me rappeler tous ceux que j’ai croisés en arrivant. Tiberius ! Cette idée me fait froid dans le dos. Mais vu les temps troublés que nous vivons, ainsi que le départ du corps expéditionnaire, j’aurais du me douter que les assassins de Mettius passeraient rapidement à l’action. La rage s’empare de moi. Je ne pensais pas avoir à me dévoiler aussi rapidement. Mon regard croise celui de Thalie et je me rends compte qu’elle en est arrivée à la même conclusion que moi.

Thalie, file chez Tiberius voir dans quel état il se trouve… s’il est encore en vie. Tu es meilleure infirmière que moi. Je m’occupe d’elle. Sois très prudente, elle n’est sans doute pas la seule présente au Temple.

Je désigne l’androïde qui ne bouge plus, restant prostrée à terre. Je sais que je devrais la conduire au Tribunal mais je veux savoir qui l’a envoyée, qui a guidé sa main. Sans perdre une seconde, je saisis le bras de l’androïde pour la forcer à se relever. Elle se laisse faire, une vraie poupée de chiffons. Il n’en demeure pas moins que je dois rester très prudente.

Avance !

Sans un regard pour Thalie, je quitte la pièce, emmenant la meurtrière avec moi. Nos quittons le temple dans la plus grande discrétion. Voilà qui est parfait. Nul n’est encore au courant. Il nous sera plus facile de le dissimuler. Direction ma demeure et au pas de course !

[Thalie Helvius]

La soirée se veut calme et paisible. J’ai invité mon amie, amante, consœur Lucretia à venir passer ce temps en ma compagnie. Non pas pour nous adonner à une prière, ou bien encore à des ébats fougueux et passionnés comme nous pouvons en connaître parfois, mais bien pour discuter sérieusement. Depuis quelques temps, une lourde atmosphère semble planer sur la ville et le temple. Le danger semble présent plus que jamais et je crains sincèrement pour la vie du Grand Prêtre. Oh bien sur, je n’aime pas que celui-ci s’en amuse. Il est d’une nature à n’en faire qu’à sa tête, se moquant des réactions qu’il peut provoquer chez ses interlocuteurs. Il fait fit de la raison parfois, ou adopte une stratégie, attitude comprise que par lui seul. Et même-moi qui, pourtant, le connais plus que bien, j’avoue avoir bien souvent du mal à le comprendre, à la suivre. Mais c’est aussi après tout ce qui le rend si unique, et fort heureusement. Un Tiberius, c’est assez pour Rome. Deux, c’est comme jeter les 7 plaies d’Egypte sur cette ville mais en pire encore. Heureusement pour moi, je connais assez de monde dans cette cité pour pouvoir tenter d’intervenir dans le cours des évènements, si la déesse Vénus me l’autorise, naturellement. C’est ainsi que j’ai parlé de mon angoisse à propos de Tiberius, et qu’ainsi, j’ai apprit la fonction première de son androïde, Roenna avec qui j’ai eut le plaisir de partager un moment en compagnie de Lucretia justement. La suite fut simple et logique : Roenna devrait apprendre au Grand Prêtre à se battre, se défendre…

-- Pardon ! Pardon ! Pardon ! Je ne sais pas ce qui m’a prit, je ne comprends pas ! Pardonnez-moi prêtresse Thalie, pardonnez-moi prêtresse Lucrétia.

Je sursaute soudain en voyant cette esclave entrer dans mes appartements, un couteau à la main. Paniquée, je reste comme figée, jusqu’à ce que l’androïde se jete au pied de mon lit. Elle semble totalement perdue, apeurée et pire encore, complètement instable. Voilà pourquoi je déteste les androïdes. Avec eux, on ne peut jamais savoir à quoi s’attendre. Un jour ils vous adulent, le lendemain ils vous tuent dans votre sommeil ! Quoi ? C’est pareil avec les humains ? Oui mais les humains, c’est ainsi depuis la nuit des temps. Quand j’y repense, il fallait être complètement idiots pour créer des androïdes à notre image, leur accordant exactement les même défauts que nous…

"Lucretia ! Elle a un couteau !!"

-- Je, je, je ne comprends pas. J’ai pris cette lame …

-- Il dormait paisiblement et … oh pardon... pardon... pardon... Je ne sais pas pourquoi j’ai fait cela...

