[HRP : Ce sujet se situe la veille de l'achat de Roenna par Caïus]
Mon Maître était mort, et moi je devais désormais tenir la maison en bon état. Ordre de la ville de Rome, en l’absence d’héritier, c’était la ville qui décidait donc du devenir de la demeure et des biens, je faisais logiquement parti de ces biens qui seraient vendus. Je devais faire en sorte que la maison soit toujours propre et présentable, le jardin parfaitement entretenu, l’intérieur irréprochable, bref faire en sorte que la maison soit rapidement vendue et tous les bénéfices bien entendu pour la ville. Quand à mes journées, je les passais au marché aux esclaves où je devais patiemment me laisser inspecter sous toutes les coutures par des humains qui se demandaient si j’étais bien ce qu’ils cherchaient ou pas. A l’heure d’aujourd’hui ça n’avait pas encore été le cas, aucun humain ne semblait particulièrement intéressé par une androïde aux traits de jeune femme innocente mais avec des compétences martiales digne des plus grands Gladiateurs qui faisaient les beaux jours des jeux du cirque. Alors je continuais mon existence entre la demeure où mon Maître était mort, sa demeure où j’avais vécu plusieurs mois pour l’accompagner vers son trépas, et le marché aux esclaves. Comme j’étais réputée n’avoir aucun état d’âme, cela ne dérangeait absolument personne mais la vérité était autre. Mon plot rendu inactif par mon antépénultième maître me laissait ressentir le vide de la maison et surtout le côté lugubre de l’endroit.
Cette maison n’avait jamais particulièrement abritée de vie depuis que j’y étais, mon Maître avait été malade, la seule agitation qui troublait le silence de ses sommes était celle de ses spasmes ou des éternuement de sang qu’il avait. Parfois un peu de visite en de rares occasions, peu de personne en réalité, presque toujours la même femme, Camila, une jeune femme dont la sympathie m’était agréable. J’ignorais la nature de son lien avec feu mon Maître, mais elle avait toujours été respectueuse envers lui, et elle l’avait été envers moi. La seule à s’être intéressée depuis longtemps à mes talents martiaux, elle-même savait se battre et appréciait parfois de s’entrainer avec moi en de rares mais toujours agréables occasions. Je ne disais pas non, au fond cela me faisait plaisir de m’entrainer, de pouvoir utiliser un peu ces talents, ma programmation première. Je n’avais jamais pris le parti de me battre véritablement au meilleur de mes moyens contre elle, malgré son expérience du combat si je le faisais j’aurais sans doute surpasser la jeune femme avec une aisance qui lui aurait déplu. Je ne savais pas exactement ce qu’une « amitié » mais à en croire la définition de mon dictionnaire, elle était pour moi ce qui s’en rapprochait le plus.
Aujourd’hui elle avait eu le goût de me faire parvenir un message pour me dire qu’elle passerait, elle avait été là aux funérailles de mon Maître et je pensais que ça aurait été la dernière fois que je la vis. Pourtant elle me prévenait de sa venue en soirée pour un entrainement, je réalisais soudainement que jamais je ne m’étais interrogée sur les raisons de sa volonté à s’entrainer. Etait-ce sa façon d’extérioriser le poids de sa vie et du stress qu’elle lui engendrait ? De quoi vivait-elle ? Tant de questions que je n’avais jamais posé, je suis une androïde, on ne me demande pas d’être curieuse et pourtant je brulais de savoir, de demander, de connaître, mais je commençais seulement à découvrir ce que j’aimais et ce que je détestais, je ne pouvais me dévoiler. Si j’avais toujours été dans l’incompréhension face à ces androïdes refusant contre toute logique de voir leur plot remis en fonctionnement, je comprenais soudainement. Ce que j’expérimentais était nouveau, me faisait un peu peur mais ça demeurait extrêmement agréable. Alors je demeurais discrète, je continuais d’être la gentille petite androïde bien docile et obéissante que j’avais toujours été, combien de temps encore je l’ignorais, ça dépendrait sans doute de mon futur Maître. Une idée me vient soudainement, non c’est absurde, je ne peux lui demander quelque chose comme ça sans me trahir, mais si j’osais demander à Dame Veturia de m’acheter ? D’elle j’apprécierai d’être l’esclave à n’en pas douter. Mais comment lui demander sans trahir mon secret ? Je ne le peux hélas, je soupire, seule dans la grande demeure et prépare ce petit coin de sable où nous avons habitude de nous entrainer.
Je débarrasse ce qui s’y trouve pour laisser le grand carré de sable vide de tout objet pouvant déranger à un combat, je cherche le présentoir d’armes de mon Maître. J’ignorais sa vie mais à voir toutes ces armes diverses et variées, il avait dû être un combattant et un combattant adroit, il était presque triste de se dire que pareil homme avait été vaincu par quelque chose d’aussi stupide que la maladie. Tout est donc fin prêt, j’allume les torches alors que la nuit commence doucement à tomber et j’attends la venue de Camila. Venue qui ne tarde pas puisque quelqu’un vient toquer à la porte et que je ne puisse imaginer qu’il s’agisse d’une autre personne. Vêtue d’une simple toge blanche et de sandales, j’ouvre la porte et lui souris, être accueillante n’était pas un mal. Je m’incline respectueusement comme à mon habitude et d’un geste de bras l’invite à entrer, après tout elle était ici comme chez elle puisque mon Maître l’y avait toujours invité ainsi :
« Bonsoir Dame Veturia, votre présence m’honore. J’ai préparé notre lieu d’entrainement comme à l’accoutumé. Désirez-vous avant que nous commencions boire ou manger quelque chose ? »