Je serrais les mains de plusieurs sénateurs. La réunion devait de se termines et j’emportais avec moi quelques parchemins très importants dont je devais impérativement apposer mes initiales avec la cire. Un sceau que chaque sénateur possédait suivant pour les documents importants. Et là j’en avais quelques-uns. D’ailleurs, plus la date de l’expédition avançait, plus j’avais l’impression d’avoir une tonne de paperasse administrative à gérer. Je serai absente durant de très longues séances du Sénat. Certes, je n’étais pas la seule à m’absenter et à faire partie de cette opération militaire mais moi je connaissais la vérité sur cette mission suicide, et quand je voyais le nouveau préfet Caius, jeune époux qui allait devoir laisser sa femme, je ne pouvais m’empêcher de penser au gâchis de tout cela. Tout le monde paraissait aveugle et à force de répéter durant les sessions qu’il fallait reculer impérativement l’expédition beaucoup s’étaient insurgés de ma position et de ma place comme Sénatrice. Personne ne voulait reculer, personne ne voulait réfléchir quelques minutes sur le danger et la perte de tous ces hommes et ces femmes. Non, il fallait vénérer Minerve et porter sa gloire au-delà de nos frontières. Imbéciles !
Il ne restait plus qu’une semaine avant le départ. Les soldats étaient à la fois nerveux et excités. Tous s’entrainaient de longues heures dans l’arène du Colisée qui s’était transformé, après la fin des jeux, en antre de la guerre. Moi-même, je m’étais entrainée à leurs côtés. J’avais même sollicité Roenna, l’androïde de mon défunt ami pour parfaire mes reflexes. A l’extérieur, le danger ne serait d’aucun répit. Nous allions à la mort. En étaient-ils tous conscients ? Sur leur visage se dessinait l’envie de parcourir l’inconnue, de rencontrer d’autres terres, de braver l’enfer. Mais s’ils savaient et s’ils m’avaient écoutée au lieu de vouloir à tout prix honorer la déesse. Je laissais tout ce petit monde discuter encore alors que je sortais de la grande salle où se déroulait toujours les réunions. J’emportais sous mon bras les parchemins, foulant le carrelage magnifique des longs couloirs. D’ici deux heures, le soleil se coucherait et une nouvelle journée s’achèverait. Depuis toutes ces semaines, je n’avais cessé de penser à Caeso et mes biens. Que deviendrait-elle ? Comme tous les androïdes sans maitres, elle serait revendue sur le marché et je ne pouvais accepter cela. Je pouvais la confier à Caecilius. C’était la seule solution qui me venait en tête et la plus logique. Pour mes biens, je n’avais pas d’héritiers ni encore moins d’époux. Je n’avais jamais accepté aucune proposition de mariages enragés et ce n’était pas aujourd’hui que je me plierai à cette stupide règle. Je suis une Veturia ! Ma demi-sœur n’accepterait rien de moi. Mes parents avaient déjà leurs parts. Mais pour le reste. A qui pourrai-je donner tout ce que je possédais. Quelle serait cette personne ? Beaucoup trop de questions malheureusement.
Je ne retournerai pas pour le moment chez moi. J’avais dit à Caeso que je rentrerai tard. Les torches allumaient les longs couloirs, tout comme les lampes à huiles, les différentes pièces de cet immense édifice. Aucun sénateur ne possédait de « bureaux » si on pouvait nommer ça ainsi mais il y avait des pièces plus privées pour se reposer ou bien pour prendre le temps de compulser des documents. C’était bien vers l’une d’elles que je me dirigeais à grands pas. Le froissement de ma longue robe blanche rehaussée d’une ceinture aux nœuds dorés reflétait mon impatience. Un autre couloir, puis encore un autre. Je connaissais ce lieu par cœur, véritable labyrinthe pour les non-initiés. Il y avait quelques androïdes pour mettre tout en ordre. Chaque pièce était toujours tenue impeccablement. Je tournais enfin sur ma gauche. Au bout de ce dernier couloir, je pourrai me poser durant quelques heures.
Sauf que …
Je ne m’attendais pas à entrer dans un mur de plein fouet. C’était l’impression que j’avais eu sur le moment, laissant les parchemins que je tenais, choir de mes bras sous la violence de l’impact. Ma priorité fut de chercher des yeux tous les documents qui s’étaient étalés sur le sol avant de redresser mon regard sur …
- Tibérius ??? !!!
C’était à la fois une interrogation et une exclamation de voir le grand prêtre de Vénus entre les murs du Sénat, bien que je savais qu’il venait parfois rendre visite à certains d’entre nous. Je ne l’avais plus revu depuis cette fameuse nuit sur le pont de Vénus. Etrange comportement que j’avais eu, d’ailleurs et fort heureusement qu’il ne s’était jamais douté de ma présence. Je m’agenouillais pour ramasser les papiers, tout en gardant mes yeux rivés aux siens.
- Ne commencez pas à vous imaginer vainqueur. Je ne suis pas entre vos cuisses mais bien là pour récupérer mes parchemins.
Je me redressais une fois tout rassemblé.
- Je ne vous savais pas parmi nous…
Je reprenais un ton plus sérieux, plus poli.
- Comment allez-vous ?