L'insecte escalada sa main, patrouillant de ses antennes la peau, inspectant le moindre millimètre, le plus petit recoin où il pourrait s'abriter, pour la nuit, pour un temps, pour plus longtemps encore. Elle ne savait pas encore combien de temps elle resterait là, mais elle était encore là, elle fit frissonner son corps comme pour se prouver qu'elle était en effet bien vivante. L'insecte prenant cela pour un tremblement de terre fila aussi droit qu'il put, dégringolant les doigts effilés et traversant le banc de pierre pour trouver un havre inattendu dans un trou du mur. L'androïde pianota de ses doigts, au niveau de son visage, posé sur le côté, sur ce même banc. L'ennui ne la guêtait pas encore, elle avait tout le temps nécessaire, mais cela lui tardait de trouver un maître ou une maîtresse, quelqu'un qui pouvait lui dire quoi faire. N'avait-elle pas été créée pour cela? N'était-ce pas son but?
Les bruits du forum la réveillèrent et elle se redressa, lentement, dans la grâce que son créateur lui avait offert, ses pieds se regroupèrent, ses genoux se joignirent et son dos se redressa, parfaitement droit. Elle n'attendait qu'une chose, que le propriétaire des lieux, son maître temporaire ne lui ouvre sa cage et qu'elle puisse retourner sur l'estrade, afin de trouver acheteur, afin d'attirer les clients. Si elle ne trouvait pas de maître, les regards se tournaient facilement sur sa personne peut vêtues, mais son prix rebutait plus d'un, aussi ne trouvait-elle pas preneur. Peut-être que si son maître la proposait moins chère, peut-être même pourrait-elle partir d'ici plus rapidement. Petit à petit, les gens commençaient à encombrer le marché. Les premières lueurs d'un soleil estival apparurent aux travers les barreaux d'un ventail de la cellule.
Du peu qu'elle pouvait se rappeler, elle avait toujours vécu seule avec les humains qui la possédaient. Aussi, la conversation entre androïdes ne lui venait pas rapidement et cela était difficile d'engager les présentations quand beaucoup partaient et beaucoup arrivaient. Cela en devenait presque lassant. Ainsi, l'androïde avait pris pour habitude de rester silencieuse et de patienter, encore et toujours. Un tintement de chaînes parvint à ses oreilles et bientôt ce fut le visage de son maître qui passa la porte. Il était l'heure de se vendre. Aelia se leva, épousseta ses habits, arrangea ses cheveux et traversa la petite pièce pour entrer dans la lumière du jour. Il faisait déjà chaud et elle était contente de porter peu. Sur l'estrade, non loin de là, elle s'assit sur une boite en bois. L'androïde plaça son voile sur ses épaules et sa tête, on fanait rapidement au soleil. Elle avait beau être artificielle et ne pas être marquée par le temps, une décoloration de la peau était toujours possible, à force de rester trop longtemps dans les rayons du soleil sans jamais rien faire.
Un premier esclave partit rapidement, bien bâti, il était apte aux travaux manuels. Aelia contempla la foule, identique à une colonie de fourmis en plein travail. Cela venait de gauche, de droite, du nord et du sud, cela s'arrêtait à un étal de légume, d'autres préféraient une démonstration d’ustensiles, des androïdes ou des humains, elle ne savait pas. Son maître temporaire passa derrière elle et lui demanda de sourire, pour au moins attirer les clients potentiels, ce qu'elle fit. Pourquoi le sourire attirerait le client, elle ne savait pas, mais l'ordre était donné, il se devait donc d'être exécuté. Etudiant toujours ceux qui passaient non loin de l'estrade du marchand, la population ne désemplissait pas de cette grande place encombrée, la ville était en ébullition complète et il tardait Aelia de vivre au milieu de tous ces êtres, mécaniques ou bien vivants...