Je baille de tout mon être et mon bâillement se répercute sur les murs des lavoirs non loin de là. Aujourd'hui, il fait beau et chaud. Ou chaud et beau, c'est au choix. C'est un de mes jours de repos et étrangement, au lieu d'aller prier la Déesse vénérée en son temple, j'ai décidé d'aller m'étaler de tout mon long sur les berges du fleuve. Avec ce qui risque de se passer, j'ai bien le droit au repos tranquille du guerrier. Pas le repos éternel, pas encore, mais je veux profiter de cette belle journée. Au lieu de partir de chez moi vêtu de l'Egide de Minerve, j'ai pris mon apparence féline et ai sauté le muret. L'animal que je suis s'est alors mis à courir au grand galop pour ne s'arrêter qu'ici même au plus près du Tibre. Et puis je me suis étalé par terre et j'ai laissé mon pelage rôtir au soleil.
Et c'est dans ce lieu paisible que je passe ma journée. Il y a des esclaves qui se dirigent vers les lavoirs, mais je ne leur prête pas la moindre attention. Il y a des enfants qui clapotent dans l'eau peu profonde, et ils me dérangent plus par leur rire qu'autre chose. Je les regarde avec envie. Oh, je ne veux pas d'enfant, loin de là, mais je reste un animal chasseur et le chasseur commence à avoir faim. C'est instinctif. Je finis par me lever et m'écarter du bruit en sautant sur l'un des lavoirs. Là-haut, je serais tranquille, personne ne viendra m'embêter et puis, j'ai vu sur tout le coin. En plus, il y a un olivier qui pousse juste à côté et je me réfugie dans l'ombre, car le soleil de midi devient brulant. J'avoue que j'aimerais rester toute ma vie ainsi. Être un jaguar est distrayant et attirant. Je pourrais probablement broyer la main d'un androïde, en tout cas, je pourrais facilement le renverser et lui courir après.
Mais mes pensées quittent les androïdes pour les paroles de Mettius. Il y a beaucoup de travail à accomplir pour protéger cette ville. Et je pense que mon plan incongru pourrait fonctionner, il fallait tout simplement trouver le moment idéal. Les Dieux ne parlent qu'aux plus chanceux, qu'aux plus forts. Jupiter et ses cachoteries, Vénus et ses moqueries, Pluton et ses secrets et Minerve... Minerve et sa colère. Non, il me fallait réfléchir. Je ne devrais rien hâter. Il faut réfléchir calmement et posément. C'est ainsi qu'on gagne une guerre, quand on considère toutes les possibilités et quand on en néglige aucune. Je baille à nouveau, le soleil de plomb endort le chat sauvage que je suis. Il me faut bouger. Je me redresse donc et descend de mon aire pour sauter directement dans l'eau.
J'ai beau être un chat, j'aime l'eau. Le jaguar aime l'eau, j'aime jouer avec le courant, j'ai clapoter dans les vaguelettes, j'aime le bruit de l'eau qui s'écrase contre le ponton, j'aime sa fraicheur, sa clarté. Et c'est quand je scrute les berges que je vois un petit animal boire l'eau de la rivière. L'instinct animal prend le dessus et mon ventre me crie famine. Je me lèche les babines. Je sais que je pourrais manger les animaux, mais je l'ai rarement fait, car, j'ai ma fierté d'homme, pourtant, celui-là m'a l'air bien plus qu'appétissant. Lentement, je nage jusqu'au bord et une fois sorti, je fais un bond rapide. Mais la bestiole est rapide, elle aussi, probablement, suivant son instinct et la course poursuite démarre!