par Caecilius le 17 Octobre 2012, 16:09
C'est vrai, je dois le concéder, qu'au tout début mon intérêt pour la jeune femme n'avait surtout été que motivé par un certain égoïsme, celui de comprendre comment elle faisait pousser ces plantes aussi rapidement. Ce n'est qu'ensuite qu'est véritablement venu l'intérêt que je lui portais en ce moment, celui de soulager sa douleur, de l'aider comme je pourrai. Je ne crois pas que je sois doué à ce genre d'exercice, je pense même ne pas être vraiment capable de le faire, mais cette jeune femme avait piqué ma curiosité à vif en jouant de ma plus grande faiblesse, pour cela, elle méritait mon attention et ce que je pourrai faire pour l'aider avec sa douleur. Je ne devais sans doute pas être le mieux placé pour soulager une douleur, j'ai toujours préféré les plantes aux humains parce qu'elles ont toujours eu le bon goût de n'avoir rien à faire de ma cécité. Ce ne sont que des fleurs diraient les mauvaises langues, mais elles m'ont toujours été des amies plus fidèles et loyales que la majorité des humains. Elles n'ont jamais été simplement curieuses de "parler avec l'aveugle", elles ne poussent pas parce que je suis aveugle, elles poussent parce que je leurs donne la possibilité et elles vivent parce que j'en prends soin. Si la demoiselle était une fleur ça serait beaucoup plus facile pour moi, avec les fleurs je savais toujours quel comportement adopter, donner plus d'eau, les mettre au soleil ou à l'ombre, avec les humains c'était plus compliqué. Beaucoup d'expressions se lisaient sur le visage disait-on, malheureusement lire une expression sur un visage était quelque chose d'impossible pour moi. L'entendre et la ressentir en revanche n'avaient rien d'un défi. La détresse de la jeune femme était évidente et touchante, sans être un grand émotif, j'aime me laisser toucher par les belles choses comme les fleurs, les rayons du soleil ou la musique de Laelia mais cela veut aussi dire que je me laisse plus facilement toucher par la détresse et celle de la jeune femme est horriblement touchante.
Même la présence de l'androïde m'est agréable, au moins tolérable, parce qu'elle a voulu lui venir en aide, qu'elle n'est pas restée comme un rond de flanc incapable de quoi que ce soit, elle est venue en aide à cette jeune femme en détresse, elle est venue m'aider moi également. Elle prend soin de Clio et la porte jusqu'à chez moi, refuge loin des bruits heureux et de cette fête qui n'en serait jamais une pour la belle humaine. Je cherche quoi dire, quoi faire mais je suis complètement incapable de savoir comment me comporter, j'essaye de repenser à ma douleur, la mort de mon frère, qu'aurais-je voulu, qu'aurais-je aimé ? C'était arrivé il y a quelques années mais ça semblait faire des années, je ne savais plus quoi penser, les souvenirs semblaient si lointain et pourtant encore tellement douloureux. Je commence par tâcher de la mettre à l'aise autant que je peux, un bon feu bien chaud, une bonne tisane bouillante, une couverture sur ses épaules, tout ce qu'il faut pour la réchauffer, ou du moins essayer. Le froid qu'elle ressent est en-dedans, il est difficile de le réchauffer, seul le temps y parviendra. Le temps et des présences autour d'elle, qu'elle sente qu'elle n'est pas seule, ce soir nous sommes là, l'androïde et moi, tous deux présents parce que nous nous sommes inquiétés d'elle, cette gentille petite humaine qui semble soudainement face à un dilemme cornélien quand je suis demande son nom. La question pourtant me semblait simple, mais elle est sonnée, ce sentiment que j'avais connu, je me souviens ce que c'est, rien n'a de sens, rien n'a d'importance, on ignore tout jusqu'à ce qu'on pourrait vouloir, jusqu'à ce qui pourrait nous aider. Juste la souffrance encore et encore, et ce froid à l'intérieur, ce vent glacé qui souffle encore et encore sans plus s'arrêter. Je me retrouve beaucoup en elle, dans sa façon de se trouver en détresse, dans la façon dont elle vit sa détresse et je me souviens, je me souviens de ce qu'elle ressent, de la souffrance, du froid, des larmes et des yeux qui brulent, de la perdition, je frissonne sur mon fauteuil tandis que finalement elle répond. Clio Manilius Florus, le nom ne me disait rien mais je ne l'oublierai plus, une vendeuse de fleurs gagnait plus encore mon attention mais en cette heure je ne pensais pas aux fleurs, juste à trouver comment agir sans y parvenir hélas. Je note que l'androïde n'a pas répondu à la question, sans doute parce que mon regard semblait porté sur l'humaine, mais ça ne veut rien dire venant de moi, je pourrai regarder le plafond et porter la même attention à quelqu'un qu'un humain parfaitement concentré sur cette personne. De toute façon pour moi tout était vide, noir parait-il, c'était la couleur que voyaient les gens en fermant les yeux, alors ce vide je l'appelais noir, mais qui pouvait être sûr que ça soit bien vraiment ce que les gens appellent noir et pas une autre couleur ?
- C'est un très joli nom.
Je n'avais hélas pas mieux en réserve. Je secoue doucement ma tête, quel idiot ... Un très joli nom, ça fait très phrases d'accroche pour séducteur raté en mal de conversation. Je soupire ... Et alors ? Pas capable de mieux ? Ca m'apprendra à vouloir jouer au super-héros ! Je me lève, prenant une tasse de tisane, je me fis à mon ouïe pour la donner à l'androïde. Prenant une seconde tasse, je la glisse avec beaucoup de douceur entre les mains de la demoiselle avant de m'asseoir à côté d'elle, l'enserrant entre mes bras avec délicatesse comme si elle avait été en sucre et je lui murmure :
- Bois un peu de tisane, ça va te faire du bien.
Elle apaisait le cerveau et l'aidait à s'endormir pour ne pas subir de réveils nocturnes et de troubles du sommeil, ça allait sans doute un peu la faire oublier sa douleur, au moins légèrement. Puis toujours avec beaucoup de douceur, repensant à ma propre peine d'il y a quelques années, je reprends toujours d'une voix chaude et murmurée :
- J'ai perdu mon frère il y a quelques années. Il défendait la ville, c'était sa fierté, se battre pour Rome. Un jour pendant une attaque, un monstre l'a tué. Après ça j'ai été inconsolable, et tout ce qu'on me conseillait était pire que tout, rire, parler avec inconnus, me promener. Le pire était de rester seul, d'avoir le sentiment d'être seul. Et tu dois avoir l'impression d'être abandonnée et seule mais ce n'est pas vrai. Nous sommes là elle et moi, avec toi, à tes côtés et on sera là aussi longtemps que tu le voudras.
Dans un geste tendre je dépose un baiser dans ses cheveux et maintenant ... Maintenant je commençais sérieusement à sécher, moi et mes idées débiles ! Jouer le héros, ce n'est pas donné à tout le monde, apparemment je ne suis pas trempé comme un héros devrait l'être, c'est malheureux pour la petite Clio.