Là, j’avoue, je ne cesse de paniquer. D’une, parce que j’ai une machine folle furieuse au pied de mon lit, de deux, parce que je comprends que trop bien la raison de tout ce sang, les mots de cette androïde tueuse…

"Thalie, file chez Tiberius voir dans quel état il se trouve… s’il est encore en vie. Tu es meilleure infirmière que moi. Je m’occupe d’elle. Sois très prudente, elle n’est sans doute pas la seule présente au Temple."

Aussitôt, je saute du lit, prenant grand soin de rester aussi loin que possible de cette androïde, courant à toute allure, aussi vite que mon corps en est capable vers les appartements de Tiberius. Le souffle court, le cœur battant plus que de raison, j’arrive bientôt devant la porte restée entrouverte. Prise d’un vertige, je n’ose franchir le pas de sa porte. Je connais bien ses appartements, pour m’y être souvent rendue. Mon cœur semble se figer dans ma poitrine et je suis parcourue d’un frisson glacial. Ma main tremble, tandis que je pousse la porte qui grince lentement, dans un bruit trop glauque à mon goût. Déjà, des larmes coulent sur mes joues et lorsque j’entre enfin, trouve la chambre, je vois Tiberius allongé dans son lit, inerte, les draps et sa tenue maculés de sang…

"Oh non par Vénus… Tiberius !"

L’instinct prend souvent le dessus sur la raison en des moments extrêmes. J’ai beau ressentir l’envie de fuir devant cette vision cauchemardesque, je ne peux m’empêcher de vouloir sauver celui qui occupe une si grande place dans ma vie. Le lien qui nous unit est unique et inqualifiable. Nous sommes plus que des amis, des amants, des membres du clergé de la déesse Vénus. Nous sommes au-dessus, au-delà de tout ceci. Il me semble le connaître depuis toujours et bien encore et ce sentiment est réciproque, partagé. Je m’approche de son corps et lorsque je le touche, je sens cette froideur terrible…

"Vénus s’il te plaît… aide moi "

Je pleure maintenant à chaudes larmes et ma vision est complètement brouillée. D’un revers de main machinale, je tente de les essuyer, les chasser. Pour tenter quelque chose, il me faut voir ce que je fais. Je n’ose à peine toucher son corps, tailladé à de multiples endroits de coups de couteau. C’est une vision horrible que je dois contempler de force. Mes doigts glissent à son cou, cherche une veine afin de tenter de percevoir un pouls. Je pose l’oreille sur sa poitrine, essayant d’entendre un faible battement de cœur, mais rien. Paniquée, apeurée, je me refuse néanmoins d’admettre l’évidence. La peur se transforme en colère, en énergie du désespoir, alors que je détaille les blessures plus sérieusement. Il me faut voir si des organes vitaux sont touchés mais au vue des nombreuses traces, il est clair que ce doit être le cas…

"Tiberius !! T’as pas le droit !"

Je m’énerve comme-ci en cet instant, il pouvait m’entendre, ouvrir les yeux et sourire en me disant que c’est une farce. Là je crois que je le tuerais de mes propres mains, mais au moins, je serais soulagée de savoir que tout ceci n’était en rien la réalité. Je soulève son vêtement et je reconnais une marque de naissance du Grand Prêtre. Je le connais suffisamment assez intiment pour la reconnaître au premier coup d’œil, et cette constatation ne fait qu’un peu plus se serrer mon cœur dans ma poitrine. Je commence à vouloir me résigner, à accepter ma mort mais une énergie du désespoir s’empare de moi et je commence à panser une plaie, puis deux, voulant arrêter le saignement qui naturellement, continue de plus belle. Et alors que je me penche pour détailler la plaie la plus importante, je remarque quelque chose de totalement incohérent…

"Impossible !"

Je reste muette quelques longues secondes, totalement interdite. J’ai sous mes yeux non pas un humain, mais un androïde. Totalement perdue, déstabilisée, je me demande réellement si ce n’est pas un mauvais rêve. J’ai envie de crier au secours, d’appeler de l’aide, mais le fait de savoir que j’ai sous les yeux un androïde, m’empêche d’agir. Si Tiberius était réellement un androïde, je crois que je m’en serais rendue compte, d’une façon ou d’une autre ? Je ne sais quoi faire, quoi dire et encore moins quoi penser. Cette soirée est décidément bien trop horrible pour moi…

[Lucretia Albinus]

