(E3) Prise de fonction

[Caius Aquilius]

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Isola Sacra est le quartier de la ville où la noblesse se plait à habiter. La richesse de ma famille me permet d'y avoir acheter une demeure que mon épouse a ensuite fait décorer à son goût. Située sur une colline non loin du Tibre, c'est un lieu de paix aux murs de marbre blanc agrémenter d'arbres aux senteurs parfumés et de statues et de fresques dénotant le goût certain des adeptes de Venus pour la chose artistique. Valentina ne fait pas exception à la règle, faisant de moi un époux fier de sa maison.

Les rues pavées se font plus larges et mieux entretenues au fur et à mesure que nous approchons. Outre ma demeure, il y a là les lieux d'habitations de nombre de personnes influentes dont la première n'est autre que le prélat Mettius, personnage cruel dont le pouvoir absolu est aux yeux de plus en plus de monde illégitime. Cela explique sans doute les nombreuses patrouilles armées que nous croisons. Aucune pourtant ne nous contrôle, chacun reconnaissant le personnage public que je suis.

En chemin, toujours tenant Eneus par la bride, je continue à converser avec Roenna tranquilement. Je réponds à ses questions sans hésitation:

Dans notre demeure.... Maitre Caius toujours. Je ne veux pas que ce soit désagréable pour toi, mais je me dois de respecter les usages au vu de ma position.

Maitre.... Cela peut paraître pompeux comme titre et pourtant c'est ce que je suis. Son maitre pour le pire et le meilleur. Je sais que certains partisans d'une émancipation des androïdes leur permettent de les appeler simplement par le prénom qu'on leur donne mais je ne peux m'autoriser cette familiarité.

Mon épouse se nomme Valentina Aquilius Lux mais tu la nommeras en public simplement dame Valentina... Pour le privé tu verras avec elle directement. Nous vivons dans la domus Aquilius, du nom de ma famille tout simplement.

Les choses sont dites à présent. Nous ne sommes plus très loin du lieu où Roenna commencera une nouvelle vie à mon service. Déjà je peux sentir les odeurs de cuisine annonçant le repas du soir me chatouiller les narines. J'ai hâte de me reposer chez moi.... Dans ma domus....

Il y a d'autres androïdes dans le domaine pour les taches ménagères. La plupart servent ma famille depuis fort longtemps. J'espère que tu les trouveras aimables... Ce soir toutefois, afin que tu puisses te familiariser avec nous, tu mangeras à notre table.

Les androïdes n'ont pas besoin de manger, ce n'est pas pour cela qu'ils n'apprécient pas le goût d'un bon met ou du vin. Ils ont été fabriqués pour ressembler aux humains après tout et je suppose que ceux qui sont programmés pour être garde du corps ont une fonction de gouteur pour identifier tout poison que quelque ennemi rusé viserait à glisser dans la nourriture.

L'entrée de ma demeure est ornée de bas relief représentant des chevaux galopant dans l'écume de l'océan, symbole de la dévotion familiale au dieu Neptune. Je passe la porte de l'écurie alors où plusieurs montures se trouvent, menant Eneus à un box vide où je l'installe, avant de m'emparer d'une brosse:

Eneus et moi sommes de vieux camarades... Aussi je m'occupe moi même des soins et de la nourriture. Et puis je suis de ceux qui pensent que les taches manuelles font parti de l'éducation de tout bon Romain.... Mais de nos jours, la plupart préfère laisser cela à leurs esclaves.

Je commence à brosser ma monture alors que l'odeur de paille se fait intense à nos narines. J'aime cette atmosphère paisible, loin de l'agitation politique qui agite la ville à la suite des élections, entre les adeptes de Minerve fiers d'aller se faire massacrer et les membres du temple de Jupiter tout à leurs manipulations perfides. Depuis quelques temps, je me demande si la perte de leurs pouvoirs curatifs n'est pas du simplement au fait qu'ils ont laisser leur ambition remplacer leur dévotion.

Je donnerais des instructions pour que l'on te donne des cours d'équitation. Tu les prendras avec mon épouse et vous aurez par la suite vos propres montures.

Enfin j'ai terminé. J'alimente l'auge d'Eneus et me dirige vers la sortie menant en direction de mon domicile, toujours suivi de Roenna.

Je vais à présent te montrer tes quartiers.... Tu vas pouvoir te familiariser avec eux pendant que je fais un brin de toilette. Lorsque tu entendras la cloche tu viendras nous rejoindre dans la salle à manger.

Je la précède alors que nous entrons tous deux dans l'entrée toujours aussi joliment décoré. Je la laisse poser ses questions si elle le désire sans lui interdire... Ma voix se fait aimable, presque taquine alors que je lui annonce:

Bienvenu chez toi Roenna.

[Roenna]

Il parait que pour une vie qui s'arrête, une nouvelle commence. Ma vie avait arrêté plusieurs fois, je considérais avoir eu plusieurs vies, une pour chaque Maître que j'avais servis car chacun voulait avoir autre chose, quelque chose de différent. Pour certains la protection, pour d'autres une femme à tout faire, pour d'autres encore une esclave pour le sexe, chacun sa préférence, une multitude de Maîtres, une infinité de possibilités. Alors au Marché c'était un peu le tirage au sort, avoir de la chance ou ne pas en avoir, mais plus je marchais aux côtés de cet homme, la plante toujours entre mes mains, plus je me rendais compte que j'étais chanceuse. Je l'avais été plus d'une fois, pas tant de Maîtres furent violent et pas tant que ça ne voulaient que mon corps, mais lui était encore très différent parce qu'il s'inquiétait de savoir ce que je voulais et surtout de le rendre vivant pour moi. Je n'étais pas trop habituée à ce genre de traitements bienheureux mais ça me conviendrait sans doute plus aisément que les coups et la peur. J'ignorais si ce n'était qu'une apparence qu'il me laissait voir pour tromper ma confiance et m'abuser mais si c'était le cas alors il était un acteur absolument prodigieux. Et si sa cruauté approchait alors du dixième de ses talents d'acteur, j'allais passer vraiment un très mauvais moment entre ses mains. Seulement voilà, j'avais de plus en plus envie de le croire honnête et sincère. Je parviens même à poser des questions sur ce qui allait venir, je réfléchissais surtout à ce qu'il avait dit et les questions viennent absolument tout seul. S'il parlait d'un nom à lui donner en public, peut-être attendait-il autre chose dans le cadre strict et privé de sa demeure non ? Cela tombait sous le sens dans ma tête, il n'aurait pas été le premier à me le demander, pour les apparences évidemment et parce que copine avec une androïde n'était pas franchement bien vu. C'était même mal vu d'ailleurs, inutile de le dire à moitié ! Je hoche la tête aux explications qu'il me donne et réponds docilement :

