Les rues de la Cité sont agitées aujourd’hui. Je n’aime pas trop me rendre seule au marché. Si j’apprends jour après jour à ne plus craindre tout et n’importe quoi, gagnant en assurance, j’ai pourtant encore du mal à me sentir à l’aise au milieu de cette foule qui s’agite, crie, ondule dans tous les sens. J’ai l’impression que tout le monde sait que je suis une esclave. En réalité, ce n’est pas qu’une impression, je le sais bien. Il suffit de voir le collier avec son anneau qui enlace mon cou pour deviner ma nature, ma fonction. C’est un sentiment étrange à vrai dire. Je n’ai pas honte d’être une esclave, j’en suis même fière. Je suis au service d’une prêtresse de la déesse de Vénus, une romaine d’une élégance, d’une beauté certaine. Elle me comble de bonheur et la servir est pour moi un privilège. Non ce sentiment provient d’autre chose, d’ailleurs. Je ne saurais l’expliquer véritablement. C’est plus une émotion, quelque chose qui ne peut se définir véritablement. Peut-être que le Concepteur m’a faite de façon à ne pas être si sociable que cela ? J’observe, je contemple, je détaille de mon regard cristallin, couleur du ciel les visages, les gens, leurs habitudes, leurs activités, leurs routines. C’est très instructif. Il me suffit de regarder autour de moi, d’être à l’écoute de mon environnement pour mieux comprendre l’être humain, et, de ce fait, ma propre maîtresse. Enfin, ma maîtresse, je ne la considère pas du tout comme tous ces gens qui m’entourent, ça non. Elle est au-dessus de toute cette foule…
"S’il vous plaît Madame… je cherche la forge ?"
Je me surprends de jour en jour. J’ose désormais interpeller, demander des choses à des inconnus. Je n’avais jamais fait cela auparavant. La citoyenne qui me fait fasse me contemple un cours instant, puis, me sourit. Par réflexe, je lui rends aussitôt son sourire, ce qui semble rompre la glace entre nous. Un bon point. Elle ouvre les lèvres et je commence à paniquer. Je l’imagine déjà me dire qu’elle n’adresse pas la parole aux esclaves, aux androïdes. Ou pire encore, elle pourrait se préparer à m’insulter. Mon corps se raidit et je sursaute presque lorsque j’entends enfin le son de sa voix pourtant douce…
"Bien sur… c’est juste à côté-là, il te suffit de tourner sur ta droite."
Je suis surprise, mais aussi et surtout rassurée. Comme quoi, il faut que j’arrête de tenter de deviner la réaction des gens par anticipation. Ca ne sert strictement à rien. Je la remercie d’un doux sourire chaleureux puis me dirige donc vers la forge. Je ne vais pas dans ce lieu par plaisir, ça non. Ma maîtresse a insisté pour que je m’y rende aujourd’hui. Elle a passé une commande pour moi, une surprise. J’avoue que je suis intriguée par cette fameuse surprise. La forge se dresse devant moi et j’entre timidement à l’intérieur. Mes yeux se promènent à l’intérieur avec curiosité, mon regard d’un bleu pur scintillant dans cette pénombre. Ma tenue d’ailleurs n’est pas la plus discrète. J’ai apprit pourtant à l’aimer cette tenue. C’est celle de mon quotidien, celle choisit par ma maîtresse elle-même. J’imagine qu’elle est un peu courte, mais je ne suis pas conçue pour ressentir de la gêne, de la pudeur…
"Bonjour ?"
Ma voix est timide, légèrement fébrile. J’attends de voir apparaître celui qui gère cet endroit. Je n’aime pas spécialement la compagnie des hommes, surtout depuis que j’ai croisé le chemin de mon dernier propriétaire. J’ai beau savoir que tous les hommes ne sont pas comme lui, je sais qu’ils existent chez eux des pulsions. Pour le coup, je suis encore moins rassurée. Je pourrais courir, je crois que je peux distancer un homme à la course oui. Je suis une androïde après tout. Mais je n’ai jamais essayé et je n’ai pas envie de découvrir ça maintenant…
"Je viens de la part de ma maîtresse, la Prêtresse Lucretia."
Je me frappe le front de ma main soudainement en réalisant ce que je viens de dire…
*Comme ça, il sait bien que je suis esclave… c’est mâlin*