Revenir au Temple sans me faire voir relevait du miracle. Le jour n’allait pas tarder à se lever et ma tenue imposait une discrétion de tous les moments. Je fais donc le choix de rallonger mon trajet pour être certaine de ne pas être repérée. J’espère vraiment m’être trompée en envoyant Thalie chez Tiberius, quitte à les retrouver en pleine action. Mais au fond de moi, je sais qu’un drame s’est joué cette nuit en la demeure de Venus et qu’il n’est sans doute pas le seul. Je ne vois qu’une seule personne capable de monter un tel plan et d’avoir eu la patience d’attendre le départ du corps expéditionnaire pour passer à l’action : Mettius ! Accrochée à ma hanche gauche, le poids de la dague me rassure plus qu’il ne le devrait. Comment vais-je bien pouvoir expliquer mon apparence…

Plus tard les questions, l’urgence est ailleurs pour l’heure. La silhouette imposante du Temple devient de plus en plus proche et je pénètre enfin dans les lieux. Tout est encore calme. Je déjoue l’attention des gardes sans difficulté réelle avant de prendre le chemin menant chez le grand prêtre. Que vais-je trouver là-bas ? L’horreur certainement si je me fie à tout le sang qui couvrait l’androïde. Cassia ! Je ne suis pas inquiète pour mon esclave, elle va suivre mes ordres et je la connais assez pour savoir qu’elle ne reviendra pas sans le Consul chez moi. Il faudra que j’y retourne rapidement d’ailleurs pour tenter de découvrir l’identité de celui qui a programmé l’assassin.

Je me faufile dans les couloirs en silence, rapidement. Tout le monde dort encore et c’est mieux ainsi. Je m’arrête quelques instants devant la porte qui mène au logement du grand prêtre, histoire de reprendre mon souffle. Je pousse la porte lentement, ma main sur mon arme, prête à me battre si besoin. Thalie est là... penchée sur le corps de Tiberius. Ainsi donc, j'avais vu juste. Je m'assure que nul ne m'a vu entrer avant de refermer la porte sans bruit. Mon amie semble tétanisée. Je m'approche, découvrant peu à peu l'étendue des blessures de Tiberius. Je ne me fais aucune illusion, il est mort.

Mais quelque chose sonne faux dans ce tableau. Et à ma grande surprise, je découvre une chose à laquelle je ne m'attendais pas. Je saisis Thalie pour la forcer à se remettre debout avant de l'éloigner de cette chose. Par Vénus, il se passe quoi ici ? Je fais signe à ma sœur de ne rien dire. De toute façon, ma tenue suffit à la rendre muette. Je m'approche une nouvelle fois du cadavre. Aucun doute possible, c'est bien un androïde. Ce qui soulève beaucoup de questions qu'il nous faudra voir plus tard. L'endroit ne s'y prête guère.

Retournons chez toi. Nul ne doit savoir que nous sommes venues ici.

J'entraîne Thalie à ma suite. Il est urgent qu'elle se change, sa tunique est pleine de sang. Pourvu que nous ne croisions personne sur le chemin. Nous parvenons chez elle sans encombre et je la laisse se changer pendant que je réfléchis à ce qui vient de se produire. L'androïde responsable se trouve chez moi, Maximus s'occupera d'elle et de ce côté-là, tout me semble régler. Reste néanmoins Cassia à qui je vais devoir expliquer la situation, ainsi que Thalie qui découvre une facette de moi que personne ne connaît.

J'informe mon amie que je m'absente quelques minutes avant de quitter ses appartements. Me revoilà aux côtés de Tiberius... du moins de son cadavre. Dire que Roenna était en train de lui apprendre à se défendre ! Il aurait mieux fait de l'écouter un peu plus au lieu de n'en faire qu'à sa tête. Mais il y a plus délicat à gérer. Combien de ces machines ont réussi à se fondre dans la population humaine, jusqu'à parvenir à certains postes avec responsabilités ? Aucun code-barre, voilà ce que j'étais venue vérifier. C'est pour cela que Thalie ignorait ce qu'il était. Normalement. Je retourne chez mon amante. Mon arme trouve ma main à peine entrée.

Thalie ?

Je l'appelle doucement, pour ne pas l'effrayer. Se trouver face à moi qui suis armée suffira.

Thalie, savais-tu que Tiberius était un androïde ?