« Oui bien sûr, Maître mais ne vous inquiétez pas, ça n'a rien de désagréable. »

Après tout ne faisais-je pas là que rappeler son titre et par conséquent me rappeler à moi le rôle que je jouais. Avec mon plot inactif, ça semblait mieux de s'imposer des sécurités de ce genre, pour éviter de faire des erreurs grossières et d'oublier ma place. Moins que tout au monde je tenais à finir par me voir remise à zéro pour une erreur. Je ne savais pas encore savourer ma liberté pour l'heure, cela ne voulait pas dire que je ne finirai pas par le faire dans un avenir plus ou moins proche ! Alors mieux valait savoir profiter sur de bonnes bases que de prendre de suite de mauvaises habitudes, constuire dessus, me trahir et finir sur le marché avec plus aucun souvenir et pour nouvelle programmation d'être une super-experte du sexe. Sage et docile j'écoute ce qu'il me dit sur sa femme, celle pour qui je jouerai le rôle de protectrice, un rôle qui me séduisait à l'avance, autant un autre quelque chose qu'il avait dit me venait à l'esprit. Sénatrice de Venus, un culte que je connaissais et je savais ce qu'il pouvait impliquer :

« Vous m'avez dit qu'elle est Sénatrice de Venus, dois-je en conclure qu'il se pourrait que je doive entretenir avec elle des rapports intimes en certains temps ? Si tel doit être le cas, je pense bon que vous sachiez que je n'ai jamais eu de rapport avec une femme et je ne voudrai la décevoir par mon manque d'expérience. »

Confession honnête que je préfère faire, après tout c'était bien là la vérité, j'avais eu des rapports avec des hommes, pas non plus en nombre extraordinaire, mais je n'en avais pourtant jamais eu avec une femme. Cela m'inquiétait quelque peu, pas par pudeur mais plutôt par peur de décevoir, un réflexe d'androïde qui devait survivre à mon plot j'imagine. Peut-être le fait de sa gentillesse qui me poussait à avoir envie de lui prouver qu'il n'avait pas eu tort de faire mon acquisition et se montrer aussi chaleureux envers moi quand il pourrait bien se permettre absolument tout ce qu'il aurait envie. Je me vois même invitée à leur table pour l'heure du repas, un fait parfaitement surprenant, ça en revanche je ne l'avais jamais fais ni même jamais envisagé. Etre invitée à la table des Maîtres était un honneur et une preuve d'une confiance certaine, je m'en voyais honorée et je tâcherai d'être à la hauteur de la confiance qui m'était prouvée par ce geste pouvant paraitre si anodin.

« C'est un honneur de pouvoir partager votre table. »

Nous arrivons devant une demeure somptueuse dans laquelle je le suis. C'est un endroit somptueux, son emplacement est idéal pour élever des chevaux, il est baigné de soleil, le domaine s'étend à perte de vue et il témoigne d'une richesse évidente, c'était un lieu vraiment hors du commun. On pouvait voir la richesse mais elle n'était pas présentée d'une façon ostentatoire, on ne se croirait pas en pleine exposition de biens et de décorations, c'est sobre et pourtant d'une classe incomparable, je reste surprise et ébahis par la magnificence de cet endroit qui m'est exposé devant moi. Je l'écoute, j'aimerai dire que je ne suis on ne peut plus d'accord avec lui mais ça ne serait pas franchement le caractère d'une esclave au plot actif de porter apparemment un jugement sur le comportement des romains. La suite me surprend d'avantage, des cours d'équitation avec sa femme ? Et bien j'avais droit à tous les honneurs décidément :

« Merci Maître, j'apprends vite vous verrez. »

J'apprenais vite quand j'avais envie et que je le voulais véritablement, ça avait toujours été le cas jusqu'à aujourd'hui et puis pour monter à cheval, j'étais certaine que j'aurai hâte d'apprendre. Silencieuse, j'admire l'endroit alors que nous entrons dans ma nouvelle demeure.

« C'est magnifique. »

J'étais sincère, c'était vraiment magnifique, il me guide vers mes quartiers et l'espace d'un instant j'ai le sentiment qu'il s'agit d'une blague. Il me semble si grands à côté de ceux dont j'avais l'habitude que c'est surprenant. Il m'y abandonne et j'en profite pour trouver un endroit où poser la plante, du soleil toute la journée à cet endroit-là, ça serait parfait pour elle. Je patiente, me demandant ce qu'allait être ma vie désormais, un peu anxieuse et les cloches sonnent. Je parviens à trouver la salle où aura lieu le repas, mes Maîtres y sont déjà, j'ignore quelle attitude adopter, je m'incline brièvement face à mon Maître puis m'approche de ma Maîtresse. Dans un réflexe d'un Maître passé qui me demandait cette attitude, je m'agenouille devant elle :

« Bonjour Maîtresse Valentina. Je me nomme Roenna et suis à vos ordres. »

[Caius Aquilius]

La question que me pose Roenna me fait sourire... Ma femme est un adepte de Venus et il serait faux de nier le fait que bien des androïdes servent de palliatifs sexuels à nombre de Romains. J'ai quand à moi un peu de mal encore avec cet usage.... Sans doute est-ce là une réminiscence de mon coté vieux jeu. Il est néanmoins une condition qui devra précéder ce genre de choses en ma demeure:

Je suppose que mon épouse pourra te demander de.... Partager de tels moments avec elle. Sache que je refuse de forcer quiconque à avoir ce genre de rapports contre sa volonté. Tu es une Androïde et sans doute ton plot t'oblige a obéir, aussi te donnerais-je cet ordre: si cela te répugne, tu as le droit de refuser.... Dans le cas où tu accepterais par plaisir, et bien....

