Prière d'un humble Centurion

[Titus Acilius]

L'homme se redressa en sueur. Cela faisait la quatrième fois. Quatre fois qu'il se réveillait à la suite d'un rêve étrange. Non, cela ne pouvait pas continuer. Il se leva, sans réveiller Tiziana qui s'était mise en veille. Il traversa le péristyle. Tout était calme, personne n'était debout encore, il était bien trop tôt. L'homme passa dans l'Atrium. Le laraire brulait plus que jamais. Pourtant il n'avait été qu'alimenté hier soir. Cela faisait plusieurs heures que les braises auraient dû prendre le relais, mais là, le feu vivait plus ardent qu'il n'avait jamais vu. Les androïdes étaient en veille eux aussi, seuls Cocles s'inclina alors qu'il passa la porte de la boutique et le garde à l'entrée. Les rues étaient silencieuses. Rapidement habillé, il avait un peu froid, mais tout bon militaire qu'il était, il continua sa route sans rien dire. Il marcha à la cadence d'un cheval au galop jusqu'au temple de Pluton. Les prêtres étaient encore endormis.

- Gardien des Portes. Que cherche-t-on à me dire?

La salle immense résonna de la voix claire et forte du centurion. La statue du Dieu présidait l'air glacial du temple. Les torches étaient encore allumées et brulaient doucement. L'homme dégaina son épée et la posa sur l'autel des offrandes. Il fit bruler un peu d'encens, laissant les cendres tomber sur la lame éfilée. L'homme se plaça à genoux, les bras ouverts, visage tourné vers son dieu.

- Que dois-je faire? Je suis Centurion de tes Portes. Je défends la Cité et son Peuple en ton nom. Et je continuerais. Je vois la ville de Rome qui va se vider de ses soldats afin de conquérir les plaines. Et pourtant, je fais des rêves étranges. Le Corps Expéditionnaire ne reviendra pas. Tu me l'as fait voir. Et ce n'est pas un simple cauchemar. Donne-moi la force de me joindre à eux, de quitter ma ville, de laisser le peuple et de me joindre aux rangs des Soldats de Minerve.

Son visage retomba, vers le sol, offrant sa nuque visible à tout témoin. Humilité d'un soldat face à son supérieur. Ses bras retrouvèrent ses flancs et ses doigts s'entrecroisèrent. Il pria ainsi, en silence pendant de longues minutes. Le temps passa et les bougies sur l'autel se consumèrent lentement, tout comme les bâtons d'encens qui laissèrent les volutes grises de leurs fragrances s'élever tranquillement.

- Je veux protéger ma ville, Dieu des Portes. Donne-moi la force de la quitter pour la retrouver, encore plus fort. Laisse-moi ramener les soldats de Rome vers la ville. Donne-moi ce courage.

Les heures se mirent à passer, alors que l'homme priait toujours autant. Quand le premier rayon de soleil toucha la statue sacrée, un prêtre sortit de l'ombre et se mit à réveiller les torches, à rallumer les rouleaux d'encens, à nettoyer les dalles de marbres. Il ne perturba pas les prières de l'adepte, mais s'étonna de cette heure matinale. L'homme ne fit pas attention à ses aller-et-venues dans le Temple.

- Comment ton humble centurion peut persuader l'entêtement des adeptes de Minerve? Guide ma voix, guide mes pas et guide mon bras.

[Le conteur]

Les prières de Titus restèrent sans réponse. Le soldat resta de marbres de longues durant, mais cela ne changea pas le cours des choses. Les dieux ne répondirent pas à son appel, si toutefois il l'avait entendu.