[Thalie Helvius]

Le monde semble devenir fou autour de moi. Si je reste la tête pleine de questions face au corps du supposé Tiberius, je suis heureuse de voir la prêtresse Lucretia, mon amie, amante revenir à mes côtés pour m’emmener à mes appartements. Je crois que seule, je n’aurais pas eut la force de bouger jusqu’au petit matin, jusqu’à ce que d’autres prêtresses fassent l’horrible découverte. Oh j’imagine déjà les questions, les pleurs, le chagrin s’abattant sur le Temple. Pourquoi Vénus ne m’a-t-elle pas prévenu ? Pourquoi les dieux laissent-ils faire ainsi ? Quelque chose ne va pas. Bien sur, la mort de Tiberius est plus que tragique. Mais il demeure en moi, une part de mon être, de mon esprit, qui refuse à croire à l’évidence. Je reste convaincu en mon fort intérieur que si le Grand Prêtre avait été un androïde, j’aurais fini par le savoir, un jour ou l’autre. Ce n’est pas possible autrement. Une fois dans ma chambre, je me change sur les conseils de mon amie qui je l’espère, va rester à mes côtés. Mais ça, c’est avant que je la vois dans cette tenue, arme à la main. Je crois que cette vision m’horrifie encore plus que celle du cadavre de Tiberius...

"Ce n’est pas un androïde Lucrétia ! C’est impossible !"

De nouveau, les larmes réapparaissent sur mes joues, il m’est bien impossible de les contrôler ou bien de les empêcher de couler. Ma vision brouillée reste néanmoins figée sur l’arme que tient la prêtresse de Vénus. On doit souvent dire de moi dans les couloirs des autres temples, ou bien même de celui-ci que je suis une prêtresse trop naïve, trop obstinée à prendre du bon temps, à vivre dans la joie et la bonne humeur, pour réaliser, prendre part au monde réel, au concret. C’est certainement quelque part un peu vrai. Ma vie toute entière est tournée vers Vénus. Je lui rends hommage à chaque instant de mon existence. Je ne devrais pas avoir à connaître ce genre de drame dans ma vie. Un assassinant n’est en aucune manière, une mort naturelle…

"Lucretia… que fais-tu avec cette arme à la main ?"

Je suis inquiète pour mon amie. Déjà, la peur me fait élaborer plusieurs opinions, scénarios dans ma petite tête toute retournée. Les androïdes sont devenus fous avec le temps et on décidé de se rebeller, de tuer les humains. Si c’est le cas, je suis dans la mouïse plus encore que certaines du Temple. Moi j’ai eut la bonne idée de prendre à mon service, un ancien androïde militaire, capable de tuer de 36000 manières, avec une musculature de colosse. Ou alors, le Temple de Vénus gagne trop en popularité et un autre Grand Prêtre a voulu nous faire taire, nous passer sous silence en tuant notre guide ? Ce serait là une bonne explication. Tiberius n’était pas si apprécier que cela par les autres prêtres et encore moins des notables de la ville. Ou alors c’est un coup du Prélat. Avec sa tête de fouine, on dirait qu’il est sans cesse en train de préparer un mauvais coup celui-là. Mais pour l’histoire de l’androïde ressemblant trait pour trait à Tiberius, là, j’ai du mal à trouver une raison, une bonne explication…

"Tu devrais lâcher cette arme… nous sommes au service de la déesse de l’Amour Lucretia… ce n’est pas pour nous les armes…"

En tant que prêtresses de l’amour, nous devons agir en tant que telles. Oh je n’en suis pas à penser que nous devons nous mettre à aimer les assassins de Tiberius non, mais nous n’avons pas non plus à donner la mort, à porter le combat dans ce lieu saint et sacré, même si une androïde vient de le faire. Et d’ailleurs, elle ne semble même pas consciente de son geste…

"La déesse pourrait prendre cela pour une offense Lucretia… Il faut réunir les prêtres et prêtresses… on n’a pas le droit de garder la mort de Tiberius pour nous."

[Lucretia Albinus]

Une nuit en enfer, voilà ce que nous sommes en train de vivre au Temple. Le Grand Prêtre est mort. Enfin l'androïde qui a réussi à infiltrer notre temple. Après avoir mis la responsable en lieu sûr, chez moi, je suis revenue au Temple pour y retrouver mon amante penchée sur cette machine. Seulement voilà, les événements ont fait que je me suis trouvée dans l'obligation de révéler une part de moi que personne ne connaît : celle d'une guerrière. Et c'est donc armée que je suis revenue. Dans l'immédiat, je dois vérifier que Thalie ne savait rien. Et sa réaction m'apprend qu'elle l'ignorait de toute évidence.