Je m'interromps un instant, un discret sourire se dessinant sur mes lèvres à certaines pensées qui viennent à envahir mon esprit.

Valentina est bonne professeur et saura t'apprendre.... Après tout, elle a bien réussi avec moi et je te prie de croire que mon expérience en la matière était bien limitée.

Un rire s'échappe de ma gorge alors que nous arrivons chez nous. Une forte odeur m'y accueille, un parfum étrange qui me fait penser à des fleurs sauvages tandis que Roenna s'éloigne vers ce qui sera son appartement. Etrange mais après tout, Valentina s'est peut être mise à vouloir agrémenter l'élégant jardin de la demeure. Sans plus tarder, je me dirige vers ma propre chambre m'apprêter pour le repas du soir que les Androides chargés des taches ménagères s'affairent à préparer. Déjà les odeurs de viandes grillées, d'olives et de légumes de saison frits emplissent mes narines, me rappelant que j'ai besoin de manger.

Je défais les attaches de mon armure, me débarrassant des divers atours de ma fonction alors que la porte s'ouvre. Mon épouse est radieuse et je la salue avec un plaisir non dissimulé alors que les dernières couches de ma vêture tombent au sol.

Ave mon épouse. Comment vous portez-vous ?

A voir son visage, elle semble contente de me voir. Précédant sans doute les idées qui lui viennent en tête à me voir ainsi, je dépose un baiser rapide sur ses lèvres avant de continuer:

Nous avons une invitée ce soir.... Un cadeau à votre attention.

Je m'éloigne me rhabillant alors d'une toge avant de me passer visage et mains à l'eau. Je ne doute pas que mon épouse ai préféré que nous fassions autre chose mais nous nous rattraperons ce soir.

Une Androide.... Jolie mais surtout experte en protection rapprochée. Depuis votre nomination au sénat, je préfère vous savoir protéger. Mais vous allez pouvoir en juger vous même...

Vêtu, je la prend par le bras pour l'emmener en direction de la salle principale où la table a été installée, des lits disposés autour pour que nous y prenions place. Roenna n'est pas encore arrivée ce qui n'a rien d'étonnant vu qu'elle ne connait pas encore les lieux...

Au fait ma chère... Vos fleurs sont particulièrement odorantes.

Le parfum que j'ai senti est toujours présent dans mon esprit alors que nous prenons place.... Valentina n'a guère le temps de répondre car Roenna fait à présent son entrée dans la pièce, se montrant d'une politesse tout ce qu'il y a de satisfaisant..

Elle se montre même emplie de dévotion s'agenouillant devant mon épouse avant que d'un signe de main, je lui indique de se redresser, fronçant légèrement les sourcils.

Je t'en prie Roenna prend place.

Je lui indique un des lits autour de la table du repas alors que des serviteurs s'affairent à nous servir les plats et le vin pour nous restaurer.... Avant de continuer:

Et sache qu'en ces lieux, si la révérence est d'usage, personne ne te fera s'agenouiller devant lui... Je trouve cela dégradant.

Je me tais alors tournant la tête vers mon épouse. Nul doute que cette dernière aura nombre de questions à poser à l'Androïde et je la laisse faire, commençant à déguster mon repas.

[Valentina Aquilius]

La femme du préfet avait passé sa journée dehors. C'était la première fois depuis sa nomination. Elle avait passé ces derniers jours à compulser bon nombre de documents mais à présent, le Sénat requérait sa présence. Elle s'y était rendue en tant que sénatrice pour la première fois et su d'emblée que le combat allait être rude pour se faire accepter. Si les sénateurs de Vénus prenaient plutôt bien sa nomination surprise ainsi que quelques autres chez Minerve et Pluton, bon nombre de ses confrères voyaient simplement en elle, la femme du préfet qui par un simple caprice avait réussit à se faire nommer au Sénat. Les commentaires allaient bon train et la rumeur à la fois la plus répandue mais aussi la plus éloignée de la vérité était qu'elle était la maîtresse attitrée du grand prêtre de Vénus, Tibérius. Comme si une femme ne pouvait réussir sans passer par l'étape « lit ». Cette idée l'avait fait éclater de rire. Non pas que cela n'aurait pas été possible. Le grand prêtre était bien fait de sa personne et en d'autres temps, elle aurait certainement appréciée de finir dans sa couche mais ce n'était plus le cas depuis son mariage. Même si elle continuait d'honorer Vénus, elle ne le faisait désormais plus qu'avec son époux. Il y avait des chances qu'un jour elle le fasse avec d'autres personnes mais des femmes. Il y avait peu de chances qu'elle aille voir un homme et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'elle ne voulait avoir aucun doute sur la paternité de ses enfants si la déesse souhaitait un jour les bénir, elle et son époux. Ensuite, parce qu'elle se doutait que ce dernier, s'il pouvait tolérer qu'elle aille dans les bras de demoiselles pour respecter son engagement à Vénus, n'apprécierait pas de se voir remplacer par un autre. Enfin, elle-même ne se voyait étrangement plus avec un autre homme que son mari. Elle était bien avec lui même s'il avait moins d'expérience qu'elle, elle se plaisait à jouer les professeurs d'autant plus qu'il était un élève à la fois très doué et très endurant. Que pouvait-elle vouloir de plus ?

