par Caecilius le 13 Septembre 2012, 13:22
Tout le monde dansait et riait, tout le monde faisait la fête, bien sûr que c'était ainsi, les jeux touchaient à leur fin, les résultats faisaient des heureux et les jeux en eux-même avaient distraits la foule désormais rassasiée de spectacle. Je ne parvenais pourtant à comprendre pourquoi tous ces gens si heureux ne cherchaient pas à mettre un peu de gaieté dans le coeur en larme de cette jeune demoiselle que je peux suivre en un sens à la trace. Suivre les gens n'a jamais été vraiment facile pour moi, je me fiais souvent à mon nez, à une odeur mais dans cette foule qui allait c'était difficile, il n'y avait pour repère que les fleurs qui la suivaient fidèlement en un chemin bien plus magnifique que le spectacle de ses larmes. Pourquoi dans l'ensemble de tous ces voyants débordants de joie est-ce un aveugle qui doit s'arrêter pour tenter de calmer la peine d'une jeune femme assise par terre ? Parfois je comprenais encore moins les voyants que le jour d'avant, je ne les avais jamais enviés, je n'avais jamais usé de ma cécité comme un moyen de tirer un quelconque avantage, peut-être aurai-je dû, j'en aurai peut-être eu plus de proches et d'amis. Dans cette rue pourtant, c'est surtout l'incompréhension qui domine chez moi, personne ne la voyait donc pleurer, assise par terre et recroquevillée sur elle-même ? Je fais l'effort comme je peux de me mettre face à elle, d'entamer tant bien que mal la conversation, ce n'est pas si évident, je ne suis même pas sûr d'être pile face à elle ou de regarder effectivement bien dans sa direction, je suis un peu à la peine mais faute de mieux j'essaye, je tente le coup, qui sait à quoi cela va conduire ? Ses mots sont terriblement directs, je dois dire qu'à l'entendre pleurer je ne m'étais pas attendue à ce qu'elle soit heureuse mais ça ... ça ne me laissait pas indifférent, au contraire :
- Non, hélas. Je ne ramène pas les morts à la vie mais je sa...
Bousculé par des passants visiblement plus heureux et fêtant l'évènement plus joyeusement que d'autre. Ma canne s'échappe de mes mains, je l'entends tomber au sol, puis le bruit de pieds qui l'entrainent au loin, au diable la canne, je m'inquiétais plus de la demoiselle. Tendant une main peu assurée là où elle était quelques instants auparavant, il n'y a plus personne, difficile pour moi de savoir et comprendre ce qui est arrivé, j'espère juste que ça n'est rien de grave. Cependant dans sa tristesse actuelle, le mot "grave" peut prendre des apparences bien différentes. Ces badauds qui dansent, chantent et se sont enivrés, ce ne sont définitivement pas la compagnie qu'elle peut vouloir, danser n'est certainement pas quelque chose qui lui fait envie. Perdre un proche est une aventure douloureuse, très douloureuse, aujourd'hui cette jeune femme l'expérimente comme moi-même je l'avais fais il n'y a pas si longtemps avec mon frère. Pourquoi avait-il fallu que ça soit moi qui m'arrête pour essayer de lui venir en aide ? Un voyant pourrait sans problème aucun se relever et se lancer à l'aventure entre les danseurs pour la tirer d'affaire, moi je me retrouve désorienté, peinant à me remettre sur mes jambes, cherchant l'appui du mur pour m'y aider et avoir un repère pour me diriger. Pour me diriger où exactement hein ? Au milieu de cette foule en cherchant une inconnue qui pleure un proche ? Quelles étaient mes chances de la trouver. Je regrettais en cet instant de n'avoir de yeux, je regrettais de ne l'avoir touchée pour pouvoir voir au travers de ses yeux, mais même-là si elle ne regardait pas dans ma direction, ça serait vain. Je me sentais soudainement tellement inutile alors que j'aurai voulu pouvoir lui venir en aide.
C'est exactement pour ce genre de moments que je n'aime pas la foule et les marées de personne. C'est trop vivant, trop fluide, trop rapide, je ne peux pas suivre ce qui se passe, je me retrouve comme un idiot et privé de ma canne, il parait complexe de se lancer au hasard de la rue, je reste près du mur, y trouvant un abri relatif. Relatif car ces gens bien trop enthousiastes à mon goût reviennent vers moi, l'un d'eux au moins, tentant de m'emmener danser, je retire vivement mon bras, surpris de ne trouver aucune résistance je butte contre le mur et me retrouve assis par terre, soupirant. Ca partait d'une bonne intention mais je pouvais être tellement inutile en ce genre d'instants que ça me déprimait moi-même. Je n'avais jamais vu ma cécité comme une tare malgré les limites qu'elle m'imposait, mais en cet instant je me sentais vraiment désolé pour la jeune femme. Et pourtant parmi la foule heureuse, une voix se détache, une voix qui s'adresse à moi. Je ne comprends pas bien et puis un sanglot me fait comprendre, me relevant en cherchant une main c'est à ma grande surprise que je touche ce qui semble bien plus être une cuisse. Reculant ma main je la pose un peu plus haut sur le corps de cette personne, parvenant plus ou moins malhabilement à trouver son bras et donc son épaule. Je suis cette femme d'un pas un peu hésitant incapable de voir des obstacles éventuels mais par chance il n'y en a aucun. La demoiselle en larmes s'effondre à nouveau au sol, j'ai vraiment de la peine pour elle. D'un petit geste de tête je tâche de remercier cette femme qui venait de sauver la situation avec un brio indéniable. Je m'accroupis à nouveau face à la demoiselle effondrée et larmoyante, une main timide pour venir essuyer quelques larmes :
- Je suis désolé pour vous. Je sais ce que ça fait de perdre quelqu'un de cher et je sais aussi qu'il n'y a rien que quelqu'un puisse faire à part ne pas vous laissez seule. Si vous voulez parler, je suis là, n'hésitez pas, ça a l'air stupide mais ça fait du bien de parler, même d'autre chose, de tout, de n'importe quoi. C'est important de ne pas se sentir seule.
Je me tourne en direction du dernier endroit où j'étais sûr que la femme venue à notre secours de trouvait :
- Nous devrions aller chez moi, ça sera plus confortable que le sol ici et même si elles n'ont rien de magiques, je fais de bonnes tisanes, une bonne boisson chaude l'aidera surement un peu.
*Toujours plus que de se retrouver ainsi effondrée dans une ruelle à larmoyer.*