par Roenna le 03 Octobre 2012, 00:23
Mon nouveau foyer était agréable et je m’y plaisais de plus en plus jour après jour. L’intimité que m’offrait ma chambre n’était pas vraiment au goût du jour, je m’y rendais rarement, préférant de loin rester en présence de mes deux Maîtres. J’avais connu de nombreux Maîtres, certains désireux de me voir à leur côté en tout instant et tout heure, certains au contraire préférant ne me voir que lorsqu’ils le souhaitaient et certains ne souhaitant jamais me voir mais pouvoir profiter de ce que je faisais pour eux. Avec ce couple les choses semblaient tellement différentes, ils rendaient les choses tellement simples, « s’il te plait », « merci », des mots rares pour une esclave, des sourires, de la douceur, me laisser le temps de me faire à mon nouvel environnement de vie, je disposais de libertés que je jugeais presque indécentes mais dont je profitais très allègrement. J’avais découvert les lieux en long, en large et en travers, je n’avais rien laissé au hasard, je connaissais tout de la domus dans laquelle vivaient mes Maîtres, et tout notamment Maîtresse Valentina que je devais protéger de tout danger. Je pouvais donc aisément deviner les entrées et sorties possibles pour un éventuel agresseur, j’avais mes connaissances martiales et pour la première fois depuis longtemps j’avais terriblement à coeur de faire ce que l’on me demandait par véritable volonté. J’avais agis par mon plot pendant très longtemps, faute de choix, parfois j’appréciais un ordre et le réalisais avec plus d’envie, renouer avec ma fonction première jouait énormément sur cela, la sympathie de mes Maîtres également. Ne pensez pas que jamais ce ne fut le cas par le passé, j’avais beaucoup apprécié feu mon dernier Maître et les ordres qu’il me donnait, je m’étais exécutée avec beaucoup de bonne volonté et beaucoup d’envie mais que le premier humain qui soit mon Maître après ma « libération » veuille simplement d’une personne pour l’accompagner dans la tombe m’avait beaucoup touché. Je ne pouvais pas nier le fait que je n’avais pas oublié ce que j’avais ressentis à sa mort. Ne rien montrer était essentiel mais ce qu’on ressentait demeurait pourtant bien réel, ma peine avait été réelle, en peu de temps je l’avais apprécié, j’aurai voulu avoir le pouvoir des Dieux de guérir et donner l’immortalité mais je n’avais pu que le voir respirer moins fort et plus douloureusement jour après jour, jusqu’à ce que la mort le prenne finalement.
Je relève la tête vers ma Maîtresse, comme toujours sur mon visage, mon sourire bienveillant et chaleureux, un sourire véritable et pas simplement celui d’une esclave androïde sous l’effet de son plot. Maîtresse Valentina l’ignorait, mais je trouvais de bon goût d’avoir pour elle ce sourire chaleureux car son mari lui manquait, elle cachait ses larmes et sa tristesse mais je ne croyais pas à ce qu’elle montrait, je ne pouvais pas y croire quand je les voyais si amoureux. Toute la journée je l’avais suivie, Maître Caïus avait été clair, quoi qu’elle demande, dise ou ordonne, je la protégeais et si elle ne voulait que je l’accompagne partout alors je le faisais discrètement. Je doutais qu’elle se soit rendue compte de cela, tant mieux sans doute. Sa demande fait un peu grandir mon sourire :
« Oui Maîtresse, avec beaucoup de plaisir. Je suis là pour vous. »
J’étais donc là avec elle, devant cette table pour le diner. Je n’avais pas besoin de manger mais je le faisais pour donner un change, rendre mon attitude plus humaine, ne pas la mettre mal à l’aise car personne n’est à l’aise de manger devant une autre personne qui ne le fait pas. Je mange peu, c’est véritablement pour les apparences, mon Maître ne m’avait pas donné la capacité du goût, juste celle de reconnaître sur ma langue les poisons et produits dangereux, alors rien n’a de goût dans ma bouche. Ni le jus d’un raisin croquant, ni un morceau de viande à l’odeur pourtant parfaitement alléchante. Sans rien dire, gardant ce silence laissé par ma Maîtresse et lui semblait si peu habituel, je constate sans un mot qu’elle ne mange que très peu. Elle picore et c’est beaucoup dire, je m’inquiète pour elle mais comment le faire sans trahir mon plot inactif ? Je pourrai venir la prendre dans mes bras dans la seconde, la serrer et lui dire que tout va bien, que Maître Caïus va revenir. Pourtant je reste sur mon fauteuil sans bouger, attendant finalement que ma Maîtresse ne décide à rejoindre son lit et je l’espérais une nuit de sommeil qui allait, je n’en doutais guère, lui faire énormément de bien.
Quand à moi, je m’installais devant la chambre de ma Maîtresse. Parfaitement active et réveillée, prête à agir, j’étudiais le moindre son, le plus léger courant d’air, rien ne m’échappait, j’étais attentive à tout, rien n’arriverait à Maîtresse Valentina. Mon Maître précédent était mort et je savais la douleur que la disparation de cet « inconnu » provoquait en moi, alors Maîtresse Valentina que j’appréciais véritablement ne mourrait pas. Je m’inquiétais pour elle, elle était d’habitude si heureuse et si radieuse, elle était d’habitude si enjouée et bavarde que je me sentais mal en sa présence de ne pas savoir toujours comment réagir. Elle semblait comme éteinte et mon attention fut captivée par des larmes. Je l’entendais pleurer et mon « coeur » se serra douloureusement, mes poings se serrent, je voudrai tellement faire quelque chose pour elle, entrer, la prendre dans mes bras, passer la nuit à la serrer et lui dire encore, encore et encore que tout va bien. Sans doute est-ce cet instant que la traitresse choisit pour entrer, celui où mon attention se focalisait sur cette partie humaine qui avait été libérée de ce plot qui me maintenait androïde. Quoi qu’il en soit, le cri de ma Maîtresse me glaça le sang.
J’entre dans la chambre, couteau, sang, blessure, j’analyse le temps d’arriver jusqu’au lit et intérieurement je découvre une émotion que j’ignorais jusqu’à cette seconde. La rage, une rage furieuse et violente, une rage sourde, j’attrape les bras de l’androïde par les poignets, un pied dans son dos et je tire ses bras jusqu’à un craquement qui me laisse comprendre que je viens de casser le mécanisme de ses épaules, rendant ses bras pantelants. Mais la rage gronde toujours en moi, je l’attrape par la nuque et la projette contre le mur près de l’entrée, loin du lit, j’attrape l’arme qu’elle avait utilisé, une coupure brutale et profonde dans sa jambe gauche pour l’empêcher de l’utiliser et de s’enfuir, je la relève, serrant son cou et avec une lenteur cruelle, j’enfonce l’arme dans son buste arrêtant la larme à un demi-millimètre de son centre d’énergie. Je me ressaisis à temps « pas de mort » avait dit ma Maîtresse, sauf si je n’avais d’autre choix pour la sauver mais l’androïde était totalement à ma merci. Pourtant je voulais le faire. J’appuyais à peine plus et c’en était fini d’elle. Je brulais de l’achever :
« Bouge rien qu’un cil et il n’y aura pas de Dieu assez puissant pour te remettre en état. »
Je tourne ma tête vers ma Maîtresse :
« Maîtresse, vous allez bien ? Que voulez-vous que je fasse d’elle ? »
Une pensée furtive traverse mon esprit, presque une supplique, qu’elle me demande de l’achever car j’en brulais d’envie.