La journée, bien qu'agitée, était plutôt une bonne première expérience. Valentina en était satisfaite et rentra de bonne humeur à son domus. Elle rentra et alla directement à sa chambre ayant alors l'agréable surprise d'y découvrir son époux en train de se dévêtir. Voilà qui concluais magnifiquement cette journée. Il était rarement là aussi tôt et la jeune femme comptait bien en profiter. Elle profita de son baiser bien que trop rapide à son goût.

« Ave mon époux. Je suis ravie de vous voir si tôt en notre demeure mais j'en suis ravie ! »

Malheureusement, Caïus coupa court aux idées qu'elle avait déjà en tête de passer leur soirée dans leur lit. Elle fit la moue en entendant qu'une invitée se trouvait en leurs murs. Elle ôta son voile et à son tour, se lava les mains.

« Pourquoi une androïde ? N'en avons-nous pas assez ? Et puis un soldat en faction aurait bien suffit. Je sais bien que le Sénat est un nœud de vipères mais de là à vouloir ma mort, je pense que cela est un peu exagéré. »

Valentina n'était pas stupide. Elle savait que si elle était cataloguée comme ennemie de Méttius, ce qui était plus ou moins le cas maintenant, sa vie pouvait être en danger. Mais elle considérait que son mari avait d'autres chats à fouetter que de s'occuper d'elle. Elle ne souhaitait pas l'inquiéter. Bientôt il devrait partir loin et loin d'elle. Il ne devait pas s'inquiéter alors pour elle et se concentrer sur sa mission. Elle soupira en s'essuyant les mains.

« Mais si c'est là votre désir, je m'y plierais. »

Si l'idée d'un androïde pour la protéger lui apaisait l'esprit, elle ne pouvait pas vraiment refuser bien que l'idée d'avoir quelqu'un à la suivre à chaque pas qu'elle faisait ne l'enthousiasmait guère. Saisie par le bras, elle accompagna son époux vers la salle à manger familiale. Elle s'étonna cependant de sa remarque.

« Mais il ne me semble pas avoir fait mettre de nouvelles fleurs dans notre demeure mon époux! »

Elle haussa les épaules et entra avec Caïus dans la salle à manger et comme à son habitude, donne ses ordres aux androïdes. Valentina était une femme aux multiples talents, femme avisée, sénatrice en devenir, adepte de Vénus et des plaisirs de la chair mais aussi une très bonne maîtresse de maison. Soudain, la nouvelle androïde fit son apparition. La Romaine la reconnut sans peine car c'était la seule qu'elle ne connaissait pas encore. Caïus avait raison, elle était fort jolie. Et même si elle n'appréciait que moyennement l'idée d'avoir une suivante, elle sourit à l'androïde, nul responsable de cet état de fait. Cette dernière salua son époux avant de s'agenouiller devant elle. Valentina hésita un instant sur la conduite à tenir, un peu décontenancée par cette attitude. C'est à ce moment qu'elle sentit une étrange odeur de fleurs envahir la pièce. C'était bizarre, vraiment étrange. Pas désagréable mais inattendue. Elle était pourtant certaine de n'avoir fait poser aucun bouquet particulier. Cette androïde produirait-elle une substance quelconque ? Mais peu importait, l'odeur était très agréable et douce. Valentina afficha un regard plus souriant et invita l'androïde à se relever d'un geste de la main.

« Mon époux a raison. Nul besoin de t'agenouiller ainsi devant moi. La révérence à l'extérieur de notre maison et à l'intérieur un simple salue de la tête me satisfait. Je suis du même avis que mon mari, s'agenouiller est humiliant et un peu extrême. Je n'aime pas trop cette pratique même si je sais que bon nombre de maîtres et maîtresses la pratiquent. »

Valentina alla s'installer sur le lit qui était habituellement le sien et attendit que l'androïde fasse de même. Son époux l'ayant déjà fait.

« Ainsi tu te nommes Roenna. C'est un joli prénom. Mon époux m'a dit que tu devais assurer ma sécurité. Que sais-tu donc faire dis-moi ? Et quelles ont été tes autres affectations ? Qui ont été tes derniers maîtres ? Mon époux te l'as surement déjà demandé mais j'aime bien aussi savoir à qui j'ai affaire. »

Son sourire se voulait rassurant. Elle était loin d'être une tortionnaire vis-à-vis des androïdes même si elle était peut-être un peu moins ouverte que son mari sur la question. Tant qu'ils faisaient correctement leur travail, elle n'avait aucun souci particulier avec eux. Et puis, elle n'oubliait pas que c'était grâce à un androïde qu'elle avait pu évoluer et devenir la femme qu'elle était !

[Roenna]