Nous ne pouvons nier l'évidence ma chérie, nous avons été dupées.

Plus émotive que moi, Thalie semble avoir du mal à maîtriser ses réactions. Je dois lui paraître bien distante en cet instant. Mais plus que tout, c'est mon apparence qui la déroute. Je n'ai d'ailleurs pas vraiment réfléchi à comment la justifier avant de revenir au Temple. Je l'écoute me rappeler ce que nous sommes. Comme si je pouvais l'oublier. Je prie Venus oui mais pas au point de mettre volontairement ma vie en danger. Et plus que la mienne, c'est celle de mon amante qui m'inquiète. Comme si elle n'avait pas encore compris. Je secoue doucement la tête.

Cette arme m'appartient, Thalie. J'ai appris à m'en servir et je le ferai au besoin.

Je m'approche doucement d'elle, guettant la moindre de ses réactions. Si Tibérius a réussi à duper tout le monde, il va falloir songer à s'assurer qu'il n'y a pas d'autres androïdes comme lui au sein de nos rangs. Je perçois le trouble de mon amie, autant dans ses gestes que dans son regard. Elle ne comprend pas, ne peut envisager qu'honorant Venus, il nous soit possible de savoir se battre. Je la guide jusque son lit, la faisant s'asseoir avant de passer la chambre au peigne fin. Assurée que nous sommes seules, je me retourne vers elle, rangeant mon arme dans son fourreau.

Nous ne réunirons personne dans l'immédiat. Gardons pour nous que Tiberius n'est plus. Au moins un jour ou deux.

Devant l'air effaré de mon amie, je lui fais signe que je vais lui expliquer.

Son assassin est chez moi, en attente de l'arrivée du Consul Maximus Proteus. Avec un peu de chance, il pourra en tirer quelque chose avant de la réinitialiser. Après, nous verrons bien ce que nous ferons d'elle. Et puis... il y a autre chose...

Mon regard se fait grave, tout comme ma voix. Je viens m'installer à côté de mon amante avant de prendre sa main dans la mienne.

Ceux qui sont à l'origine de cette « mort » en veulent certainement à notre Déesse. Je pense qu'ils ont visé le titre plutôt que l'homme. Quoi de plus efficace pour déstabiliser l'un des Temples que de s'attaquer à sa tête...

Je reste silencieuse un long moment, le temps que Thalie comprenne enfin que la situation est plus grave qu'elle n'y paraît malheureusement.

En taisant sa mort, nous allons gagner un peu de temps. Ne me dis pas que tu ignores ce qui va se passer ensuite. Tu es la nouvelle Grande Prêtresse ma chérie et donc, une cible potentielle. Et il est hors de question que le permette.

Visiblement, dans tout ce chaos, Thalie a oublié les volontés émises par Tiberius voilà quelques temps déjà. Elle est la plus apte à nous guider... à condition qu'elle reste en vie.

[Thalie Helvius]

J’écoute attentivement mon amante, mon amie et je n’en crois pas mes oreilles. Jamais je n’aurais vu en elle une guerrière, capable d’affronter un homme, réagir ainsi face au danger. Cette vision et idée m’inquiète je dois dire. J’ai l’impression de ne plus connaître la prêtresse de Vénus, d’avoir été trahit, mené en bateau depuis tout ce temps. Tiberius n’est pas en reste. Comment avoir confiance après cela ? Si je ne peux plus faire confiance aux membres du Temple dans lequel je vie depuis des années maintenant, vers qui puis-je me tourner désormais ? Surement pas envers les androïdes, qui semblent impliqués au plus haut degré dans ce danger grandissant. Et pourtant, Lucretia dit vrai aussi. Je me sens en danger et je suis heureuse au fond de moi de savoir qu’elle est capable de veiller sur nous deux. Moi-même, seule, j’en suis bien incapable. Je ne saurais même pas tenir correctement son épée. Le silence qui s’installe m’est bénéfique. Il me permet d’analyser tous ces évènements, ce qui est en train de se passer dans le Temple de Vénus…

"Je veux savoir qui est derrière tout ça… Nous honorons Vénus, déesse de l’amour, des arts. Nous ne sommes en rien un danger pour Rome !"

