par Calypso le 22 Mars 2014, 13:06
J'attends, posée, une enfant sage assise sur son banc. Je suis un peu anxieuse. Ce n'est pas dans mes habitudes d'ainsi me masquer la vue et de ne point voir à qui je parle. Pourtant, j'ai pris ma décision et ne reviendrais nullement dessus. Je l'ai déjà promis mais même sans promesse, je pense que je ne serais pas revenue en arrière de toute façon. Bien sûr, c'était prendre un sacré risque mais il me fallait souvent en prendre. Si certains considéraient que les détenteurs des cultes devaient se tenir derrière des portes d'airain et attendre bien gentiment qu'on vienne leur rendre hommage comme à leurs dieux dont ils étaient les représentants, ce n'était pas mon cas. Ce n'était pas en se tenant emmurée que je parviendrais à distiller l'amour et la foi en mon seigneur divin. La plèbe était la majorité de la population. S'ils souhaitaient une personne à respecter, ils ne voulaient pas non plus quelqu'un hors d'atteinte. C'était un équilibre difficile à maintenir et j'avoue que, malgré mon grand âge, je n'étais pas encore parfaite en la matière. Je me tenais bien plus proche du peuple que je ne le devrais peut-être mais j'étais ainsi. Pourtant, j'apprenais un peu plus chaque jour malgré tout les habitudes ont la vie dure comme on dit et le moment que je vivais en était un excellent exemple.
J'entendais l'animal bouger. Oui l'animal. Malgré mes yeux bandés, j'étais tout à fait capable de distinguer si quatre pattes félines se déplaçaient sur le sable des jardins ou si c'était des pas humains. Le fait d'être moi-même métamorphe me donnait peut-être cet avantage que d'autres n'avaient pas. Au fil des siècles, j'avais compris que mes sens s'étaient développés plus que la moyenne. Attention, je ne parle pas d'avoir l'ouïe parfaite et d'être capable de distinguer le couinement d'une souris derrière les murs. Mais je me savais plus sensible à certains sons. C'était peut-être simplement parce que je faisais aussi plus attention mais ce n'était pas la question. Là, quelque chose venait de changer. Ce n'était plus un jaguar mais bien un homme qui se tenait dans mon champ de vision désormais voilé. Je le sens approché et contre attente, le voilà qui prend délicatement ma main et la baise. De par son action, je sais qu'il s'est agenouillé preuve de son respect envers moi ou plutôt envers ce que je représente et mon statut. Je n'en attendais pas autant de sa part mais je le remerciais d'un sourire. Il abandonne ma main et s'éloigne. Lorsqu'il parle, je comprends pourquoi. Avec le bruissement de l'eau, impossible de deviner sa voix véritable. Je restais à ma place, le laissant agir à sa guise. Mais cela me confirmait qu'il ne devait probablement pas être là et d'autre part qu'il était possible que je le connaisse. Mais je laissais là mes réflexions, les questions vinrent promptement.
- C'est vrai que je peux donner cette impression mais si tu voulais me tuer, cela aurait été infiniment plus simple et moins dangereux pour toi de le faire sous ta forme animal. Si tu me tues ici, c'est que tu n'as pas de cervelle. Les autorités te rechercheraient même si j'ai des ennemis, ne serait-ce que pour les apparences, ils rechercheraient mon assassin. Un animal qui attaque quelqu'un soulèverait moins de questions. Après, dans les deux cas, tu t'exposerais à la colère divine de Neptune. Tu me diras que pour moi, ça ne changera pas grand chose, je serais morte. Par contre, je te plains toi qui serais encore en vie... Enfin pour un moment. Alors oui je prends un risque mais disons que c'est un risque calculé.
Il est vrai que peu de prêtresses agiraient de la sorte même parmi mes frères et sœurs mais je savais que comme aux échecs, il fallait savoir sacrifier un pion pour gagner la parti. Hélas j'avais perdu un pion majeur et précieux il y a peu. Mon cavalier s'était fait éjecter du plateau de jeu. Il ne m'en restait qu'un et inutilisable en l'état. Il me faudrait miser sur mon fou ou ma tour voir sur la reine, moi-même, pour que mon roi, Neptune face échec et mat aux autres pions adverses. La partie se jouait depuis des siècles maintenant mais la fin était proche, je le sentais. Mais je savais aussi que dès qu'elle s'achèverait une autre serait lancée. La vie était ainsi, des parties d'échecs sans fin.