Je m’estimais extrêmement chanceuse pour être vraiment sincère. J’avais connu bien des Maîtres et des Maîtresses, rarement ma relation avec eux avait commencé comme celle avec ce Maître. Il semblait différent, dans son attitude envers moi il ne semblait pas s’amuser avec moi, me tester et me mettre à l’épreuve, il semblait honnête. Je ne savais pas encore à quoi m’attendre de sa compagne, après tout je n’étais pas dupe, lui avait un comportement particulier, son épouse pouvait bien être toute à l’opposée envers les androïdes. En tous les cas, j’étais vraiment heureuse de renouer avec ma fonction primaire, la protection d’une personne, cela m’avait manquée, ça faisait vraiment trop longtemps qu’on ne me l’avait pas demandé, je me réjouissais déjà de pouvoir reprendre ce rôle pour lequel j’avais été créée en un premier temps. Je regrettais de n’avoir pu le faire plus souvent mais je suppose que c’était ainsi que les choses devaient aller, après tout je ne suis qu’une simple et bête esclave, quel droit aurai-je de dire ce que je veux ? Sur le chemin, je n’ai pas beaucoup de questions, trop de questions trahiraient déjà le secret de mon plot déficient, pas assez pourrait laissez apparaître que je me fichais bien de ce que cet homme voulait. Je demandais surtout ce qui me semblait le plus logique et le plus intelligent, un peu inquiète d’être aux ordres d’une Prêtresse de Venus. Maintenant que je repensais à toutes mes expériences, toute ma vie, sauf si une partie de ma mémoire avait été effacée bien sûr, je n’avais jamais connu de plaisirs entre les mains d’une femme. En revanche ce que je ressentais en cet instant je l’avais déjà connu, la peur de ne pas être à la hauteur, l’inquiétude de décevoir, mais ça semblait différent. Depuis ma « libération » puisque certains androïdes le vivent ainsi mais que je n’ai pas encore décidé si l’inactivité de mon plot est ou non une bonne chose, je ressens les émotions d’une façon exacerbée. Après tout si sa femme était aussi gentille avec moi que lui l’était alors il y avait fort à parier que je m’y attacherai, on le fait toujours même si on ne devrait pas. Alors la décevoir serait encore plus dérangeant.

La demeure est tout bonnement magnifique, et je suis un peu rassurée à l’idée que lui aussi avait eu à apprendre. Il était pourtant bel homme, solidement bâti, un soldat dans le physique, pas franchement le genre d’homme dont on s’attend à ce qu’il doive apprendre ce genre de choses chez une femme. En tous les cas, ça me rassurait, pourrai-je être pire que lui ? Avec un peu de chance oui, enfin nous verrions bien de quoi il retournerait en temps et heure même si je pouvais déjà affirmer très clairement n’avoir aucune envie que cela survienne trop rapidement. En tous les cas, seule dans ce qui sont mes appartements, et je reste vraiment surprise de tout ce confort qui m’est alloué, je réfléchis un peu à la situation. Pas longtemps car l’heure du diner ne tarde guère à survenir, juste le temps de me dire que je commençais une nouvelle vie, que ces Maîtres semblaient différents de ceux que j’avais connu, plus ouverts et humains envers moi. L’idée que ça ne soit qu’une façade restait présente, une façon de me forcer à me trahir sur mon plot peut-être. Un peu anxieuse à l’idée de découvrir celle que j’allais désormais appeler Maîtresse, je parcoure un peu la maison, en quête de cette salle où le dîner aura lieu. Je me perds quelque peu, demande mon chemin à un autre androïde et finalement j’arrive à me retrouver au bon endroit. Je salue Maître Caïus et sans une hésitation sur ma façon de procéder, m’agenouille respectueusement et en signe de soumission devant la femme que je me dois désormais de protéger et de servir.

Un signe de main de Maître Caïus et je me relève d’un mouvement souple, approchant du lit qui vient de m’être désigné. Je m’y installe non sans une légère hésitation, manger avec un Maître n’était pas une première mais y être conviée de la sorte le premier soir l’était. Pourtant je prends place, me préparant aux question qui n’allaient sans nulle doute guère tarder à pleuvoir. Je n’avais rien à cacher. Sauf un plot inactif, mais bon c’est trois fois rien dans cette société pas vrai ? Je hoche la tête aux mots de Maître Caïus sur le fait de m’agenouiller pour laisser clairement voir que j’ai bien entendu que je n’avais à le faire, d’ailleurs Maîtresse Valentina vient rapidement confirmer cette idée.

« Bien, Maîtresse. »

J’écoute ses questions, mes narines taquinées par une odeur de fleur terriblement agréable, visiblement Maîtresse Valentina avait du talent pour les bouquets. Sans me laisser démettre, je prends le temps de répondre :

« Ma programmation est celle d’une garde du corps, défense d’une personne au corps à corps et à l’arme blanche. Mon premier Maître m’a donnée ce physique car ses assaillants ne pensaient pas que je puisse le protéger, ils attaquaient en pensant réussir et cela les faisaient se montrer. Puir par la suite j’ai eu fonction d’esclaves sexuels pour des Maîtres, j’ai été plusieurs fois suivante pour des Maîtresses. Plus récemment j’ai été esclave d’un soldat qui s’entrainait su… avec moi. Mon dernier Maître était Beliaso, gravement malade il voulait une présence pour l’accompagner dans la mort. Puis Maître Caïus m’a achetée. »

Et me voilà ici à discuter avec vous autour de cette table où l’odeur de fleurs se fait plus forte. A ma surprise je vois une femme s’avancer entre mes deux Maîtres, une femme d’une grande beauté mais c’est surtout cette odeur de fleur qui est envoutante. Je l’observe, ni Caïus, ni Valentina ne lui accordent d’attention, suis-je en train de rêver ? Elle me pose une question, juste une :

« Pourquoi as-tu posé cette question ? »

Je l’observe, mes Maîtres ne semblent pas la voir, ni l’entendre, qu’est-ce qui se passe ? Et pourquoi est-ce que je sais précisément de quelle question elle veut parler ? J’hésite à répondre et je réponds finalement :

« Maîtresse Valentina est une prêtresse de Venus, entretenir une relation intime est pour elle une façon de prier sa Déesse. Il est normal que je m’inquiète de mon inexpérience, je ne veux la décevoir elle, et je ne veux pas décevoir une Déesse. »

Comme elle était venue, elle disparaît laissant derrière elle cette odeur si délicieuse. Je ferme les yeux et secoue un peu la tête pour chasser toutes mes pensées, regardant mes Maîtres qui semblent … perplexes.

