par Evander le 29 Décembre 2013, 00:54
Lucia est comme une fleur fragile, mais elle pousse à l'ombre et ne connaitra jamais la douceur du soleil. Tout comme cette petite fleur qui pousse au pied de l'arbre. Lucia est comme une minuscule petite étoile dans cette immensité noire au dessus de nos têtes et elle n'arrive pas à briller suffisamment pour qu'on la remarque. Je me souviens, d'avant la guerre, quand je levais les yeux vers la voute céleste, me demandant ce qu'il y avait là-haut. Mais les nuages, les fumées, les explosions nous empêchaient de voir quoi que ce soit. Aurais-je vu cette petite étoile du nom de Lucia? Je redescends sur Terre, au cœur de Rome quand Lucia me donne le dessin pour l'Ambassadrice. Ce même dessin que je donne à l'humaine, fille de Pluton. Pendant quelques secondes, je regarde Lucia qui s'est remise à un autre dessin. Elle commence à dessiner la fleur sous l'arbre, mais je vois que du coin de l’œil, elle épie le panier qui contient tant de fleur. Je souris jusqu'à temps que la visiteuse ne parle.
Cerbère? N'est-ce pas là un signe de mauvais augure?
Je fronce les sourcils et puis tout à coup, je me rends compte de ce que je dis et je baisse les yeux. Je n'aurais pas dû. Ce n'est pas ma place de dire ça. Je n'ai pas réfléchi, voilà qu'on va me punir. Je prends beaucoup trop d'aise ici. Voilà pourquoi je n'aime pas avoir des visiteurs. Pourquoi a-t-il fallu que la prêtresse vienne? Je n'aime pas cela, mes fonctions s'alarment, les statistiques s'affolent et je ne sais plus où me mettre. Tout ce à quoi je pense, en cet instant, c'est la protection de Lucia. Surtout qu'en plus, je ne suis qu'un androïde et que mis à part l'histoire de Pluton, je ne connais pas grand chose. Les dieux ne parlent pas aux esclaves. Mes traits se figent, comme s'ils étaient douloureux et je n'ose plus lever le regard. Je préfère changer la conversation. Parler de Madame. Oui, c'est mieux, j'espère simplement que la prêtresse ne prendra pas ombrage à mon impolitesse.
Oui, je connais Alitheia, mais je ne l'apprécie pas autant que je devrais. C'est une très bonne médecin, il n'y a pas à en douter, mais elle est trop curieuse et me questionne souvent sur mon bras. D'ailleurs, je fais bouger mes doigts à ma main gauche, comme pour vérifier que mon bras est toujours là. Cette histoire-là, je ne veux pas qu'on la connaisse. Je suis la mémoire de la famille des Lurio et ils ont juré de se cacher à la face du monde. Je ne veux pas que Alitheia fouille dans mon passé ou que qui que ce soit découvre la vérité. Mais d'un autre côté, je dois aider ma Maitresse. Je lève les yeux vers le moucharabieh de la chambre de Madame. Grâce à mon don, je vois Aurelia qui tremble en nous observant derrière les parois de bois. Je sais qu'elle veille sur Madame, mais Aurelia n'est pas médecin.
C'est à Madame de décider.
Madame ne demande que la mort, je le sais, elle souhaite rejoindre son époux, mais je sais qu'elle ne veut pas abandonner Lucia. Elle est en proie à un dilemme et je sais aussi que cela l'affaiblit au plus haut point. Je ne peux prédire ce qui va se passer, mais je vois, jour après jour, la maladie la gagner. Soudain, un hurlement strident se fait entendre et je me tourne immédiatement vers Lucia. Elle montre les cieux de son doigt et je m'agenouille devant elle pour voir ce qui lui arrive. Elle me tend la main. Une toute petite goutte de sang sur le doigt. Mes yeux captent une gouttelette encore plus petite sur une épine des rares roses que nous possédons. J'entends le hoquet de surprise d'Aurélia, tout là-haut et la voix essoufflée de Madame dans son lit. Je prends la main de Lucia et la serre doucement entre mes deux mains. Cela suffit à la calmer. Il suffit simplement de cacher à sa vue pour qu'elle se calme. Quelques larmes coulent sur ses joues, mais elle ne crie déjà plus. Ce n'est pas la première fois qu'elle se pique sur une rose, mais cela m'effraie toujours autant quand elle hurle comme cela.
C'est fini, c'est fini...
Elle arrive rapidement à se calmer, mais souvent, elle entre dans une phase de peur incongrue. Personne ne sait ce que Lucia a, pourquoi elle réagit comme ça et je n'ai pas envie que des gens la voit. Croiser Alitheia près des Portes de Pluton me suffit, la faire venir ici... je n'aime pas cela, mais c'est Madame qui décidera... Lucia ne fait plus de bruit, mais je la sens qui tremble au moindre bruit qui n'appartient pas à son monde. Elle finit dans mes bras et pour me redresser et retourner auprès de la prêtresse Livius, je dois la porter. Lucia n'est pas bien lourde et mes facultés synthétiques m'aident, mais cela doit paraitre assez étonnant de voir une petite humaine aussi proche d'un androïde, à vrai dire je ne sais pas, mais c'est l'habitude qui a parlé avant même que je ne m'en sois rendu compte.
There will be a time...