par Sibylla Atilius le 16 Septembre 2012, 10:56
Alors que je restais sagement dans le fauteuil, mes yeux se placèrent sur l'humain qui trotta jusqu'à son bureau pour aller préparer les documents en question. Si mon sourire resta le même sur mon visage, à l'intérieur il m'irradiait complètement. Cette sensation de supériorité était parfaitement indescriptible. Je venais d'ordonner à un vendeur d'esclaves, un marchand d'androïdes. Comble du comble, j'étais moi-même androïde, cela me fit oublier le regard désagréable de Spurius. Il se mit à gribouiller sur quelques parchemins et je me lassais de la vision. Malheureusement, mes yeux ne trouvèrent pas Servius qui s'était éclipsé, dommage, il n'était pas désagréable à regarder, lui.
Quelques minutes passèrent pendant lesquelles le marchand tenta de combler le vide avec un bout de conversation, mais les hommes sont bien incapables de faire deux choses à la fois et ses mots étaient sans intérêt. Je ne fis qu'y répondre machinalement. Finalement, Servius revint, lessivé, frotté, débarrassé de l'huile et surtout vêtu. Bien entendu, comme toute femme qui se respectaient, je préférais la vision de son corps dévêtu, mais pour traverser Rome et Isola Sacra, sa nudité m'aurait apporté plus de désagrééments. Il s'adressa à son ancien maître. Ce furent mes programmes contrôlant mes reflexes qui me retinrent d'éclater de rire. Je jubilais intérieurement, mais ne le montrais pas, je me contentais de poser un regard amusé sur les deux représentants de la gente masculine. Je pressentais que Servius allait me divertir plus que de raison.
Ma nouvelle acquisition, après s'être joué du marchand me tendit les papiers officiels et de l'autre main me sépara du verre de vin. Une fois loin de moi ce vile breuvage, je dépliais les papiers afin de les lire avec minutie. A mon niveau, de par ma position, je ne pouvais laisser échapper le moindre mot de travers, car il était si facile de jouer sur les mots et je ne voulais pas que ce chien d'humain ne puisse récupérer l'androïde sans le moindre motif. Tout en lisant, je donnais la main à Servius, m'aidant ainsi à me redresser. Je terminais la lecture tranquillement, bien consciente que l'on m'attendait.
J'avais accepté un prix onéreux pour l'acquisition de Servius, et même si la marge effective que Spurius gardait encore, je pensais ne pas avoir été volée, l'esclave valait, d'après mes suppositions, bien tout cet or. Alors que l'on s'en tienne là et que l'on y revienne plus. D'un geste silencieux, je roulais les documents et les tendis à Servius. Puis je pris également la plume, pour signer une reconnaissance de dette. On ne se baladait pas dans Rome avec autant d'argent en pièces d'or. J'y apposais également mon sceau.
- Vous n'aurez qu'à passer à mon domus dans le courant de la semaine. Je ne possède aucun androïde qui puisse transporter sans risque autant d'argent et Servius... n'a pas encore toute ma confiance pour se charger de cette mission.
En réalité, je n'avais aucune envie d'envoyer ma nouvelle acquisition de retour chez ce malfrat, ne serait-ce que pour s’acquitter de la tache du versement. Mais l'idée de voir le marchand à ma porte quémander son dû m'attirait fortement. Oh, je ne me faisais guère d'illusion, il enverrait très certainement un androïde, mais peut-être, avare comme il était, il préférerait se déplacer lui-même. Nous verrons bien. Dans tous les cas, je restais d'un contentement sans limite, de voir ce personnage venir jusqu'à ma porte. Ma voix avait été sans équivoque, le ton n'était pas celui d'un ordre, mais il s'y prêtait bien. En clair, je n'autorisais pas de refus, cela sera ainsi et pas autrement. Pourtant, un sourire poli s'accapara de mes lèvres.
- Suis-moi.
Ordre dirigé vers Servius. Je tournais moi-même les talons et me dirigeais vers la sortie, accompagnée non sans moult révérence par le pernicieux vendeur. Un bon commerçant, même s'il faisait mauvaise affaire remerciait toujours le client et Spurius était un très bon commerçant. Nous nous saluâmes dans de la pure politesse, bien qu'il n'y avait aucune chaleur naturelle, tout n'était qu'hypocrisie aussi bien de sa part que de la mienne. Mais nous ne cherchions pas à le faire savoir. Un au revoir et puis c'était tout. Le jour était à son apogée alors que je passais la porte de la boutique de Spurius et quand le soleil frappa ma peau, je laissais tomber les épaules, juste deux secondes, comme si tout le poids du monde m'avait été retiré. Je haïssais cet endroit et l'homme me répugnait. J'attendais d'être hors de vue de la demeure du marchand ainsi que de sa présence pour me retourner vers ma nouvelle acquisition afin d'y prêter un oeil plus attentif.
- Servius... C'est ainsi qu'il t'a nommé, mais est-ce ainsi que tu veux être nommé?
Maintenant qu'il était débarrasser de cette chose collante, je pouvais le patrouiller. Ma main se posa sur son bras, appréciant les muscles saillants. Il était plus grand que moi, avait les épaules larges et pendant une seconde mes seules pensées étaient de me réfugier dans ses bras et oublier la solitude qui me pesait depuis bien des lunes. Je sortais brusquement de ma rêverie et repris ma route, dédaignant retirer ma main sur son bras. Mais la foule se rapprochait et j'avais un rang à tenir. Aussi repris-je une posture plus froide, plus hautaine et j'indiquais la route vers l'île réputée, sur le Tibre.
- Garde un des documents sur toi, il prouvera ton appartenance. Donne-moi l'autre...