« Maître, qui était cette femme ? »

[Caius Aquilius]

L'odeur ne cesse pas.... Pourtant Valentina m'assure que rien n'a changé dans notre demeure. Ce mystère mineur trouvera bien sa solution un jour tandis que d'autres préoccupations nous occupent. Je perçois chez mon épouse une certaine réticence à ce que je la fasse protéger mais j'ai beau être novice en politique, je sais fort bien les dangers de sa fonction. Mettius est pour le moment trop faible pour s'en prendre seul au culte de Vénus mais peut être serait-il tenter de faire assassiner ses serviteurs....

Et moi loin de Rome, il est hors de question de laisser Valentina sans protection adéquate. Certes les officiers de la cavalerie restant à Rome me sont dévoués, j'y ai veillé mais cela ne la protègeras pas d'un coup de poignard d'un sicaire infiltré.

Allongé sur ma couche, j'écoute Roenna refaire son historique et parler de ses compétences. Rien d'étonnant et je me saisis d'un verre de vin alors que je laisse Valentina juger de la justesse de mon achat. De toute façon je ne ramènerais pas l'androïde au marché, ce lieu de désolation. Elle mérite bien mieux que de se faire acheter par quelque patricien vicieux la battant.

C'est alors que survint l'incident.... Un événement étrange au moment où l'odeur de fleurs se fait plus présente. Roenna d'un coup se met, sans que nous lui ayons parler de cela, à discourir sur sa peur de décevoir mon épouse au lit.... Aurait-elle un dysfonctionnement ? La technologie qui l'anime est chose fragile et oubliée.

Que... Pourquoi parles-tu de cela ?

Je fronce les sourcils, me redressant à moitié, la fixant, avant qu'elle ne me parle d'une femme qui à mes yeux n'est pas présente. Délire ? J'aurai pu penser cela si l'odeur ne s'était pas évanouie aussi.... Il y a là un mystère que j'aimerai résoudre. Je suis fait ainsi, ne pouvant resister à résoudre des puzzles.... Une énigme dans ma Domus ? Si cela ne concernait pas la sécurité de mon épouse, je m'en amuserai.

C'est d'une voix douce que je reprends, à l'attention de l'Androide, pour ne pas l'effaroucher et qu'elle me dise ce qu'elle voit réellement:

Une femme ? Nous ne la voyons pas....

Je me tourne vers Valentina alors, réfléchissant aux diverses hypothèses qui se présente à moi... Et je n'en vois que deux qui soient réellement plausibles, les deux pouvant s'avérer potentiellement inquiétantes. Je vis dans le quartier le mieux protégé de Rome et une garde d'honneur surveille ma villa.

Dis-moi Roenna... As-tu le pouvoir de voir l'invisible ?

Nous Romains avons divers pouvoirs à notre disposition... Ainsi je possède un sens tactique hors du commun, un don pour la stratégie fort utile pour mon office. Parfois ces pouvoirs ne fonctionnent pas sur les androides, ce qui justifie leur usage comme garde du corps.

Ma chère.... Il semblerait que nous ayons eu une invité qui a cru bon ne pas se dévoiler à nous. L'odeur de rose prouve que cela n'est pas du à l'imagination de Roenna....

Je souris à mon épouse, me voulant rassurant.... Car si ce n'est pas un Romain le responsable de cette visite, c'est là une manifestation d'un autre genre.... Nos légendes sont pleines de manifestations diverses des dieux, mais pourquoi une de ces divinités serait apparu à une Androide ?

Nous allons savoir déjà si cette mystérieuse femme est une connaissance....

Mon attention se reporte sur Roenna.... Je souris toujours malgré l'incongruité de la situation. Ne pas montrer mon inquiétude à ma femme est une priorité.

Roenna... Pourrais tu décrire précédemment la demoiselle en question ? Cela nous aiderait à comprendre ce qui vient de se passer....

Ainsi nous saurons à quoi ressemble cette inconnue qui nous visite sans se montrer.... Qui sait, peut être est-ce là une connaissance....

Ou si tu sais dessiner....

Sait-on jamais.... Les androïdes ont de multiples talents et une longue expèrience. Le dessin fait peut être parti du bagage de Roenna...

[Valentina Aquilius]

Le contraste était étonnant entre la beauté et la douceur de l'androïde et ses capacités au combat. Caïus avait fait là un excellent choix. Même si Valentina n'aimait guère l'idée d'être suivie tout le temps, elle savait cette protection, hélas, nécessaire. Néanmoins, le fait que Roenna est un physique attrayant et loin de du gorille que la jolie Romaine s'imaginait pour le garde du corps, était un plus. Alors qu'elle écoutait consciencieusement l'androïde, Valentina ressentit d'autant plus fort l'odeur des fleurs. C'était vraiment étrange. Elle était pourtant certaine de n'avoir donné aucune consigne concernant des fleurs à rajouter. En plus cette odeur était particulière. Elle rappelait des fleurs mais aucune de clairement identifiable. Comme s'il s'agissait de toutes les fleurs et aucune en particulier. C'est alors que l'androïde prononce une phrase étrange, incongrue à ce moment précis avant de parler d'une femme dans la pièce.

Valentina se redresse totalement, s'asseyant sur sa couche et tournant la tête de tout côté, réflexe conditionné à essayer de voir quelque chose qui lui échappe mais aucune femme de visible et cette odeur de fleurs qui soudain a disparu. Son regard azur se porta sur Roenna, emplit de questions. Elle ne savait trop comment prendre une telle remarque. D'abord, peu importait que l'androïde s'y connaisse ou non côté sexe, elle ne la forcerait jamais si cette dernière ne voulait pas partager sa couche. Ensuite, l'inexpérience n'était pas quelque chose de mauvais. Après tout, son propre mari n'était pas un expert en la matière quand ils s'étaient mariés. Il s'était bien rattrapé aujourd'hui et elle en était ravie.