Mes mots laissent entendre la colère qui m’anime intérieurement. Si je dois être en danger au nom de la déesse que je sers, alors je l’accepte. Mais mettre en danger des novices, des prêtresses qui n’ont rien demandé à personne, ça non ! Je n’arrive pas à croire que je sois devenue la nouvelle Grande-Prêtresse de Vénus. Tiberius n’est pas mort, pas dans mon esprit, ni dans mon cœur. J’ai beau avoir vu son corps inerte, mort, je refuse d’y croire. Quelque chose au fond de moi me pousse à refuser l’évidence pourtant flagrante. Mon regard se fait plus dur, tandis que j’essais de reprendre malgré moi le dessus. Je n’en ai pas envie, je songe plutôt à me cacher sous le drap et pleurer, encore et toujours, en espérant qu’au petit matin, tout ceci ne sera qu’un simple cauchemar…

"Lucretia… tu dis vouloir gagner du temps et là-dessus, j’écouterais ton conseil. Tu sembles plus apte à prendre les choses en mains que moi. Mais gagner du temps pour quoi ? Le clergé va finir par s’interroger sur la disparition de Tiberius. J’estime que nous avons 2-3 jours avant que les questions ne deviennent pressantes. En attendant, que fait-on ?"

J’ai bien des idées oui, mais je ne veux pas passer pour la cruche de service, incapable de veiller, protéger les siens. Pourtant, Vénus m’en est témoin, je crois que je serais capable de donner ma vie pour chacun des membres du clergé de ce Temple…

"Je propose de mettre en réserve, dans un lieu fermé, tous les androïdes qui servent au Temple, par mesure de sécurité. Nous ne sommes surs de rien pour le moment. Qu’en penses-tu ?"

Le danger dans ce genre d’affaire, c’est les réactions à chaud, disproportionnées par rapport aux évènements. Il ne faudrait pas ajouter à l’atmosphère lourde du moment, des tensions internes. Nous devons rester unis et soudés en ces moments de doutes. Je reste néanmoins sur l’envie de savoir qui est à l’origine de tout cela…

"Tu penses que le Consul Proteus arrivera à obtenir des informations de l’androïde ? "

[Lucretia Albinus]

Dire que la nuit a été agitée est un euphémisme. Et me voici, en tenue de guerrière, face à mon amante qui a du mal à conserver son calme face à ces tragiques événements. Je m'installe à ses côtés, caressant sa longue chevelure.

Nous le saurons tôt ou tard mais l'urgent est ailleurs.

Tout cela n'a aucun sens. Thalie a raison, nous ne représentons pas une menace directe pour les instances dirigeantes de la ville. Tiberius, bien que totalement incontrôlable, a toujours réussi à éviter les confrontations directes. J'en arrive à me demander si ce n'est pas sa nature qui a été prise pour cible et non l'homme. Ce qui pourrait expliquer l'attaque d'une androïde au plot actif, agissant pour nous protéger à l'origine. Reste que la coupable ne sait pas pourquoi elle a agi ainsi. Un programme caché ? Un mot, une situation qui aurait déclenché l'attaque... Il va falloir creuser.

Deux à trois jours seront suffisants. Nous devons absolument caché que Tiberius était un androïde par contre, même au clergé. Les gens vont poser des questions mais comme il s'enfermait souvent dans son bureau pendant de longues périodes, son absence ne sera pas remarquée dans l'immédiat. Le temps pour nous d'une mise en scène.

Je réfléchis tout en parlant. Il va nous falloir agir de sorte à ne pas provoquer un vent de panique tant à l'intérieur du Temple que dans les rues de la Cité. Le départ du Corps Expéditionnaire ne va pas aider par contre. Si par malheur, les habitants se sentent vulnérables, l'anarchie ne tardera pas à s'installer. Ce qui m'amène à penser qu'il va falloir avertir le Prélat des faits dans la discrétion la plus totale. Thalie s'en chargera. Elle est meilleure diplomate que moi et surtout, c'est notre Grande Prêtresse maintenant.

Pour les androïdes, je partage ton avis. Mettons-les dans la grande salle de réception. Nous allons prétexter une révision générale programmée pour que personne ne s'inquiète. Cela expliquera aussi pourquoi Tiberius reste cloîtré dans ses appartements. Concernant Maximus, j'ignore si il réussira à tirer quelque chose de l'androïde mais je crois que lui seul peut faire une telle chose en gardant le silence. De plus, alerter le Tribunal risque de créer un vent de panique. Il nous faut aussi trouver un moyen de faire venir ici tous les prêtres et les prêtresses qui vivent en ville. Une chance, il y en a peu.