De nouvelles questions vinrent, bien plus complexes que la précédente si tant est que la remarque eut été une question. J'avais déjà entendu ce genre de questions et c'était les questions les plus complexes à donner une réponse. J'essayais d'aller toujours au plus simple mais je n'étais pas certaine que cela convienne à mon interlocuteur.
- La réponse la plus simple à mes yeux c'est la foi. Tu disais que je prenais un risque en m'exposant ainsi, vulnérable, à toi. C'est aussi cela croire en un dieu. C'est prendre le risque de croire sans savoir si cette croyance s'avère réelle ou non. C'est cela la foi, croire sans avoir de preuves de ce qui est. Maintenant, nos dieux nous ont quand même donné quelques preuves de leurs existences comme les temples ou parfois leurs apparitions. Mais chacun est libre de croire ou non. Pour le choix du dieu, c'est le vécu, quelque chose à l'intérieur de toi, qui te pousse à aller vers l'un ou l'autre. Un dieu ou une déesse avec lequel tu te sens en phase, un accord parfait, un amour profond parfois seulement à sens unique. Rien ne dit que parce que tu aimes un dieu, il te le rendra mais rien ne dit non plus le croire. Mais la foi est là pour te réconforter. Pour ma part, quand j'étais enfant, j'étais orpheline, va-nus- pieds et affamée la plupart du temps. Une gamine des bas-fonds comme il y en a trop. J'ai eu la chance de croiser un prêtre de Neptune et je me suis rendue compte assez vite que ma voie était de le servir. Cela m'est apparu comme une évidence. Je ne me voyais pas aller vers un autre dieu. Je sentais presque Neptune en moi.
Je ne pouvais m'empêcher de rire à cette métaphore. Cela pouvait sembler étrange à l'inconnu mais c'était vrai. J'avais eu et avais toujours cette étrange sensation qui vrillait les entrailles que Neptune était mon dieu et qu'il n'y en aurait jamais d'autre.
- La foi est une chose incroyablement puissante. Je donnerai ma vie pour Neptune, je vivrais la pire existence qui soit pour le servir et même s'il me renvoyait, je continuerai de le prier, de lui rendre hommage. Je ne me détournerai pas de lui, je ne pourrais aller vers d'autres dieux que lui. Il est le seul dieu de mon existence. Pour autant, je ne suis pas aveugle et je respecte les autres dieux tout comme je respecte leurs adeptes si leur foi est aussi forte que la mienne. Toutes croyances à le droit au respect. Tout dieu mérite du respect. Le reste est une question de choix et de préférence. Je ne suis pas certaine qu'un dieu soit meilleur qu'un autre. Tout est une question de point de vue. Je voudrais que Neptune soit le premier parmi les dieux, le plus important mais je sais ne pas être impartiale. Tous les dieux ont leur importance et chacun à son propre créneau. Comme je te l'ai dit tout est question de choix personnel. Je sers Neptune car je suis en accord avec ses convictions. Il est le père des eaux. La vie ne saurait exister sans l'eau. Nous ne pourrions survivre sans elle. Neptune est un dieu généreux qui sait laver ceux qui l'accepte dans leurs cœurs de leurs fautes, il peut apporter la paix et la plénitude. Il est aussi le maître des cheveux, des animaux majeurs en temps de paix comme de guerre. Mais c'est aussi un dieu qui peut se montrer violent autant envers ceux qui le trahissent qu'envers ceux qui peuvent le menacer lui ou ceux qu'ils protègent. Si tu te poses des questions sur tes croyances. Interroges ton cœur et ton esprit, fait abstraction de tout ce que tu as pu connaître, tout ce qui peut t'influencer et demande-toi qui l'emporte en toi, qui tu es prêt à suivre aveuglément.
Je disais la même chose à tous ceux qui étaient dans le doute. C'était peut-être bateau comme réponse mais je n'en voyais pas d'autres. Ma foi était profondément enracinée dans mon cœur et dans tout mon être. Servir Neptune était littéralement un besoin viscéral et j'avais tendance à considérer que cela devait toujours être ainsi pour les adeptes d'un dieu, quel qu'il puisse être. Dès l'instant où on doutait, on devait alors prendre du recul et essayer de savoir son avançait sur le bon chemin. Servir un dieu sans être convaincue qu'il était le seul et l'unique n'était bon ni pour l'adepte, ni pour le dieu. Mais ce n'était bien sûr que mon avis... non c'était ma conviction profonde et toute mon existence.
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