Valentina laissa son époux poser les questions qu'il souhaitait. Curieusement, la Romaine n'éprouvait aucune inquiétude particulière alors qu'elle aurait du face à une étrangère invisible dans sa demeure. Mais il n'en était rien, étrangement. Elle afficha même un sourire rassurant à l'intention de Roenna. Un sourire totalement ressenti.

« Je ne te demanderai jamais de partager les plaisirs de la chair avec moi si tu n'en as pas envie. Prier la déesse Vénus c'est partager pas imposer. Le plaisir égoïste n'a pas lieu d'être dans son culte. Et si tu souhaitais passer du temps avec moi dans ce contexte, peu importe que tu t'y connaisses ou pas. Cela s'apprend. Y'a pas de honte à cela et ce n'est pas moi qui m'en offusquerai ! Je préfère être avec quelqu'un qui assume de dire qu'il n'y connait rien que de dire qu'il connait tout alors que c'est faux. »

Étrangement la jeune femme blonde sentait que le dessin ne montrerait aucun humain ou androïde de connu et ce dans la mesure où Roenna pouvait dessiner. Valentina sentait que l'être qui leur avait rendu visite n'était ni un humain, ni un androïde mais un dieu ou plutôt une déesse. Cette vérité s'imposait à elle sans qu'elle sache ni pourquoi, ni comment mais elle en était convaincue. Elle tourna la tête vers son époux.

« Je ne pense pas que ce dessin nous aide mais je ne pense pas que cette visite soit une menace... bien au contraire... même si j'ignore totalement pourquoi ou comment je le sais... je le sais. »

[Roenna]

Je me retrouvais désormais en train de prendre fonction dans ma nouvelle demeure. Un Maître et une Maîtresse, voilà une situation à laquelle je n'étais que très peu habituée. Par habitude j'avais un Maître ou une Maîtresse, rarement un couple, ça avait été le cas pendant trois jours mais la jalousie de l'un comme de l'autre ont finis par me voir revendu très peu de temps après mon arrivée. Maître Caïus avait de suite mis au clair ma fonction, je serai beaucoup plus proche de son épouse, Maîtresse Valentina sur qui je devrai veiller aussi attentivement que possible. Je revenais à ma fonction de garde du corps et je ne m'en sentais que plus heureuse, jouer les servantes, les suivantes, les maitresses de maison étaient des rôles que je préférais bien évidemment à celui d’esclave sexuelle, toutefois ce n’était pas vraiment mon rôle le plus important. J’avais été conçue pour être une garde du corps, pour protéger l’humain qui devenait mon propriétaire et ne pas l’avoir été pendant d’année était douloureux. J’aimerai revenir à cela, et j’étais heureuse que ça soit le cas, en plus de cela, Dame Valentina était d’une femme d’une grande beauté et la douceur qui émanait d’elle semblait supplier qu’on la protège. C’était ma programmation de toute façon mais j’avais également véritablement envie de la protéger. Elle et son époux se montraient jusque là des Maîtres prévenants avec moi, ils se montraient d’une humanité que j’avais rarement connue par le passé, cela me motivait d’avantage encore à offrir la protection espérée à la prêtresse qui avait semblé si gênée alors que j’avais pris parti de m’agenouiller devant elle. Si humain avec moi, l’un comme l’autre, cela me touchait, ça me motivait d’avantage encore à les servir.

C’est à ce moment-là que survint l’apparition de cette femme. Juste entre mes deux Maîtres, elle s’avançait d’un pas léger, je la dévorais du regard, captivée par ses lèvres lorsqu’elle me posa cette question. Je savais de quoi elle parlait, intimidée par cette présence si impressionnante et charismatique je réponds sans hésitation aucune, sans me rendre compte que mes Maîrtes ne voient pas cette femme, sans me rendre compte du côté étrange de mon geste. Ils pourraient croire que mon programme avait un problème, que la technologie qui me composait était défaillante, me faire réinitialiser. Je ne remarque cela qu’après, je ne montre rien de mon inquiétude, d’autant que je n’ai pas véritablement le luxe de m’inquiéter. Maître Caïus semble inquiet de ce qui venait d’arriver, il était une évidence que s’il m’avait acquise pour protéger son épouse, il craignait pour sa sécurité, je comprenais donc son tracas de savoir qu’une personne pouvant passer inaperçue et invisible aux yeux des humains puissent l’inquiéter. Ca m’inquiétait moi également :

« Non, Maître, je n’ai pas le pouvoir de voir l’invisible. »

Preuve que cette femme était bien réelle ? Je ne pouvais aucunement en être totalement sûre, mais si je ne voyais pas l’invisible et que je ne me trompais pas sur ce que je venais de voir, alors quelqu’un avait bien été là devant mes yeux, mais qui ? Maître Caïus m’en demande une description, je ferme les yeux, rassemble mes souvenirs et je la décris du mieux que je peux :

« C’était une très belle femme, assez grande, elle avait un physique extrêmement désirable, des cheveux blonds et un regard bleu-vert des plus troublants. Surtout elle avait ce charisme, c’est comme s’il n’y avait plus eu que elle dans la pièce. Sans vouloir vous vexer, Maîtres. »

J’écoute les mots de Dame Valentina et acquiesce d’un petit signe de tête, avant de lui sourire timidement :

« Si vous voulez prendre le temps de m’apprendre ces jeux, je les apprendrai, vous êtes une très belle femme. »

Je le pensais sincèrement, il m’était souvent arrivé de mentir à d’anciens Maîtres en leur disant cela, parce qu’ils étaient humains et que c’était plus convenable pour mon programme de mentir que dire la vérité. Je regarde la feuille et le crayon, un air désolé s’affiche sur mon visage :

« Je crains de ne pas avoir la fibre artistique, je ne sais pas dessiner malheureusement. »

Je regarde mes Maîtres l’un après l’autre dans les yeux et puis soudainement comme un flash dans ma tête, je regarde Maîtresse Valentina :

« Dans le couloir près de ma chambre, il y a cette petite peinture d’une femme. C’était elle que j’ai vu, la femme qui m’est apparue est la même que sur cette peinture, le même visage et la même douceur dans ses traits. Est-elle une amie ? »

[Caius Aquilius]

Surprise.... C'est là mon expression en entendant les deux femmes parler de la vision de Roenna. Cette dernière n'a guère de raisons de nous mentir en nous contant telle histoire aussi ai-je tendance à la croire lorsqu'elle m'affirme que l'apparition n'est autre que...