Je me relève tout en souriant à mon amante.

Je retourne chez moi, reste dans ta chambre et n'ouvre à personne. Au lever du jour, fais en sorte que les androïdes soient parqués. Venant de toi, ça passera mieux. Je fais en sorte de revenir vite et avec une tenue de rechange. Quand les choses seront calmées, je t'expliquerai tout. Mais en attendant, mon épée reste le meilleur moyen pour te protéger.

J'embrasse tendrement Thalie avant de quitter rapidement les lieux. De retour chez moi, je m'assure que l'androïde est toujours attachée. Cassia est partie. Parfait. Je suis de retour au Temple en fin de matinée avec des informations nouvelles. Enfin, façon de parler. Je fais juste savoir à Thalie que je suis revenue avant d'aller former quelques novices, histoire de donner le change. Mon amante a besoin de se reprendre, de se reposer, avant d'embrasser ses nouvelles fonctions. Je me charge de la soulager de ses obligations habituelles. Si les novices sont surprises de ma présence, elles ne le font pas voir. Je reste en alerte, mon arme habilement dissimulée sous la tunique que je porte. Au cas où...

[Thalie Helvius]

Lucretia semble plus apte que moi en ces temps douloureux à prendre les choses en mains. Elle réagit rapidement, analyse la situation, envisage la suite des évènements, sans se laisser abattre visiblement. Un instant, un cours instant, j’en viens presque à me demander si elle portait dans son cœur Tiberius. Elle n’était certainement pas aussi proche de lui que moi, mais tout de même. J’ai l’impression en la regardant que sa mort ne la touche même pas. C’est un drôle de sentiment, que je n’aime pas du tout. Il était notre guide, notre protecteur et même s’il n’était pas toujours facile à vivre, sa mort mérite plus de respect, de considération de notre part à toutes, ici au Temple. C’est une atmosphère, des temps étranges qui se profilent à l’horizon. Et plus les choses vont, plus j’ai l’impression de renier mon serment, ma dévotion envers Vénus. Je me sens mal à l’aise, je n’aime pas du tout cela. Les mots de la prêtresse résonnent dans ma tête « le temps pour nous d’une mise en scène »…

"Très bien…"

Il serait temps là, pour moi, de lui confier que je ne suis pas trop d’accord, que je n’aie pas envie d’agir de la sorte. J’ai beaucoup de mal à penser comme elle, à réagir aussi vite. Il me faut plus de temps, du calme, pour analyser la situation, cette tragique découverte, ce terrible malheur qui plonge le Temple dans la tristesse. Et même si en réalité, pour le moment, je suis la seule avec Lucretia à savoir la vérité, je suis certaine qu’elle finira par ce savoir. La vérité se sait toujours, un jour ou l’autre. Que penseront alors les prêtresses du Temple de moi, quand elles apprendront que j’étais au courant dès la première nuit de tout ceci et que je n’ai rien dit ? Pire encore, que j’ai osé cacher la mort du Grand-Prêtre ? Je me dois de me préparer aux jugements des miens à venir, dans un futur proche…

"D’accord Lucretia… je m’occupe des androïdes, de faire venir au Temple les prêtresses qui vivent à l’extérieur et de garder tout le monde en sécurité… compte sur moi."

Je lui rends son baiser, l’accompagnant du regard alors qu’elle quitte mes appartements. Je sais déjà que la journée qui m’attend ne va pas me plaire du tout, loin de là. Mais je dois agir, je n’ai pas vraiment le choix. Pour les androïdes, c’est vital. Je ne tiens pas à découvrir d’autres tueurs se baladant à leur aise dans les couloirs du Temple. Après tout, qui peut savoir combien ont été programmé pour accomplir cette basse besogne. Au levé du jour, j’irais condamner la porte menant aux appartements du Grand Prêtre. Personne ne doit savoir la vérité. Il me faudra annoncer aux prêtresses que le Grand Prêtre a du s’absenter quelques jours. Est-ce que les prêtresses me soupçonneront de cacher quelque chose ? J’espère avoir la force d’accomplir mon devoir comme il se doit…

"Vénus, entends mon appel… j’ai besoin de ton soutien en ses temps de trouble. Veille sur moi, je t’en supplie."