Vénus.

Son nom jaillit de ma bouche en songeant à la tapisserie. Que les dieux apparaissent n'est pas chose si rare que cela mais que la déesse choisisse une androïde pour se montrer, voilà qui est étonnant. Par nature les dieux ne s'occupent que des humains.... Le simple fait que Roenna est une telle vision pourrait pour certains dévots conservateurs paraître hérétique....

La déesse t'est apparue, Roenna.... Cela veut dire....

Cela veut dire que les androïdes sont plus que de simples objets. Les dieux se montrent réceptifs à eux comme à nous... Ce simple fait changerait singulièrement la donne quand au statut de ces derniers. Hélas, le peuple n'est pas encore prêt à une telle révélation.

Elle a voulu te dire quelque chose.... Il va falloir que tu gardes le secret là dessus..... Certains pourraient vouloir te réinitialiser, voir pire.

Je me redresse alors avant de regarder Valentina. Elle est bien plus au courant que moi de la religion de la déesse de l'amour et de ces rites. Elle saura sans doute comprendre mieux que moi la signification de tout cela et je la laisse seule juge d'en parler ou non à son culte....

A présent, écoutez moi toutes les deux..... Rome va connaître des bouleversements.... Le fait que je parte en expédition n'est pas un secret....

Je ne peux refuser. La chose passerait pour de la trahison et mon honneur passe avant toute.... Pourtant je ne peux me résoudre à laisser mon épouse sans protection d'autant que sa nomination comme sénatrice expose cette dernière aux complots les plus déloyaux.

En mon absence, j'ai peur que certains qui nous jalousent ne passent à l'action..... J'ai donc pris un certain nombre de précautions. Mon frère vous accueillera dans la domus familiale en cas de problèmes. Elle est fort bien gardé par des vétérans fidèles à ma famille....

Les choses sont calculées. Mon nom est encore influent dans les forces armées de la cité et nombre d'hommes me suivraient jusqu'en enfer.

Si jamais la situation se passait mal.....

Je n'ose songer à cela. Je préfère me dire paranoïaque plutôt que de penser à quelque complot contre nous. Je n'en reste pas moins un stratège aguerri.... Prévoir fait partie de mon travail, si tant est on puisse appellé la charge qui est mienne un travail.

J'ai des hommes fidèles qui vous abriteront.

Je préfère prévenir que guérir.... Un sourire pour mon épouse et me voilà de bout, m'approchant de l'androide qui se trouve face à moi.

Protège mon épouse et tu n'auras pas affaire à un ingrat.

Je suis sincère.... Elle est certes androïde mais les choses changeront d'un jour. Mettius reste un politique plus occupé par ses intrigues que prêt à s’occuper du problème androïde....

Et un jour, il se pourrait que certains deviennent autre chose que des esclaves.

A présent.... Il est temps pour nous de nous reposer.

Je souris à mon épouse avant de me réadresser à Roenna.

Et une nouvelle fois.... Soit la bienvenue ici.

Toujours souriant à présent je me détourne laissant soin aux deux femmes de conclure la conversation.

[Valentina Aquilius]

L'époux de Valentina l'éblouissait toujours par sa façon de penser et son sens tactique. Il pensait toujours à des choses qu'elle n'aurait jamais imaginé. La jeune femme n'en était pas jalouse. Ils fonctionnaient simplement différemment lui et elle. Mais ainsi c'était Vénus qui avait tenu à se montrer à leur nouvelle propriété. Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Était-ce un bon ou un mauvais présage ? La Romaine sentait qu'elle ne craignait de la part de sa déesse tant qu'elle l'honorait comme il convenait bien sûr. Mais pourquoi dans ce cas apparaître dans ces lieux ? Voulait-elle protéger leur demeure ? Leur famille ? Autant de question qui restait et resterait sans réponse pour le moment. Roenna semblait aussi surprise que ses maîtres concernant cette apparition divine. Mais Caïus avait raison, elle ne devait rien en dire à qui que ce soit. La pauvre risquait de finir au tribunal puis dans les mains du consul pour être réinitialisée.

« Oui, personne ne doit être au courant de la venue de la déesse en ces lieux et surtout pas que tu es pu la voir. Tu risquerais gros comme mon mari l'a dit. »

Caïus se leva alors, parlant des précautions qu'il avait prise en cas de besoin ce qui fit frissonner la jeune femme. Cela ne faisait que confirmer les troubles qui agitaient la cité et l'avenir sombre qui se dessinait pour tous. L'épouse du préfet espérait sincèrement ne pas avoir besoin de recourir à aucune des cachettes mise en place par celui-ci. Bien sur elle essayait de se convaincre que ce n'était là encore que l'esprit tactique de Caïus qui s'exprimait et non une réelle menace qui pesait sur leur famille, sur elle. Elle sourit alors à son époux, voulant le rassurer. Puis son regard se reporta sur la nouvelle venue qui avait eu cette chance incroyable de voir la déesse qu'elle servait depuis plusieurs années maintenant. Elle n'était pas jalouse mais curieuse de connaître le pourquoi du comment.

« Oui, tu es la bienvenue en ces lieux. Mais que t'as donc dit la déesse , que voulait-elle de toi ? De nous ? Dis-moi ce que tu en penses Roenna. »

Valentina connaissait le culte de la déesse mais elle ne pouvait interpréter les signes seule. L'androïde devrait l'aider pour ça.